Solstice

Billet Daniel Fattore du 2 juin 2020

Blog Fattorius 2.6.20

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Marie Loverraz, les étreintes du solstice d’été

 

C’est bientôt l’été, le soleil commence à cogner fort sur nos contrées, et après une longue période de confinement, on a envie de se laisser caresser par l’air chaud. Alors, pourquoi ne pas emporter dans sa poche « Solstice », le nouveau recueil de nouvelles érotiques de l’écrivaine Marie Loverraz? Elles sont trois, ces nouvelles, et à chaque fois, c’est l’été, avec son cortège d’images attendues: champs de blé, plage en Grèce, et même, dans un registre un peu différent, anniversaire de mariage chaud bouillant.

 

« Solstice », la nouvelle qui donne son titre au recueil, qui ouvre le recueil en offrant « la totale », s’avère typique de l’auteure. Celle-ci sait convoquer les cinq sens pour développer ses intrigues érotiques. Bien sûr qu’on se regarde, bien sûr que tout peut naître d’une rencontre inspiratrice, et la fugace serveuse qui sourit au jeune client n’est qu’un avant-goût de la suite. Une suite qui revisite le classique de l’amour sur la paille, puisque le jeune homme, arrivé d’Amiens vers le sud de Grenoble, séduit une Parisienne mutine, curieusement juchée sur une charrette de foin.
« L’auteure donne aussi à sentir, non sans lyrisme, la terre humide qui embaume au crépuscule, et la musique des râles amoureux »
Mais voilà: si l’approche est rapide entre les jeunes personnages, consentants avant même d’en être conscients, l’auteure donne aussi à sentir, non sans lyrisme, la terre humide qui embaume au crépuscule, et la musique des râles amoureux – précisément le soir de la Fête de la musique. Et pour la malice, l’approche des deux amants joue sur le double sens du mot « culbuter ». Visuelles mais pas seulement, les métaphores sont évocatrices: les seins de Cloé sont des pêches, ils ont du goût et on aime les caresser. Et la nouvelle, comme un jeu, oscille entre douceur et vigueur, avec un doux « examen ».
Le titre de la nouvelle l’annonce, c’est en Vénus anadyomène que la nordique Veronika va se sentir réincarnée. Et un charmant jeune homme un brin voyeur passe par là, image du satyre mythologique ou de l’adonis…
Dans la deuxième nouvelle, « Vénus aquatica », c’est carrément à la mythologie que l’imagerie emprunte – et pour cause, nous sommes en Crète. Dans cette île surpeuplée de touristes, qui ne rêverait d’une plage qui offrirait un agréable confinement, bien solitaire? Le titre de la nouvelle l’annonce, c’est en Vénus anadyomène que la nordique Veronika va se sentir réincarnée. Et un charmant jeune homme un brin voyeur passe par là, image du satyre mythologique ou de l’adonis… Le lecteur comprend au terme de cette lecture qu’une femme, pour être vraiment honorée, doit se sentir comme une déesse.
La complicité des amoureux, un couple rodé mais où la flamme n’est pas morte, est dessinée par les petits jeux de mots glissés dans la conversation. Et il y a aussi du mérite à montrer que s’habiller, au moins autant qu’un strip-tease, peut être émoustillant.
Dessinée en rouge et noir dans l’intimité d’un logement, l’ambiance de « Noces de soie » est différente: il n’y est plus question d’une union entre deux inconnus, ni d’amours en plein air. C’est l’été cependant, c’est fête à la maison et il y a deux menus: le menu amoureux et le menu à manger, tous deux appétissants. Tous deux sont développés en parallèle, dans une volonté de faire monter la température. La complicité des amoureux, un couple rodé mais où la flamme n’est pas morte, est dessinée par les petits jeux de mots glissés dans la conversation. Et il y a aussi du mérite à montrer que s’habiller, au moins autant qu’un strip-tease, peut être émoustillant.
 
On retrouve certaines images d’une nouvelle à l’autre, que ce soit celle de l’amant qui « grogne » ou celle du miel, de l’humeur liquoreuse, ce qui crée un lien mais peut aussi paraître un poil répétitif sur un si court recueil (113 pages, lues en une courte après-midi). Reste que chaque nouvelle s’avère habilement troussée, à la fois explicite et baignée de poésie, pour relater des étreintes à la fois évidentes et extraordinaires – évidentes parce qu’elles relatent l’histoire de gens qui ont juste envie d’un bon moment (mais cela arrive-t-il comme ça ailleurs que dans les livres?) et extraordinaires parce que l’auteure sait en dire tout le bonheur qu’elles peuvent susciter, tout simplement.
 
Et au terme de la lecture de « Solstice », une citation d’Yvan Audouard: « L’érotisme, c’est quand on le fait, le porno, c’est quand on le regarde ». Et quand on l’imagine, qu’est-ce que ce serait? Telle est la porte qu’ouvre « Solstice ».
Reste que chaque nouvelle s’avère habilement troussée, à la fois explicite et baignée de poésie, pour relater des étreintes à la fois évidentes et extraordinaires, parce que l’auteure sait en dire tout le bonheur qu’elles peuvent susciter, tout simplement.
 
Marie Loverraz, Solstice, Chamblon, CGS, 2020.
 

 

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