Et si la respiration du monde était celle de Dieu ?

Les uns à côté des autres, les uns avec les autres… isolés, ensemble malgré tout.

Nous ne sommes peut-être pas les individus complets et autonomes que nous croyons, mais juste les cellules d’un organisme inconnaissable. D’infimes éléments, distincts les uns des autres, qui composent un corps incommensurable et œuvrent à l’intérieur de manière spécifique et programmée.

Comme nous n’avons pas conscience de toutes les cellules qui composent notre corps, du cœur qui bat pour le maintenir en vie, des poumons qui lui permettent de respirer et du cerveau qui contrôle toutes les fonctions vitales, peut-être n’avons-nous pas davantage conscience que nous faisons également partie d’un corps gigantesque qui se développe à l’infini, et qui, lui aussi, est doté d’une conscience, d’un esprit et d’une intelligence insaisissable, inimaginable.

Un organisme colossal, dont nous ne pouvons mesurer la grandeur, dont nous ne pouvons soupçonner l’étendue et l’ampleur. Un corps qui échappe à notre entendement comme échappe à notre conscience le mécanisme même de ce qui nous maintient en vie. Un corps qui respire et vit. Grâce à nous et pour nous. Un organisme bienveillant qui prend soin de chacune de ses cellules et les habite toutes de sa conscience. Un corps à l’image du nôtre, indépendant et autonome, mais constitué de chacun de nous. Un corps dont nous sommes les composants, les cellules, et dans lequel nous évoluons sans en avoir conscience.

À l’instar des cellules totipotentes, capables de constituer tous les tissus d’un corps humain, il est tout en nous et nous sommes tous en lui. Le Tout étant présent dans chaque partie, et chaque partie contenant le tout, à la façon d’un hologramme. Un corps sans lequel nous ne pouvons exister mais qui ne peut exister sans nous. Il est Un. Nous sommes Un.

Ainsi, avoir conscience de son corps, c’est prendre conscience qu’il existe et le relier à son esprit. De même, avoir conscience de cet autre corps, c’est prendre conscience qu’Il existe et se relier à son Esprit!

Peut-être sommes-nous le corps quand Dieu est l’esprit.

J’aime l’idée que des milliards d’êtres, ou cellules, réunis à leur insu à l’intérieur d’un même organisme, font, indépendamment de leur volonté, corps, pour assurer l’existence du Corps habité par l’Esprit.

Comme j’ai conscience qu’une entité supérieurement intelligente et sensible existe au-delà de moi, que je ne peux connaître, ni même penser, mes propres cellules, elles aussi, ont peut-être le sentiment qu’il existe un esprit au-delà d’elles-mêmes. Un esprit qu’elles pressentent et dont elles perçoivent la présence, mais qu’elles ne verront jamais : en l’occurrence le mien !

Si en tant que cellule, j’ai conscience du corps du monde et de l’esprit qui l’anime, mes propres cellules ont peut-être également conscience de mon corps et de mon esprit. Et ainsi, cette conscience : flux, fluide, vibration ? qui circule dans un mouvement ininterrompu et éternel – celui de la vie ? – qui traverse tout ce qui existe et l’anime de son souffle, de son étincelle, ne pourrait-elle être la substance qui tient, colle tout ensemble, le courant qui pareil à une guirlande électrique illumine le Vivant de sa lumière ?

Car tout est l’un dans l’autre, imbriqué, intriqué. Tout est interdépendant, lié, relié.

Peut-être y a-t-il même un espace, un trou au fond des gigantesques trous noirs comme des plus infimes particules élémentaires. Un passage qui permet à la conscience de circuler et d’animer la vie… Une conscience qui telle un collier, retient et réunit sur son fil les perles de la vie et de tout l’Univers…

Et si la respiration du monde était celle de Dieu ?

Si l’air qu’il expirait était celui qui nous respirons ?

Et si la conscience que nous avons de Dieu était tout simplement la conscience que nous avons de sa Présence en nous, parce que nous sommes en Lui et qu’il Est en nous ?

Et si cette conscience était la substance dont toute chose est constituée ici-bas?

Et si notre âme, l’essence même de cette substance, était Dieu, sa matière…

Texte publié dans le recueil Es-Tu là… 2012