« Infemmie »

Poème extrait du recueil « Ex-Slamation »

Est-ce à dire qu’à leurs yeux une femme vaut moins ? Qu’à leur donner la vie fait d’elles des putains ?

Servantes, serveuses, boniches,

Domestiques ou femmes de chambre,

Nurses, bonnes, gouvernantes,

Employées de maison !

Quelle différence quand les hommes

Pleins d’arrogance et de mépris

Les prennent toutes pour des putains !

 

Femmes de ménage, femmes de bureau !

C’est du pareil au même,

D’un coin du monde à l’autre

Partout le même topo !

Une femme ici vaut une femme là

Mais elle vaut moins qu’un homme

Même si c’est un vaurien.

 

Est-ce à dire qu’à leurs yeux

Une femme vaut moins ?

Qu’à leur donner la vie

Fait d’elles des putains ?

 

Coiffeuses ou pédicures,

Esthéticiennes, cuisinières,

Mères de famille, diététiciennes,

Aides-soignantes ou infirmières,

Sages-femmes, puéricultrices,

Mannequins, tops, courtisanes,

Masseuses, danseuses, prostituées,

Strip-teaseuses et même religieuses !

Elles s’occupent des corps,

Des hommes et des enfants,

Des malades et des vieux,

Des humeurs et des poils,

Des fèces et de la crasse,

Des ces choses infamantes

Qui dégoûtent les hommes.

 

Vendeuses ou couturières,

Agricultrices, vigneronnes,

Commerçantes, maraichères,

Boulangères, bouchères ou concierges,

Opératrices, institutrices, artisanes,

Policières, chauffeuses, ramoneuses,

Secrétaires, journalistes ou conseillères,

Employées de banque, de commerce,

Cheffes d’entreprises, architectes ou médecins,

Comédiennes, chanteuses, danseuses,

Artistes en tous genres !

Elles ne sont qu’ouvrières,

Blanchisseuses du monde,

Abeilles laborieuses,

Se tuant à l’ouvrage,

Cantonnées aux corvées

Et aux basses besognes,

Aux niveaux inférieurs

De l’échelle sociale.

 

Et ne parlez pas d’ingénieures,

De professeures ou d’écrivaines !

Et encore moins de proviseures,

Préfètes, docteures ou Chevalières !

On leur concède magistrates,

Juges, banquières ou avocates,

Mais pas auteures ou procureures,

Ni brigadières ou commandantes,

À peine tolère-t-on bâtonnières,

Et en aucun cas la ministre !

Dans tous ces métiers masculins

Qu’elles invertissent avec brio,

Des hommes imbus de leur pourvoir,

Et inquiets de leur progression,

Leur reprochent avec virulence

Cette orthographe iconoclaste.

Sous couvert de langue française

Ils protègent leurs territoires

Abusant de ces « Droits de l’homme »

Qu’ils accordent si peu aux femmes

Leur déniant la reconnaissance

Qui ferait d’elles des égales.

 

Il semble qu’à leurs yeux

Une femme vaut moins

Et qu’ils préfèrent encore

Qu’elles restent des putains !

 

Devant cette inique « infemmie »

Je rêve d’un monde épicène

Où chacun quelque soit son sexe

Pourrait y vivre et s’épanouir.

Je rêve d’un monde plus juste,

Débarrassé de ces clivages

Qui tout en desservant les femmes

Empoisonnent le monde entier ;

D’un monde où les êtres enfin libres

Du poids de ces déterminismes

Verraient enfin cette évidence

Qu’il n’y a qu’un seul genre humain.

Mais domestiques ou femmes de chambre,

Serveuses, sportives ou présidentes !

C’est du pareil au même,

D’un coin du monde à l’autre

Partout le même topo !

Femmes de bureau, femmes de ménage,

Quelle différence quand les hommes

Les traitent toutes comme des putains ?

 

© Catherine Gaillard-Sarron 1.6.11 

Poème extrait du recueil « Ex-Slamation » février 2024