Textes en soutien à la grève des femmes suisses du 14 juin 2019

 

Où êtes-vous Femmes ?

Majoritaires et pourtant invisibles !

Où êtes-vous Femmes ?

Trop sages et paisibles dans le monde visible.

Où êtes-vous Femmes ?

Majoritaires et pourtant invisibles !

Où êtes-vous Femmes ?

Indispensables et divisibles,

Muselées jusqu’à l’indicible,

Trop sages et paisibles

Dans le monde visible.

Où êtes-vous dans la folie des hommes ?

Que faites-vous dans la folie des hommes ?

Femmes ! Sortez de la torpeur !

Émergez des profondeurs,

Naissez à vous-même

Et fières de votre emblème

Étendez-le sur le monde

En entrant dans la ronde.

Femmes ! Levez-vous comme une seule femme !

Défendez-vous contre l’infâme,

Reconquérez votre droit à la vie,

Revendiquez celui à la vie,

Protégez la vie !

En instaurant ce respect et cette dignité

Qui ne peuvent naître que de cette autorité

Consentie et si naturellement vôtre.

Femmes ! Découvrez-vous

Et avancez, sûres de vous,

Libres des chaînes passées,

Ouvertes et conscientes

Dans ce monde d’inconscience,

De tout un monde à restaurer.

Apportez votre bagage,

Indispensable au voyage,

Mêlez-vous aux moins sages

En faisant preuve de courage

Et dispensez votre sagesse

Votre amour et votre hardiesse,

Convaincues jusqu’au bout

Que ce sont là les vrais atouts.


© Catherine Gaillard-Sarron 2002

Bavardages inutiles ?

Bavardages futiles, bavardages inutiles !

Ainsi se moquent les hommes quand s’expriment les femmes,

Pétris qu’ils sont de cette impunité suffisante

Nourrie par des millénaires de domination.

Assurés qu’ils sont de leur légitimité,

Partout avec indécence ils affichent

Arrogance et condescendance méprisantes,

Rappelant à chacune autorité et supériorité !

Bavardages futiles, bavardages inutiles !

Ainsi clament les hommes quand s’expriment les femmes,

Les condamnant délibérément à l’ignorance

Réduisant sans respect celles-ci à l’insignifiance.

Imbus qu’ils sont de leurs propos si pertinents

Ils dénigrent et dévalorisent avec délices

Les intrépides qui bravent leur « machisme »,

Idéologie primaire qui fonde leur suprématie.

Bavardages futiles, bavardages inutiles !

Ainsi pensent les hommes quand s’expriment les femmes,

Inquiets qu’ils sont de leurs propres faiblesses

Handicapés dans l’expression de leurs sentiments,

Muselant et bâillonnant les voix de leurs consœurs,

Repoussant dans le puits de leurs inconscients

Les prémices gênantes d’une vérité pressentie

Et cependant rédemptrice et porteuse de liberté.

Bavardages futiles, bavardages inutiles !

Vaniteux, prétentieux, que d’orgueil exprimé par les hommes

Qui savourent avec jouissance et égoïsme

Ce pouvoir éhonté qu’ils s’octroient sans héroïsme.

Convaincus de leur indéniable puissance

Ils étouffent et occultent leurs possibles défaillances,

Dissimulant sous le manteau de leur virilité

Peurs, angoisses et impuissance qu’ils ne savent affronter.

Bavardages futiles mais bavardages utiles !

Ainsi tissent les femmes de la vie l’essentiel,

Élaborant au travers chaque mot « inutile »

Un langage universel, vital mais invisible.

Pétri des expériences de la vie quotidienne

Il est riche d’émotions et de sentiments

Et nous prépare à la véritable communication,

Trame indispensable à tout épanouissement !

Bavardages futiles et pourtant bavardages utiles

Que ceux qui les relient comme des cordons à leurs enfants,

Transmetteurs de patience d’endurance et d’amour,

Véhicules privilégiés des relations et de la civilité.

Traduisant de la vie l’épaisseur, ils nous construisent

Mot après mot aussi sûrement que des briques,

Chargés qu’ils sont de vécu et d’expériences,

De toutes ces choses qui ne s’apprennent pas !

Bavardages futiles ? bavardages utiles ?

À quoi bon une frontière pour des mots !

Ils ne sont rien sans l’étincelle de l’esprit ou de l’amour.

Tour à tour boucliers, masques ou armes tranchantes

Ils n’existent qu’au travers de notre valeur

Et dénoncent sans appel le tricheur ou l’hypocrite ;

Ils représentent ce que nous sommes réellement

Et ce que nous acceptons réellement d’être !

La femme, asservie depuis des millénaires,

Tenue dans la servilité et l’ignorance,

Soumise et conditionnée à l’autorité

Étonne par sa force et son humanité.

Malgré la domination de l’homme à son égard,

Elle a appris, développé, transmis avec sagesse

Ce savoir invisible mais essentiel au travers des mots.

Elle sait sans savoir, elle sait la vie, elle est la vie.

Point de mots inutiles quand les cœurs ils consolent,

Point de mots trop futiles quand la vie ils décrivent,

Les uns par-dessus les autres, en vrac ou couverts,

Ils soulagent, ils racontent, ils disent la vraie vie,

Simple, triste, quotidienne, banale ou heureuse,

Ils sont la trame invisible d’une histoire essentielle

Celle que toute femme, depuis toujours, tisse pour tous.

 

© Catherine Gaillard-Sarron 1999

Princes et princesses

Bien loin du bois d’antan

La princesse s’est réveillée

Et se découvre femme !

Et le prince charmant

Attendu des années

Se révèle fantasme !

Le baiser du réveil

Est un baiser sans sel

Et la réalité,

Soudain démythifiée,

Apparaît bien cruelle

Dans cette aube nouvelle.

Les princesses n’existent pas

Et les princes non plus !

Seulement des femmes

Privées de liberté,

Qu’on a bercées de rêves

Et gavées d’illusions ;

Seulement des hommes

Couverts de privilèges

Qui puissants et vaniteux

De tout ont décidé ;

Seulement la projection

D’idéaux d’exception,

Propagés par l’histoire,

Portés par les mémoires,

Nourris de désespoir

D’amour et d’espérance,

De tant de frustrations

Que chargés de ces attentes

Irréalistes et utopiques,

Ils ont occulté et absorbé,

Depuis toujours comme des trous noirs,

La vraie lumière des choses.

 

© Catherine Gaillard-Sarron 2001

La secrétaire parfaite

Forte et compétente,

Féminine et intelligente,

Efficace, ordonnée,

Structurée, organisée,

Tenant secrètes ses ambitions,

Maîtrisant ses émotions,

Résistant aux diverses pressions,

Elle se dévoue pour son patron !

Sentinelle fidèle

Elle attend son appel.

Polyglotte et interprète

Tous les talents on lui prête.

Bien expérimentée,

Mais par les ans épargnée,

On la veut spirituelle et sagace,

Attentive et perspicace,

Cultivée, douée, créative,

Ayant l’esprit d’initiative.

La plume facile,

L’attitude servile,

On l’exige flexible,

Secrétaire de l’impossible !

Acrobate du temps

Elle jongle avec les dates,

Tour à tour diplomate,

Ambassadrice ou confidente.

Secrète et discrète,

Omniprésente on la souhaite,

Pleine d’entregent

Et ne comptant pas son temps !

Toutes qualités conjuguées

Alliées au charme et à la beauté,

Feront d’elle sans concurrence

Cette perle d’une rare exigence

Convoitée de manière illusoire

Par des patrons pleins d’espoir!

© Catherine Gaillard-Sarron 2003

Appâtisserie”

Comme une marchandise, la femme,

Exposée, emballée dans des dentelles aguichantes,

Attire, appâte malgré elle, le mâle consommateur !

Placardée le long des routes, aux carrefours,

Sur les murs et aux feux rouges, jusque dans les vitrines,

En chair et en guipures, véritable « appâtisserie »

La femme est devenue produit !

À vendre sans pudeur dans le bruit les odeurs,

À consommer entre ou après les repas,

Et son corps, comme des morceaux de viande,

Est débité en obscènes images,

Jeté en pâture à la concupiscence.

Morcelée, fragmentée, vendue au kilo et par morceaux,

La femme, désacralisée, désincarnée, vidée de son essence,

N’existe plus en tant que telle.

Mais avait-elle seulement commencé à exister ?

Servante depuis toujours la voilà devenue chose !

Morte avant que de naître véritablement à elle-même.

Où est donc cette émancipation, cette liberté

Promise par les hommes, espérée par la femme ?

N’apparaissent que la manipulation et l’utilisation de son corps,

Exposé, rabaissé, humilié, étêté pour mieux le chosifier,

Confisqué comme le vivant, acheté et vendu au plus offrant.

Quelle est donc cette femme que l’on vend en partage ?

Qui est donc cette femme que l’on montre sans ambages ?

Cette femme otage, cette femme chantage,

Cette femme sans tête et sans voix

Dont on voile ou dévoile,

Selon l’idéologie, la religion,

La morale ou le business,

Le visage ou le derrière !

© Catherine Gaillard-Sarron 2003

La brute, l’ivrogne et sa femme

Pauvre fille, fille de pute,

Tu n’es rien, rien qu’une pute !

Tu n’vaux pas plus qu’un chien

Et ta vie m’appartient.

J’ai des droits sur ton corps

Car je suis le plus fort,

J’ai des droits sur ton âme

Car tu n’es qu’une femme.

Relève-toi quand j’te parle !

Te traîne pas sur les dalles !

Pauvre conne qu’est en cloque,

Quand j’te vois j’ai un choc !

T’es minable et t’es laide,

Tu mérites pas mon aide.

Regarde-moi quand j’te parle !

Cesse de dire que t’as mal !

Je supporte plus tes râles,

Tes yeux vides, tes joues pâles.

T’es vraiment plus qu’une loque,

J’suis sûr que d’moi on s’moque.

Cesse de dire que t’as mal !

Qu’tout ça n’est pas normal !

Si j’ te frappe c’est ta faute !

Tu n’fais rien comme il faut,

Et si j’bois, c’est ta faute aussi :

Une femme comme toi, c’est pas permis !

T’es minable et t’es laide,

Tu n’mérites pas mon aide.

Lève-les yeux quand j’te parle !

Cesse de dire que t’as mal !

Regarde-toi, j’suis pas fier,

T’es plus qu’une serpillière,

Une informe feignasse

Qui rampe à mes godasses.

Allez ! Tire-toi de là !

Y faut qu’j’aille boire un coup.

Et m’regarde pas comme ça

Ou je te r’flanque un coup !

© Catherine Gaillard-Sarron 2002

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