L’inspiration

La plus haute vertu de l’homme est l’accueil de l’amour en lui. Ce qu’il nous faut avant tout cultiver, ce ne sont pas la volonté, la raison ou la science, c’est l’aptitude à l’inspiration : elle est une révélation, une animation intérieure qui transforme toute l’existence. »

Louis Evely

Je l’ai sentie, imperceptible, d’abord, tel un souffle léger, aérien, inaudible presque… Ailes de papillon froissées se déployant soudain, fragiles et magnifiques hors de la chrysalide, rides frémissantes vibrant à la surface de l’onde, bruissement d’ailes, vol de pollen… Puis elle a enflé, remontant par vagues, lentement, régulièrement du tréfonds de mon âme ; volcan éruptif, rivière gonflant et débordant de son lit pour déferler sur la plage de mon esprit, me submergeant toute entière de sa puissance créatrice.

Oui, je l’ai sentie respirer, palpiter à l’unisson de mon cœur, m’habiter, vivre en moi ! Feu secret et sacré, tapi au fond de ma conscience, incendiant mes pensées de ses flammes, crépitant dans ma tête, faisant jaillir de mon esprit des milliers d’étincelles et des gerbes d’émotions ; éclairant mes idées, m’illuminant de sa clarté. Sentie s’installer en moi, devenir mes yeux et mes oreilles, se fondre en une vision universelle, totale, embrassant tout, embrasant tout, révélant jusque dans le détail et l’infime, la totalité, l’essentiel ! Attestant la présence du vent et de la Grâce dans le miracle transparent des ailes dorées des libellules, dans la délicatesse infinie des roses, ciselées, créées pour ne vivre qu’un jour, dans les flocons de neige, cristallines merveilles pansant la terre noircie, dans l’insaisissable immatérialité de l’arc‑en‑ciel !

Ô muse divine ! Je te sens venir gonfler mon cœur d’allégresse, ouvrir mon âme à l’ineffable, capter l’indicible, transmuer les mots en un langage subtil, réveiller tout ce qui sommeille et le révéler : éblouissement, éclatement noétique de milliards de particules d’où jaillissent l’esprit, la pensée, la vie ! Feu intérieur à la beauté sauvage, brûlant, qui ravage, réchauffe et purifie ; insatiable passion sur laquelle passe le souffle de l’amour merveilleux qui crée, sublime, transcende et métamorphose en une symphonie flamboyante l’automne qui se meurt, transcendant la mort en une promesse de renaissance. Caresses de l’air, de l’eau ; chaleur du feu, odeurs, étreintes des corps, de la terre nourricière. Regards de lumière, gestes nature, voix du monde, eau, larmes, flux, baisers de vie…

Ô oui ! Je te sens bien, inspiration ! Venir du dedans, venir du néant !

Texte publié dans le recueil Extrêmes limites 2007