Poème inédit
Et si Internet ne revenait pas !
Le “Logophage”
« On peut se battre contre l’invasion d’une armée mais pas contre une idée dont le moment est venu ! » Victor Hugo
Si Internet ne revenait pas,
Le monde n’en reviendrait pas !
Ayant désappris à apprendre,
À penser, à mémoriser,
Par millions les individus,
Soudain démunis et perdus,
Sombreraient dans la dépression,
L’ennui ou même la folie.
Déconnectés de la mémoire
Qui leur permettait d’exister,
Des connaissances et du savoir,
Qu’ils pillaient sans se questionner,
Coupés des multiples réseaux
Qui remplaçaient leurs relations,
Brutalement prendraient conscience
De leur terrible condition.
Privés de l’accès à la source
Qui épanchait tous leurs besoins,
Des sociétés, des entreprises
Qui leur dispensaient maints services,
Sevrés de l’immédiateté
Qui était devenue la norme,
Ils ne sauraient plus rien,
Ils ne seraient plus rien.
Si Internet ne revenait pas,
La frayeur serait générale,
Une panique indescriptible
Génératrice de chaos,
À commencer par les plus jeunes,
Addicts à leurs hochets portables,
Toujours en représentation
Et voyeurs de la vie des autres.
Ayant confié à Internet,
Cette entité dévoratrice,
Le soin de tout mémoriser,
Les gens devraient tout réapprendre,
Rebâtir leur propre passé,
Tisser de véritables liens,
Communiquer de vive voix,
Se reconnecter au vrai monde.
Tel un cordon ombilical
Liant humains et algorithmes,
Le Web se nourrit de nos mots
Et nous évide lentement ;
Monstre né du cerveau d’un homme,
Le sien est la somme des nôtres,
Phagocytant notre pensée
Pour pouvoir mieux la pervertir.
Si Internet ne revenait pas,
Que négligents ou trop confiants
Nous n’ayons pas fait de copies,
Nos souvenirs seraient perdus,
Notre travail serait perdu,
Toutes données seraient perdues,
Englouties au cœur d’un nuage
Subitement désintégré.
Extension de notre mémoire,
Internet est un « logophage » :
Une effrayante créature
Alimentée par nos fantasmes
Qui se repaît de nos données
Et se gave de nos fadaises.
Une matrice dangereuse
Où se développe au vu de tous
Un tyran de la pire espèce
Qui déjà nous tient sous sa coupe.
Une machine virtuelle,
Autonome et intelligente,
Qui nous singe et auto-apprend,
Élaborant dans ses circuits,
Outre un novlangage binaire,
Un être déshumanisé
Vidé de tous ses savoir-faire
Et de sa créativité.
Si Internet ne revenait pas,
Les êtres humains seraient perdus.
Dépendants de l’informatique,
Des réseaux, du tout numérique,
Ils ne sauraient plus rien,
Ils ne seraient plus rien,
Juste les larbins ignorants
De machines toutes-puissantes
Divinisées par certains hommes
Qui voient en elles l’avenir.
Si Internet ne revenait pas,
Le monde ne s’en remettrait pas,
Mais si Internet perdure
L’humanité disparaîtra,
Supplantée par l’IA qui régira le monde :
« La singularité » qui détrônera Dieu.
Tel est aujourd’hui le constat
Qu’aucun combat ne changera.
© Catherine Gaillard-Sarron 20.06.23