« Choisis toujours le chemin qui semble le meilleur même s’il paraît plus difficile:
l’habitude le rendra bientôt agréable. »
Pythagore
Habitudes d’écrivain
Pour la plupart des gens qui m’entourent,
mon habitude la plus excentrique est l’acte même d’écrire…
Ce que nous persistons à faire devient plus facile à faire, non pas que la nature de la chose a changé, mais que notre pouvoir de le faire a augmenté.
Emerson
Parlez-nous de vos habitudes d’écriture. Depuis quand écrivez-vous ?
J’écris depuis que j’ai su former des phrases. Depuis que j’ai compris l’importance des mots, de leur puissance et du sens qu’on pouvait leur insuffler ou leur donner. J’ai d’abord écrit des poèmes car j’aimais lire et déclamer les poésies que j’apprenais à l’école. J’étais sensible à la musique qui émanait des vers et des rimes, de ces textes denses et très métaphoriques qui racontaient de petites histoires en si peu de mots.
J’ai donc appris à dire plus avec moins, à synthétiser mes idées, à jouer avec les vers et les rimes pour donner du sens, du rythme et de la musique à mes poèmes. J’ai surtout développé mon imaginaire, indispensable pour faire naître des images dans l’esprit du lecteur. Le poème est l’instantané d’une émotion et cette émotion, si elle juste, doit toucher le cœur de celui qui la reçoit au travers de la lecture.
C’est à partir des années 2000 que j’ai commencé à écrire pour être lue. J’ai débuté par les poèmes, puis les nouvelles (voir la page Pourquoi j’écris des nouvelles). Puis je suis passée au roman en 2015. Le temps que je pouvais consacrer à l’écriture a déterminé le genre que j’ai pratiqué au fil des ans. Au début, je travaillais à l’extérieur et mes trois enfants étaient encore à la maison, j’avais donc peu de temps et j’ai beaucoup écrit de poèmes et de nouvelles. Ensuite j’ai diminué mon temps de travail et mes enfants ont progressivement quitté la maison ce qui a libéré du temps pour ma passion et pour me lancer dans le roman.
J’ai finalement fais le choix d’arrêter mon activité professionnelle en 2009 pour me consacrer entièrement à l’écriture. Plus rien ne vient donc parasiter ou briser le flux de mes idées qui peuvent s’écouler sans entraves. Je suis désormais comme une abeille : laborieuse, mais libre de butiner le vaste champ des possibles ainsi que la petite prairie de mes divers projets littéraires.
À quel(s) moment(s) de la journée écrivez-vous ?
J’écris toute la journée puisque je m’autoédite, que cela nécessite de nombreuses tâches et que je n’ai pas de petites mains pour faire le travail, mais pour la création, j’aime écrire la nuit. D’abord parce que je n’arrive pas à m’arrêter et ensuite parce que j’apprécie particulièrement cette atmosphère paisible et feutrée propice à la réflexion et au rêve où rien ne vient perturber le déroulement de mes pensées.
Peut-être aussi parce que cette habitude provient du temps où j’en avais peu. Lorsque mes journées étaient remplies par les obligations professionnelles et familiales et que pour satisfaire à ma passion je n’avais d’autres choix que de voler ces heures d’écriture sur mon sommeil. Des heures où l’esprit enfin libre, je pouvais savourer en toute tranquillité et sans culpabilité, si ce n’est celle d’un manque chronique de sommeil, les délices de la création. Ce qui n’a pas toujours été simple.
La nuit, cependant, reste pour moi le meilleur moment, le plus privilégié pour faire naître mes histoires et les mettre au monde.
Combien de temps par jour (ou par nuit) y consacrez-vous ?
Cela dépend de l’histoire que je suis en train d’écrire. Je peux y passer la nuit. Cela s’est produit une fois. J’étais tellement prise dans mon histoire qu’il était hors de question que j’en interrompe le fil. Je voulais absolument conserver cette intensité, sachant que le lendemain mon état d’esprit serait probablement différent et que quelque chose aurait changé ou serait perdu. Je remarque parfois dans des romans ces instants ou l’auteur s’est arrêté pour reprendre plus tard. Ça se sent. Il y a un décrochement. D’ailleurs, quand je reprends une histoire, avant même de commencer à écrire, je relis tout, systématiquement. Pour bien me replonger dans l’histoire et m’en imprégner. Et si l’histoire est déjà bien avancée ça prend du temps. Donc il faut beaucoup de temps pour entrer dans un roman. Cette fois-là, j’étais dans une nouvelle assez longue et j’ai écrit de 9 heures du soir à 8 heures du matin. Je ne me suis arrêtée que lorsque j’ai tapé le point final. C’est seulement à cet instant qu’heureuse et apaisée je suis allée me coucher et que j’ai dormi comme une souche jusqu’à midi. C’était incroyable. Mais cela reste l’exception. Ce qui est vrai et constant en revanche c’est que lorsque je suis en pleine création, je suis comme hors le temps, dans un état modifié de conscience. Et c’est magique.
Pour ce qui est du quotidien, comme je l’ai déjà dit, j’écris tout au long de la journée sur différents projets. Mes journées sont entrecoupées de pauses repas, de balades, de lectures, de moments de détente avec mon mari et je me remets généralement devant mon ordi vers 22 h 30 jusque vers 3 heures du matin au plus tard. Mon moment préféré.
Est-ce que tout cela vaut la peine ? Que répondre ! Juste que j’aime ce que je fais et que mon travail est ma meilleure distraction. Je ne m’ennuie jamais et je ne suis jamais seule. Mes voyages sont intérieurs et je suis toujours accompagnée d’un personnage ou d’un autre. J’ai une très grande famille dans tous les sens du terme qui me nourrit et comble tous mes besoins.
Écrivez-vous tous les jours où avez-vous des périodes (de la semaine, du mois, de l’année) plus propices que d’autres à cette activité ?
Je travaille tous les jours à mon bureau pour faire tourner ma petite entreprise mais j’ai des périodes privilégiées dans l’année où je me consacre totalement à l’écriture de nouveaux ouvrages. En particulier en été ou en automne où je me réfugie plusieurs semaines dans un chalet valaisan ou dans un appart en bord de mer pour écrire et où je ne fais que ça. C’est dans ces retraites, nécessaires pour moi, sans télé, sans internet, sans messagerie, sans radio, sans distractions autres que mes histoires, que je produis la majeure partie du travail sur lequel je vais travailler le restant de l’année.
Écrivez-vous à la main ou sur un ordinateur, ou une combinaison des deux ?
J’ai toujours un carnet dans mon sac sur lequel je note mes idées, si volatiles. De même que du papier et des stylos dans toutes les poches de mes vestes et à proximité des endroits où je lis ou regarde la télé. Même sur ma table de nuit car mon cerveau ne s’arrête jamais. J’utilise également mon téléphone portable pour des mémos ou des messages vocaux, même si je préfère écrire mes idées sur du papier. De toute façon, mon écriture devenant toujours plus illisible avec le temps, je détruis ces notes aussitôt que je les ai sauvegardées sur mon ordi. Ce que je fais le plus rapidement possible car il m’est arrivé de ne plus pouvoir me relire et de perdre ainsi des idées que je n’ai jamais retrouvées. Ce qui est très frustrant.
Concernant l’écriture proprement dite de mes ouvrages, j’écris directement à l’ordinateur. Cela me stimule et c’est surtout plus efficace et rapide. En outre, j’aime voir mon travail net et sans ratures sur l’écran. L’ordinateur est pour moi un outil pratique et indispensable sans lequel la gestion de mon travail d’écriture serait inconcevable.
Henri Troyat écrivait debout, Gustave Flaubert déclamait ses textes, Amélie Nothomb avale un demi-litre de thé noir pour se mettre « en transe » avant d’écrire. Avez-vous, comme eux, des habitudes un peu excentriques liées à votre activité d’écrivain ?
Hormis une pile de coussins sous mon bureau pour reposer mes jambes, du café léger, des tisanes et la nécessité d’un endroit calme et pas trop lumineux, je n’ai pas d’exigences particulières pour travailler. Je suis une écrivaine raisonnable et disciplinée. Je n’écoute pas non plus de musique. Je préfère le silence qui me permet de me concentrer et de mieux percevoir ma musique intérieure. C’est ainsi que je me relie à mon esprit et que j’entends parler les différents personnages qui peuplent mon imagination.
En fait, pour la plupart des gens qui m’entourent, mon habitude la plus excentrique est l’acte même d’écrire…
L’excellence est un art que l’on n’atteint que par l’exercice constant.
Nous sommes ce que nous faisons de manière répétée.
L’excellence n’est donc pas une action, mais une habitude.
Aristote
Une personne ayant du succès est un personne qui prend l’habitude de faire
ce que les personnes qui échouent n’aiment pas faire.
Donald Riggs