Frère d’Âme.

AudiosBillet du 29.1.20

Douce au fond du cœur, la présence des absents – Amour immortel.

Frère d'Âme

Préface de François Gachoud

La mort nous regarde tous, mais nous regardons ailleurs –

Fuite en avant.

Où es-tu mon frère?

Je te cherche et me cogne, au silence du deuil…

À toi mon frère d’âme,

À l’esprit trop brillant,

Étoile en fin de vie

Transformée en trou noir.

Ce qui résonne au terme de cette épreuve, ce n’est pas l’impuissance. Comme une porte ouverte sur un invisible au-delà, Catherine chante l’amour plus fort que l’impuissance. François Gachoud, écrivain

Octobre 2019 – 98 pages
ISBN : 978-2-9701281-1-3

Prix 25 CHF  

Frère d'Âme

par Catherine Gaillard-Sarron | Voix off Anne Davaud

Comme les nuages, les humains changent de forme et se mêlent au Fond…

Frère d’Âme

Mon frère est mort,

Emportant avec lui

Un bout de la fratrie,

Trouant par son absence

La photo familiale…

Mon frère est mort,

Et saigne désormais

Tout le corps fraternel

Face à l’amputation

De l’un de ses dix membres.

Extrait préface François Gachoud

Catherine a perdu Christian, son « frère d’âme », frappé par un cancer. Elle l’a accompagné, avec ses frères et sœurs, de toute leur affection. Elle a surtout voulu restituer ici, en poétesse affligée, la traversée de cette épreuve avec lui partagée. Chanter ce temps vécu à l’ombre du trépas, rendre un hommage posthume « à ce frère secret, doué et solitaire, ce frère à fleur de peau, sensible et intuitif », lui a paru nécessaire. Aussi découvrons-nous dans ces vers émouvants ce que la douleur inspire mais, plus fort encore, ce que l’amour d’une sœur confie.

 

La vie se tarit, s’est interrompu le flux – Retour à la Source…

Dire le deuil, dire la promesse du printemps

Catherine Gaillard-Sarron – Avec “Frère d’âme”, Catherine Gaillard-Sarron signe un livre de poésie extrêmement personnel autour du décès du frère de la poétesse, emporté par un cancer. Recueil? L’écrivaine va plus loin que la collecte d’états d’âme épars et fait de son livre un ouvrage qui, simplement, se structure autour de double loi d’airain de la mort et, pour ceux qui restent, du temps qui passe. Collectés en quelque 75 pages, les poèmes condensent donc les ressentis sur le ton du souvenir, mais aussi sur celui de la vie et de l’amour qui doivent primer.

 “Tes yeux de magnétite qui aimantent les miens…”: là est toute la force de la vie. Cette attention au regard va jusqu’au bout: “Il nous fait ses adieux/Des larmes dans les yeux.”

Tout commence par la vision difficile de ce frère amoindri sur un lit d’hôpital, qui sait qu’il va partir. Comment le vivent ceux qui vont rester? Et comment le vit celui qui va partir? “Il va mourir./Il le sait./Et nous le savons aussi.”: en trois vers, la situation est installée. La poétesse observe avec tendresse celui qui s’en va, attentive surtout à son regard, certes angoissé, mais aussi dernier à rester vif alors que le corps déjà dépérit: “Tes yeux de magnétite qui aimantent les miens…”: là est toute la force de la vie. Cette attention au regard va jusqu’au bout: “Il nous fait ses adieux/Des larmes dans les yeux.”
 
Il y a une forme de mise à distance dans tel poème écrit à la troisième personne, qui signifie l’acceptation du départ ultime et le début du processus de deuil. “Traversée en solitaire” évoque ainsi ce qu’on nomme volontiers “le dernier voyage”; là, la poétesse recourt à la troisième personne aussi, la seule juste: ce voyage, seul le défunt en fait l’expérience. Mais dans le poème “La Dame brune”, qui évoque aussi le défunt à la troisième personne, cette distanciation n’oublie pas la proximité: “De tous il a tenu la main”, dit-on de celui qui est désormais parti. 
 
Par contraste, le poème “Mon frère est mort”, écrit à la première personne, celle de l’écrivaine, apparaît comme extrêmement intime, utilisant le vers “Mon frère est mort” comme une anaphore, soulignée par l’usage varié et sensé de la ponctuation, porteuse de sens à chaque fois. Et il y a ce “A notre frère”, poème qui utilise le “nous” pour dire le deuil de toute une famille, de tout un monde, et résonne comme un vibrant hommage funèbre.
 
Les circonstances du départ du frère apparaissent comme un lieu littéraire par excellence: il est parti à la fin de l’hiver, glaçant un peu plus l’arrière-saison. La poétesse ne manque dès lors pas de mentionner les flocons qui tombent – tout en rappelant que le frère défunt voulait partir au printemps. Elle indique aussi les fleurs qui reviennent – ce que suggère le poème “Au printemps”. Ce printemps, saison du renouveau, est celui d’un autre départ: la vie doit continuer, et l’amour est sans doute la clé pour la rendre vivable malgré l’absence. “L’amour qui grâce à nous/Triomphera de tout”, conclut d’ailleurs le dernier poème du livre.
 
Le processus de deuil est aussi l’occasion de réfléchir à ce qu’a été ce frère à la fois familier et méconnu, “Ce frère Tournesol, inventif mais distrait”. La poétesse ne manque pas de faire résonner son approche littéraire avec le tempérament scientifique du disparu. Invité dans l’intimité de “Frère d’âme”, le lecteur ne peut que s’interroger: est-ce que je connais vraiment mon frère, ma sœur? Est-il mon frère, ma sœur d’âme, d’armes, est-on tenté de lire?

Invité dans l’intimité de “Frère d’âme”, le lecteur ne peut que s’interroger: est-ce que je connais vraiment mon frère, ma sœur? Est-il mon frère, ma sœur d’âme, d’armes, est-on tenté de lire?

Les points de vue varient, on l’a dit, et sont autant de focales sur le drame d’un deuil. La poétesse varie aussi la forme de ses poèmes, oscillant entre une versification parfaitement libre, libérée même de sa ponctuation, simple et proche du ton de la conversation, et des vers alexandrins d’allure classique et solennels, ou alors de facture néoclassique, libérés des strictes règles d’antan: le moment du deuil n’est pas celui de la rigueur, celui où l’on s’empêche parce que les conventions l’exigent. Reste une constante, qui rythme “Frère d’âme”: ces haïkus qui introduisent chacun des poèmes et forment un contrepoint très dense à ce qui va être plus longuement dit.
 
Ainsi l’écrivaine, recourant à des mots simples et directs, met son cœur à nu et recourt à tout son art poétique pour dire de manière juste et profonde le départ d’un être cher, ce frère, ce Christian auquel “Frère d’âme” est dédié, invitant le lecteur à partager sa peine, mais aussi la promesse d’un deuil apaisé. Ce que suggèrent les jonquilles inondées de soleil figurées sur la couverture de ce livre fort.
 
Catherine Gaillard-Sarron, Frère d’âme, Chamblon, Catherine Gaillard-Sarron, 2019. Préface de François Gachoud.

 

 

Frère d’Âme

Catherine chante l’amour plus fort que l’impuissance.

Préface de François Gachoud

Elle est indicible la douleur qui nous étreint quand nous perdons un être cher, quand la mort, impitoyable, nous l’arrache à la vie. Catherine a perdu Christian, son « frère d’âme », frappé par un cancer. Elle l’a accompagné, avec ses frères et sœurs, de toute leur affection. Elle a surtout voulu restituer ici, en poétesse affligée, la traversée de cette épreuve avec lui partagée.  Chanter ce temps vécu à l’ombre du trépas, rendre un hommage posthume « à ce frère secret, doué et solitaire, ce frère à fleur de peau, sensible et intuitif », lui a paru nécessaire. Aussi découvrons-nous dans ces vers émouvants ce que la douleur inspire mais, plus fort encore, ce que l’amour d’une sœur confie.

Si les mots ont le pouvoir de libérer les maux, les souffrances endurées, c’est à la condition de refaire le chemin de cette vie soudain interrompue. Il faut donc dire combien cette mort fut cruelle, proclamer l’injustice faite à l’espérance, décrire aussi les affres de l’impuissance où se trouvent les siens quand ils entourent ce frère parti bien avant l’heure.

Mais ce qui résonne au terme de cette épreuve, ce n’est pas l’impuissance. Comme une porte ouverte sur un invisible au-delà, Catherine chante l’amour plus fort que l’impuissance : « Il voulait partir au printemps quand reviennent les hirondelles… Et le printemps l’a entendu… Il est parti l’âme tranquille ». Car finalement, « il n’y a que l’amour qui inspire et rayonne, l’amour qui nous transcende… l’Amour depuis toujours, l’Amour qui grâce à nous, triomphera de tout ».

François Gachoud, écrivain

 

 

Comprendre un peu tard, à l’heure du dernier sommeil, qu’on ne s’éveillera plus…

À l’ombre du trépas

Un jour sans prévenir, nous emplissant d’effroi,

La mort nous apparaît, nous frôlant de ses ailes,

Obscurcissant nos vies de son ombre mortelle,

Nous plongeant illico dans un grand désarroi ;

Maladie ou cancer, accident ou revers,

Qu’importe la raison, elle impose sa loi,

Nous confrontant soudain au possible trépas,

Faisant de l’existence un véritable enfer.

Comptable impitoyable excluant tout recours,

Impassible soustrait le solde de nos jours

En soufflant dans nos dos son haleine glacée.

Instillant dans nos cœurs le poison de la peur,

Camarde nous épie en attendant son heure

Nous laissant consternés devant le temps gâché.

 

© Catherine Gaillard-Sarron 2019

Dans tes yeux

Dans ton visage pâle mangé par la barbe

Je ne vois que tes yeux aux pupilles élargies

Tes yeux de magnétite qui aimantent les miens

Et me font partager ton profond désarroi

Je ne vois que tes yeux agrandis par l’angoisse

Tes yeux brûlants et doux qui cherchent mon regard

Tes yeux comme des lacs qui débordent de larmes

Et emplissent mon cœur d’une amère impuissance

Je ne vois que tes yeux qui se noient dans les miens

Et nos mains enlacées qui se couvrent de larmes

Intense communion en ces sombres instants

Qui ravive des liens qui s’étaient distendus

Doucement sur tes joues creusées par la souffrance

Ruissellent les regrets d’un temps trop vite enfui,

Tu baisses les paupières, sur cet inachevé,

Masquant les émotions qui révèlent ta peine

Et je t’étreins la main car je ne sais que dire

L’amour ne se dit pas et la mort encore moins

Seuls l’esprit et le cœur comprennent ce langage

Qui passe par les yeux que tu ouvres à nouveau

Dans ton visage pâle mangé par la barbe

Je ne vois que tes yeux aux iris brillants

Tes yeux qui me sourient malgré les circonstances

Et me disent en silence, ta profonde affection.

 

© Catherine Gaillard-Sarron 2019

 

Traversée en solitaire

Il a lâché la barre,

Malgré tous ses efforts,

Malgré tous ses espoirs,

Il a lâché la barre,

Interrompant la traversée

Entamée il y a deux années ;

Une aventure en solitaire

Sur un océan de douleur

Durant laquelle il a bravé

L’hydre perfide du cancer.

 

Il a lâché la barre,

Épuisé par la lutte,

Terrassé par le crabe,

Se résignant à l’abandon

Devant ses assauts répétés.

Il a lâché la barre,

Submergé en dernier ressort

Par une vague scélérate.

 

Il a lâché la barre,

Vaincu par l’hydre à mille têtes

Qui le dévorait lentement,

Et largué les amarres,

Rejoignant au-delà des mers

Le monde étrange des quanta,

Abandonnant à l’océan,

Théâtre de l’affrontement,

La coque vide de son âme

Partie sur les traces de Planck.

 

 © Catherine Gaillard-Sarron 2019

Frère d’Âme

Toi qui ne croyais pas

Ni à Dieu ni à Diable

Tu détiens à présent

La clé du Grand Mystère

Car nul ne peut savoir

Quelles que soient ses croyances

Ce qu’il advient de l’âme

À l’issue du voyage.

Tu cherchais la lumière

Dans le monde quantique

Et moi je la cherchais

Dans la métaphysique,

Deux chemins qui, peut-être,

Se rejoignent et se fondent

En une voie unique

Encore impénétrable.

Tu aimais la physique

Et les mathématiques,

J’aimais la poésie

Et la philosophie,

La science et la conscience

Au centre de nos quêtes

Dont la finalité

Était l’élévation.

À toi mon frère d’âme

Parti vers les étoiles

Dont la fine poussière

Se mélange au Cosmos,

Toi qui ne croyais pas

Ni à Dieu ni à Diable

Mais rayonnes en mon cœur

Jusqu’à nos retrouvailles.

À toi mon frère d’âme

À l’esprit trop brillant,

Étoile en fin de vie

Transformée en trou noir,

À toi dont la pensée,

Libre de toute entrave,

Fulgure désormais

Au sein de l’Univers.

© Catherine Gaillard-Sarron 2019

La dame brune

Après des mois de résistance

Emplis d’espoir et de souffrance

Il a suivi la dame brune

Qui patientait depuis des lunes

À son côté il est parti

Épuisé par la maladie

Parti en remerciant les siens

De leur amour et leur soutien

Malgré la peur et le chagrin

De tous il a tenu la main

Offrant à chacun son amour

Avant ce départ sans retour

Il a suivi la dame brune

Le cœur serré mais sans rancune

Abandonnant au creux du lit

Ses tourments et son corps meurtri

Avec elle il a traversé

Le pont qui enjambe la vie,

Découvrant la face cachée

De l’Amour qu’il avait en lui.

© Catherine Gaillard-Sarron 2019

Au printemps

Il voulait partir au printemps,

Quand la nature reverdit

Et l’air embaume le lilas.

Il voulait partir au printemps,

Quand naissent les premières feuilles

Et se détachent les anciennes.

Il voulait une fois encore

Sentir la caresse du vent

Sur sa peau privée de soleil,

Serrer ses fils dans ses bras,

Dire adieu à ceux qu’il aimait,

Leur montrer sa face cachée ;

Il voulait partir au printemps,

Quand reviennent les hirondelles

Et le tendre coucou des bois.

Il voulait partir au printemps

Et le printemps l’a entendu

Avançant sa venue d’un mois.

Il est parti l’âme tranquille,

Avec les premières jonquilles,

Le cœur empli de notre amour.

© Catherine Gaillard-Sarron 2019

Ma chère Catherine,

J’ai dévoré ton livre. J’aurai voulu connaître ton frère.  Je suis une malade de physique quantique et autres trous noirs.

J’ai apprécié ton livre sur deux niveaux. D’abord ton ressenti, très pudique et d’autant plus fort, et le contenu littéraire. Tu as atteint la perfection. Je n’écris pas de poésie, mais j’en lis beaucoup et ce que j’aime obtenir c’est une musique, une musique du premier coup. Pour certains poèmes, je dois les lire à voix haute, y mettre du mien pour donner le rythme avec mon souffle et comme j’ai fait la moitié du travail, je suis à moitié contente. Je n’ai pas eu besoin de lire tes vers à voix haute, ils vont droit au cœur avec leur mélodie et leur propre rythme.

J’ai aimé les titres des chapitres et les trois vers avant chaque poème. Une petite préparation à ce qui allait suivre. Et ce matin, j’ai vite jeté un œil pour vérifier si je n’avais pas changé d’idée depuis hier, non !

J’ai lu à voix haute : « Un pas, deux pas, trépas, Valse du temps qui passe, Étreinte de la mort »   La musique, le rythme, la métaphore… Magnifique.

Chris Kufrin 18 novembre 2019

Écrivaine

Commentaires Frère d'Âme

Cyrielle Godart – le 6 septembre 2022

Excusez-moi, j’ai oublié de vous envoyer le mail pour vous confirmer la livraison. Les poèmes sont très beaux et d’une justesse incroyable. Étant passée par là aussi ils m’ont énormément touchée. Merci beaucoup. 

Cordialement.

 

Nicole Monzani – le 13 décembre 2019

J‘ai apprécié dans ce recueil, la mise en lumière “du fait que le regard profond suffit dans l’échange, qu’une douleur muette lie celui qui sait qu’il va partir à celle qui sait qu’il lui faudra apprendre à sur-vivre à cette peine, à vivre-avec le deuil, à vivre-sans la présence de l’autre.
J’ai perdu mon unique frère il y a dix ans. Nous étions très très proches, et son souvenir bien présent dans ma vie, m’apporte une forme de soutien. Jamais l’oubli ne s’installe.

Chris Kufrin – le 18 novembre 2019

Ma chère Catherine,

J’ai dévoré ton livre. J’aurai voulu connaître ton frère.  Je suis une malade de physique quantique et autres trous noirs.

J’ai apprécié ton livre sur deux niveaux. D’abord ton ressenti, très pudique et d’autant plus fort, et le contenu littéraire. Tu as atteint la perfection. Je n’écris pas de poésie, mais j’en lis beaucoup et ce que j’aime obtenir c’est une musique, une musique du premier coup. Pour certains poèmes, je dois les lire à voix haute, y mettre du mien pour donner le rythme avec mon souffle et comme j’ai fait la moitié du travail, je suis à moitié contente. Je n’ai pas eu besoin de lire tes vers à voix haute, ils vont droit au cœur avec leur mélodie et leur propre rythme.

J’ai aimé les titres des chapitres et les trois vers avant chaque poème. Une petite préparation à ce qui allait suivre. Et ce matin, j’ai vite jeté un œil pour vérifier si je n’avais pas changé d’idée depuis hier, non !

J’ai lu à voix haute : « Un pas, deux pas, trépas, Valse du temps qui passe, Etreinte de la mort »   La musique, le rythme, la métaphore… Magnifique.

 

François Gachoud, extrait préface

“Chanter ce temps vécu à l’ombre du trépas, rendre un hommage posthume « à ce frère secret, doué et solitaire, ce frère à fleur de peau, sensible et intuitif », lui a paru nécessaire. Aussi découvrons-nous dans ces vers émouvants ce que la douleur inspire mais, plus fort encore, ce que l’amour d’une sœur confie.”

Commentaires Frère d'Âme