« Décorps » de rêve
Poème inédit
« On gomme et on efface, des corps toutes les traces, craignant que dans nos glaces, la vieillesse nous enlace. »
« Décorps » de rêve
La beauté et son cortège de supplices
Font de nous les complices
D’une société en représentation
Qui veut paraître à coups d’interventions !
On gomme et on efface
Des corps toutes les traces,
Craignant que dans nos glaces
La vieillesse nous enlace.
Peste des temps modernes,
Dans la peur nous enferme.
La jeunesse comme étendard,
La vieillesse au rancart,
Pour rester en lice
À tous les sacrifices,
Sur l’autel de la conformité
Nous soumettons sans dignité.
Notre société a vieilli,
Mais elle n’a pas grandi.
La chirurgie esthétique
Et ses mobiles pathétiques
Nous éclairent avec insistance
Sur le vide de nos existences.
On travestit la réalité
De peur de l’affronter,
On transforme les apparences
Sans toucher aux consciences,
On nivelle les différences
Jusqu’à la ressemblance
Et de multiples créatures,
Le visage à jamais figé,
Masque sans émotion
Vidé de toute expression,
Portent dans leurs regards cette torture
Qu’ils s’infligent pour exister !
Le bistouri du chirurgien,
Ainsi qu’un magicien,
Modifie notre image extérieure
Mais ne pourra, malgré ses opérations,
Modifier une seule ligne,
Sans notre intervention,
De cette image intérieure
Que nous trouvons indigne !
Et vouloir faire prendre corps au rêve
En se ciselant un corps de rêve
C’est rêver tromper la mort
En changeant seulement le décor !
© Catherine Gaillard-Sarron 28.06.98
Voir le recueil « La ligne du temps » 2020