Dépression

Texte inédit

 

Dépression

La discipline de la souffrance, de la grande souffrance, ne savez-vous pas que c’est la seule discipline qui, toujours, a permis à l’homme de s’élever?  Nietzche

La dépression est une terre froide, aride, stérile, hostile, sans lumière. C’est un état de tristesse infinie, silencieux, sans joie et sans soleil dans lequel vous errez comme une âme en peine. C’est un tunnel étroit et obscur que la vie vous oblige à emprunter, à passer, sous peine d’y rester ou d’y trépasser. Tout y est noir, glacé. La solitude, inconcevable, y est immense, absolue. C’est extrêmement difficile à vivre, douloureux, incompréhensible. Vous êtes démuni et impuissant face à ce qui vous arrive et face aux autres qui ne le comprennent pas. Vous vivez au ralenti. Vous ne parlez plus, vous ne souriez plus, vous êtes comme un Zombie, absent, vidé de votre énergie vitale. Autour de vous, tout devient moins important, superficiel, tout perd son intérêt, comme si vivre se résumait à survivre. Coupé des autres, du monde, enfermé en vous-même comme dans une chrysalide, le temps se distord. Le film de votre vie ne se déroule plus, comme un arrêt sur image. Figé, emprisonné dans un présent qui semble s’éterniser, vous errez à la recherche de vous-même: cette bulle fragile que vous représentiez et qui vient d’éclater. Quête dérisoire mais nécessaire qui vous oblige à explorer les coins et les recoins de votre conscience afin de comprendre ce qui vous arrive.  

Votre corps est là, cuirasse qui vous protège du monde et des autres mais, comme une étoile effondrée sur elle-même, vous n’êtes plus qu’un trou noir où disparaissent la joie et la lumière.

Au cours de cette décantation, de cette décomposition terrible et silencieuse de tout votre être vous évoluez, cependant. Des changements s’opèrent en vous, modifient votre comportement, vos pensées. Mais nul ne mesure votre métamorphose. Personne ne peut imaginer ce que vous vivez, ce que vous éprouvez. Votre corps est là, cuirasse qui vous protège du monde et des autres mais, comme une étoile effondrée sur elle-même, vous n’êtes plus qu’un trou noir où disparaissent la joie et la lumière. En latence, oublié de tous, terriblement seul, vous poursuivez votre immersion dans les profondeurs de votre âme, descendant toujours plus profondément dans vos abysses intérieurs à la recherche des ces morceaux éclatés de vous-même. Et lentement, hors de tout regard, hors de tout jugement, vous vous retrouvez, vous vous recentrez, vous vous ancrez à cette Présence que avez rencontrée au fond de votre trou sans bord et sans fond et vous remontez, par paliers, vers la lumière et la vie…

Quand malgré la souffrance du corps vous ne voulez pas entendre ce que vous crie vôtre âme, la vie se débrouille et empreinte des chemins de traverse pour vous avertir que vous êtes en danger. La dépression est peut-être, paradoxalement, une ultime réaction qui vise à vous protéger, une stratégie générée par votre psychisme pour vous faire entendre raison et vous faire comprendre que vous vous êtes perdu dans le désir des autres. À cette occasion vous ne pouvez plus refuser la remise en question puisque, effectivement, il en va de votre survie. Mais bien sûr, tout ce processus apparaît comme libérateur et enrichissant une fois seulement l’épreuve dépassée.

Pour pouvoir vous en sortir, vous devez absolument en reconnaître les signaux et accepter cette pause brutale que la vie vous impose. Vous devez admettre votre fragilité, vos limites, vos blessures, vos fêlures, votre finitude, autant de failles par lesquelles la lumière viendra vous éclairer. Vous devez prendre conscience de vos émotions, de ce que vous attendez de l’existence, de vous, des autres. De toutes les façons possibles vous devez exprimer votre ressenti. Vous devez affronter vos angoisses, tout mettre à plat, analyser, comprendre, découvrir vos besoins, vos désirs, pardonner, vous pardonner, créer et enfin, oser vivre…

Il faut cesser de rêver sa vie et la vivre, quelle qu’elle soit, car il n’y a rien, rien de plus précieux que la vie !

© Catherine Gaillard-Sarron 1997

 Lire « La voix de l’âme »