« APPÂTISSERIE »

Poème extrait du recueil Ex-Slamation

Cette femme sans tête et sans voix dont on voile ou dévoile selon l’idéologie, la religion, la morale ou le business, le visage ou le derrière ! 

Comme une marchandise, la femme,

Exposée, emballée dans des dentelles aguichantes,

Attire, appâte malgré elle, le mâle consommateur !

Placardée le long des routes, aux carrefours,

Sur les murs et aux feux rouges, jusque dans les vitrines,

En chair et en guipures, véritable « appâtisserie » !

La femme est devenue produit,

À vendre sans pudeur,

Dans le bruit les odeurs,

À consommer entre ou après les repas

Et son corps, pareil à des quartiers de viande,

Est débité en obscènes images,

Jeté en pâture à la concupiscence.

 

Morcelée, fragmentée, vendue au kilo et par morceaux,

La femme, désacralisée, désincarnée, vidée de son essence,

N’existe plus en tant que telle.

Mais avait-elle seulement commencé à exister ?

Servante depuis toujours la voilà devenue chose !

Morte avant que de naître véritablement à elle-même.

 

Où est donc cette émancipation, cette liberté

Promise par les hommes, espérée par la femme ?

N’apparaissent que la manipulation et l’utilisation de son corps,

Exposé, rabaissé, humilié, étêté pour mieux le chosifier,

Confisqué comme le vivant, acheté et vendu au plus offrant.

 

Quelle est donc cette femme que l’on vend en partage ?

Qui est donc cette femme que l’on montre sans ambages ?

Cette femme otage, cette femme chantage,

Cette femme sans tête et sans voix

Dont on voile ou dévoile,

Selon l’idéologie, la religion,

La morale ou le business,

Le visage ou le derrière !

 

© Catherine Gaillard-Sarron 2002