Écrivains de vie

Trempant leur plume de chair dans l’encrier du monde, les hommes écrivent la vie…

Ils l’écrivent blanc sur noir, d’un jet, la faisant jaillir du néant, l’inscrivant en lettre capitales dans le grand livre de l’humanité.

Nombre d’entre eux, cependant, n’ont pas conscience de ce statut d’écrivain ni de l’immense responsabilité qui découle des histoires qu’ils écrivent. Semblables à des écrivaillons ils écrivent n’importe où et n’importe comment, sans y mettre ni le fond ni les formes, indifférents à ce qu’ils créent. Ils écrivaillent sans souci du style, négligeant la syntaxe, l’orthographe et les règles, abandonnant de surcroît leurs écrits derrière eux. Ils écrivassent de mauvaises histoires que personne ne lira mais qui resteront consignées dans le grand livre du monde.

À l’instar des petits enfants, ils gribouillent les pages du livre sacré de la vie, ignorants de sa valeur.

Ils l’écrivent blanc sur noir, d’un jet, la faisant jaillir du néant, l’inscrivant en lettre capitales dans le grand livre de l’humanité.

L’auteur véritable, lui, respecte ses écrits, conscient de leur importance et de la responsabilité qui lui incombe s’il les diffuse : il les reconnaît afin de leur donner une légitimité. Il en prend soin, leur donne le meilleur de lui-même, en corrige les fautes, en améliore le style, la syntaxe et parfois l’histoire. Ses écrits sont une part de lui-même : ils le représentent, le révèlent dans ce qu’il a de plus intime. Enfin, plus que tout, l’auteur véritable affectionne ses écrits et s’il les met au monde c’est souvent avec le secret espoir de pouvoir améliorer l’histoire universelle.

Pour que les histoires qui naissent de la plume des hommes soient réussies et trouvent leur place dans le grand livre de la vie, ces derniers se doivent de développer leurs compétences littéraires et humaines. Ils se doivent de prendre conscience de l’importance de leur écriture et des conséquences qu’engendre leur plume si particulière. En qualité d’auteurs de la vie, les hommes en sont également responsables et, à ce titre, doivent être capables d’assumer tous leurs écrits et leurs diverses créations…

 

© Catherine Gaillard-Sarron 20.11.06