Le baiser du bourdon.

AudiosBillet du 12.2.19

L’érotisme est l’une des bases de la connaissance de soi,

aussi indispensable que la poésie.

Anaïs Nin

Le baiser du bourdon

Marie Loverraz

L’érotisme est un mouvement vers l’autre.

Simone de Beauvoir

Cinq nouvelles qui abordent avec finesse et sensibilité les relations de couples et permettent de découvrir ou redécouvrir la sensualité, l’érotisme et le plaisir des sens par l’imagination.

Une exploration intime, poétique et troublante qui démontre que la sexualité est avant tout une question de partage et d’écoute. De quoi redonner du sens à nos relations amoureuses et aiguiser les nôtres… de sens.

Nov. 2018 – 160 pages
ISBN : 978-2-9700942-9-6
Prix 25 CHF eBook 3.99 € 

 

Une expérience sensorielle excitante et révélatrice du pouvoir infini des mots sur le corps et l’esprit.

 

Le baiser du bourdon - Extrait

par Catherine Gaillard-Sarron | Voix off Anne Davaud

« Une femme libre est exactement le contraire d’une femme légère »

Simone de Beauvoir

Il ne suffit pas d’enlever ses vêtements pour déclencher la confusion érotique, il faut une grâce, un art qui n’est pas donné à tous. L’hommage que Marie Loverraz rend à l’érotisme est une manière de l’ennoblir !”

Jean-Marie Leclercq

Marie Loverraz ose s’aventurer dans les replis de l’âme humaine et caresser de sa plume l’infinité de ses visages. Elle a l’âge de toutes les audaces et une curiosité intacte devant les choses de la vie. Sa première nouvelle érotique, écrite par jeu, est retenue lors d’un concours et publiée par B. Sensory en 2016. D’autres suivront et l’auteure prendra plaisir à l’écriture de ces nouvelles : expérience sensorielle excitante et révélatrice du pouvoir infini des mots sur le corps et l’esprit.

Une alternative, peut-être, à l’omniprésence des images dans notre société. L’imaginaire plus que l’image...

Le désir est désir de l’autre. 

Jacques Lacan

Billet Daniel Fattore sur “Le baiser du bourdon” – Marie Loverraz

Ces femmes qu’on honore en jouant sur les registres des sens 

Blog Fattorius

Marie Loverraz Faut-il débiner ce pseudonyme? Je préserverai ici l’identité véritable de l’écrivaine qui a écrit le recueil de nouvelles “Le baiser du bourdon“, même si quelques recherches suffiront à la démasquer. Pour changer de genre littéraire, en effet, il n’est pas rare que les écrivains changent aussi de nom. Et là, l’auteure, personnalité suisse romande douée dans le genre de la nouvelle, s’essaie au genre érotique. Cela, avec un bonheur certain… et le souci que ses personnages féminins, toujours au centre des histoires relatées, se trouvent honorés, à plus d’un titre.

Il y a beaucoup d’adresse et d’intelligence dans la première nouvelle, celle qui donne son titre au recueil. “Le Baiser du bourdon” relate un moment de partage entre deux amoureux d’un certain âge déjà, beaux et vigoureux encore: on est loin de tout jeunisme ici.

Il y a beaucoup d’adresse et d’intelligence dans la première nouvelle, celle qui donne son titre au recueil. “Le Baiser du bourdon” relate un moment de partage entre deux amoureux d’un certain âge déjà, beaux et vigoureux encore: on est loin de tout jeunisme ici. Mais là n’est pas l’essentiel! Ce que l’on apprécie ici, c’est que l’écrivaine réussit à faire entrer en résonance l’acte sexuel et la nature – parce que l’acte sexuel est naturel, bien sûr, mais pas seulement. Cette résonance passe aussi par le choix du vocabulaire, et notamment par un jeu autour du motif du bourdon, dans une ambiance printanière et ensoleillée: la sève monte… L’aspect visuel domine dans cette première nouvelle: l’homme regarde sa femme, se sent émoustillé, répond naturellement à l’appel de sa nature. Et du fait que tout se passe à l’extérieur, le lecteur ne peut exclure la possibilité de la présence d’un voyeur. Lui-même, peut-être? En tout cas, ceux qui s’aiment s’en fichent.

Le Baiser du bourdon” fait figure de modèle, avec une nouvelle où l’on s’étreint sans dissonance. Dès lors, les autres textes jouent à dévier peu à peu de cette manière orthodoxe, en somme, de faire les choses. Cela passe par la sollicitation d’autres sens. On pense à l’ouïe bien sûr, omniprésente dans l’hypnotique “La Charmeuse de vit“, où une femme répond, envoûtante, à une panne typiquement masculine. Cela, en faisant appel à l’image de cette mer toujours recommencée, lieu où les corps nus s’alignent sous le soleil.

D’autres sens encore sont sollicités dans “Obscurs désirs“, une nouvelle qui a un côté expérimental puisque tout se passe dans le noir. L’auteure s’efforce dès lors d’éviter autant que possible (bien qu’en trichant parfois un peu) tout ce qui a trait à la vue. Le lecteur a parfois l’impression de découvrir des corps en morceaux, avec le personnage féminin au cœur de ce texte: un corps, c’est quelque chose que l’on touche, et qui vous touche finalement, jusqu’à l’extase que l’on goûte. Et sans vouloir trop en dire, l’issue plonge dans l’actualité bistrotière, avec une évocation de ces restaurants “dans le noir” à la mode dans les grandes villes.

Les deux dernières nouvelles du recueil évoquent des approches moins innocentes, mais pas moins astucieuses, de l’érotisme. Les personnages d’Hector et d’Andromaque sont ainsi ressuscités dans Le grand crack“, une nouvelle qui met en scène un Giovanni qui voudrait bien se rapprocher de Don Juan – sans y arriver tout à fait, car il ne fonctionne pas de la même façon. Ici comme ailleurs, l’auteure ralentit le rythme de sa nouvelle en usant de paragraphes longs, décrivant avec force détails ce qui se passe. Reste que c’est surtout une guerre amoureuse qui s’installe, et qui n’a pas grand-chose à envier à la guerre de Troie, revisitée de manière moderne: à vidéaste, vidéaste et demi. Ah, le sens de la vue, piégeux, est de retour! Et pour terminer, Plaisirs gémellaires évoque les joies du triolisme et du fétichisme du pied. On peut évidemment regretter là les deux ou trois pages décrivant de façon un peu gratuite le tropisme féministe de l’un des personnages; on préfèrera cependant goûter le trouble d’un jeu mettant en scène deux hommes jumeaux, d’une ressemblance frappante, sincèrement heureux de faire plaisir à une femme qui, par le passé, à peut-être fait l’amour avec l’un et l’autre sans le savoir.

Autre constante? Un style soigné et moderne à la fois, explicite comme c’est souvent l’usage aujourd’hui, qui n’hésite cependant pas à recourir aux images poétiques, classiques ou inventives, que la langue française permet pour dire les choses de l’amour et du sexe.

Quelques constantes, un fil rouge? Le plaisir féminin est présent dans toutes ces nouvelles, premier, éclatant, effrayant peut-être, extasié toujours, offert par de bons amants – qu’on rattrape au besoin, et qu’on pourrait même faire chanter. En voyant défiler et agir tous ces personnages, il est permis, par moments, de penser qu’aux yeux de l’auteure, l’érotisme est le lieu de pouvoir de la femme. Autre constante? Un style soigné et moderne à la fois, explicite comme c’est souvent l’usage aujourd’hui, qui n’hésite cependant pas à recourir aux images poétiques, classiques ou inventives, que la langue française permet pour dire les choses de l’amour et du sexe.

 
Marie Loverraz, Le baiser du bourdon, Chamblon, Catherine Gaillard-Sarron, 2018.

Billet Daniel Fattore

“L’excitation est le fondement de l’érotisme, son énigme la plus profonde, son mot-clé.” Milan Kundera

Extrait

Clarisse se tient en plein soleil et ses jambes fines se dessinent par transparence sous la longue jupe en tulle léger qu’elle porte avec élégance. Cette chaste vision fait encore grimper son excitation. Il admire sa silhouette, souple et élancée en dépit de ses deux grossesses et des quarante-cinq ans qu’elle fêtera dans quelques jours. Elle a relevé ses cheveux auburn sur sa nuque gracieuse et son caraco en dentelle couvre sans difficulté ses seins menus, mais toujours fermes et haut perchés sur son buste. À cette évocation, Gabriel ferme les yeux et ses lèvres s’arrondissent sur un mamelon imaginaire. En pensée, il se voit prendre dans sa bouche l’entier de cette chair pulpeuse et fondante et la sensation qu’il éprouve est telle que sa virilité se déploie aussitôt dans son short, soudain trop étroit.

Quand elle reparaît avec les fleurs et pose le vase sur la table du jardin, Gabriel ne peut détacher son regard des fesses rondes et charnues qu’il devine sous le fin tissu de la jupe et son appel se fait plus pressant :

— Clarisse, tout cela ne peut-il donc pas attendre ? Il y a des choses plus urgentes à faire, il me semble.

— Ah oui ! Et quoi donc ? dit-elle en s’approchant de lui d’une démarche chaloupée pleine de sensualité.

— Eh bien, se mettre au diapason de la nature, par exemple, dit-il en lui décochant un sourire entendu. Ne sens-tu pas cette intensité vrombissante qui sature l’air autour de nous ? Cette énergie qui nous traverse et nous emporte dans son mouvement. Ne sens-tu pas cet élan vital qui nous anime, nous redresse et nous invite à jouer notre propre partition en vibrant de concert avec elle ? Comme ces abeilles bourdonnantes qui butinent les fleurs parfumées, cette brise caressante qui soulève les feuilles tendres du tilleul, ce ruisseau qui coule et creuse les rives étroites de son lit ! Oui, il y a des choses plus urgentes à faire, ma chérie, dit-il en l’attirant vers lui : prendre son temps, prendre du bon temps ! Se laisser porter par la vie. Par sa poésie, tout simplement !

— Par sa poésie, dis-tu ?

— Oui, la poésie, dit Gabriel en lui enlaçant la taille de son bras. Tu sais, cette chose indéfinissable mais indispensable qui donne son sens à la vie ! Cet art qui consiste à saisir au vol l’éphémère, la beauté et l’émotion et à les mettre en mots pour les offrir à ceux qu’on aime.

— Eh bien ! Comment résister à un tel éloge de la sieste ! dit Clarisse en plongeant un regard coquin dans le sien. Car finalement, c’est bien de cela qu’il s’agit, n’est-ce pas ?

— Mais oui, ma chérie, car la sieste, tout comme la poésie, est un art qui nécessite inventivité et créativité.

— Et qu’est-ce que tu as inventé pendant que je vaquais à mes occupations ?

« Seul le battement à l’unisson du sexe et du cœur peut créer l’extase. » Anaïs Nin

Extrait

Chuuttt… ! Ce n’est rien, mon amour. Ne t’inquiète pas. Ce n’est pas grave. Juste une petite panne sans conséquence. Oublie la performance. Oublie ces injonctions qui tournent dans ta tête. Ton érection reviendra. Je le sais.

Allongée sur le lit défait aux côtés de Maxime qui fixe le plafond, Laure lui parle doucement. Pas de déception ou de ressentiment dans ses paroles, seulement de la compréhension et de la tendresse. Maxime la regarde, contrit. Elle lui sourit.

Il balbutie :

— Laure, je suis désolé…

— Ne t’excuse pas Maxime. Ce sont des choses qui arrivent. Cesse de culpabiliser. Il n’y a pas de quoi en faire un drame, dit-elle en effleurant de ses longs doigts le sexe paresseux de son ami qui repose mollement sur sa cuisse musclée.

Sa voix est douce, apaisante. En amante bienveillante, elle le réconforte comme un enfant blessé et il lui en est infiniment reconnaissant. Il éprouve toujours un peu de gêne de n’avoir pu l’honorer mais, sous son regard consolateur, quelque chose cède et il lui sourit à son tour.

Laure lui renvoie son sourire.

— Oui, c’est bien. Ferme les yeux. Clos tes paupières. Cesse de regarder autour de toi pour te concentrer sur ce que tu ressens. Regarde à l’intérieur de toi. Au plus profond de toi. Oublie la forme, les formes. Fixe ton attention, non sur le plafond, mais sur le fond et l’émotion.

— Mais…

— Chuttt… Ne parle pas. Je vais t’aider mon amour. À y voir plus clair, à clarifier tes pensées et tes ressentis. Je vais t’aider à pénétrer le monde invisible des perceptions. Je serai tes yeux, ton guide émotionnel, ton initiatrice à la sensualité. Ferme ta bouche et tes grands yeux inquiets. Entends ma voix. Écoute-la te dire que je t’aime, qu’à mes yeux tu es beau, que j’ai confiance en toi et que tu sais bien me faire jouir. Sois rassuré sur ce plan-là si c’est ce qui te perturbe.

— Oh, Laure…

— Chut… Là, étends-toi sur le dos. Laisse-toi faire pour une fois. Oublie ce qui vient de se passer. Ce n’est rien. Ouvre plutôt ton esprit à mes propos. Prête attention à ma voix et laisse-toi aller sans réfléchir, sans intellectualiser. Laisse mes mots couler vers toi, sur toi, en toi. Laisse-les ruisseler sur ta peau, ton corps, ton sexe, ton cœur, ton esprit, ton âme, comme une eau bienfaisante et purifiante. Tu es énergie, mon amour, pure énergie. Et cette énergie est partout, elle est aussi en toi, tapie au fond de ton sexe. Comme l’océan se retire pour revenir sur la plage, ton énergie se rassemble pour mieux déferler dans mon golfe intérieur, dans quelques instants.

 

 

« L’érotisme est un mouvement vers l’Autre ». Simone de Beauvoir

 

Extrait

Je répète, interdiction d’allumer la lumière ! Interdiction de parler ! Si vous avez un problème suivez la ligne phosphorescente tracée sur le sol.

L’injonction venait d’un homme qu’elle ne connaissait pas. Elle avait senti, à sa voix rauque, un peu éraillée, qu’il se tenait tout près d’elle. Même si elle savait qu’il ne pouvait pas la voir, elle recula instinctivement de plusieurs pas afin de mettre de la distance entre elle et lui. Un obstacle entrava brusquement son repli. Elle s’arrêta. En dépit de la chaleur qui régnait dans la pièce, totalement obscure, elle frissonna.

Comment était-elle arrivée là ?

Déstabilisée, Liliane fit un effort pour se rappeler les événements qui avaient précédé l’extinction des feux, mais elle n’y parvint pas. Elle sentait le sang battre à ses tempes, son cœur cogner contre ses côtes. Instinctivement, elle posa une main sur sa poitrine et se rendit compte qu’elle ne portait pas de soutien-gorge. Sa main se figea. Pourquoi avait-elle les seins à l’air ?

Hésitante, sa main poursuivit sa course en direction du ventre pour s’interrompre subitement au niveau du pubis. Où était passé son slip ?

Le sang se mit à pulser plus fort à ses tempes. Elle vacilla.

Où était-elle ? Que se passait-il ? que faisait-elle nue dans cette obscurité ?

Paniquée par cette situation incompréhensible, Liliane se remit à tâtonner dans le noir, mains en avant, à la recherche de la ligne phosphorescente.

Soudain, son pied buta contre une chaise. Elle trébucha et se rattrapa in extremis à un bras… surgi de nulle part. Elle sursauta, ouvrit la bouche pour crier mais, avant même que son cri ne sortît de sa gorge, deux bras puissants l’encerclèrent et une langue chaude et agile lui imposa le silence. Une sensation étrange l’envahit et ses tétons durcirent malgré elle. Liliane ne voyait pas l’homme qui la pressait contre lui, mais elle le sentait, littéralement. Une odeur à la fois poivrée et citronnée se dégageait de sa peau lisse et étonnamment douce. Elle percevait nettement ses abdominaux saillants contre son ventre qui, à présent, palpitait tel un cœur sous l’afflux des stimuli. Une main glissa le long de son dos, de sa hanche puis s’insinua entre ses cuisses. Liliane se contracta légèrement sous l’intrusion, mais l’homme parvint à immiscer un doigt dans son intimité. Elle ne put retenir un petit cri. Troublée, elle tenta de s’arracher au carcan vigoureux qui l’emprisonnait, mais l’inconnu resserra encore son étreinte fiévreuse et ses lèvres goulues revinrent se plaquer sur les siennes. Lentement, sensuellement, il approfondit son baiser, tournant et roulant sa langue dans sa bouche dans un ballet charnel terriblement érotique.

 

« Le désir est désir de l’autre ». Jacques Lacan

 

Extrait

C’est vendredi, vers dix-sept heures, que Giovanni reçut le SMS d’Andromaque. Il avait été convenu que c’était elle qui viendrait chez lui le samedi soir et là, changement de programme, elle tenait à ce que ce soit lui qui aille chez elle. Cela le contrariait au plus haut point car il ne pourrait pas filmer leurs ébats comme il en avait l’intention. Il songea qu’il pourrait utiliser son smartphone mais douta qu’elle le laissât faire. Il hésita quelques secondes et partit en trombe au centre informatique du coin pour acheter une autre caméra miniature. Ce genre de gadget étant à la mode, il ne devait pas être très difficile de s’en procurer un modèle.

À l’heure convenue, le samedi soir, il se présenta à la porte d’Andromaque. Cette dernière, sexy et conforme aux photos qu’elle lui avait envoyées, le reçut vêtue d’une longue tunique blanche et chaussée de sandales dorées, ses longs cheveux noirs remontés en chignon sur la nuque. Giovanni apprécia la mise en scène et son goût du jeu. Il lui sourit d’un air entendu et s’excusa d’avoir laissé son casque et son bouclier à la maison. Pour toute réponse, elle s’avança vers lui, attira sa tête vers la sienne et l’embrassa à pleine bouche. Il eut immédiatement une érection. Les choses commençaient fort, pensa-t-il, déjà tout émoustillé. Elle le fit entrer dans le vestibule, vaste et décoré avec goût. Au-dessus d’un guéridon, il reconnut une magnifique reproduction de « La bataille des Amazones » de Wilhelm Tischbein.

— Je m’appelle Hélène, dit-elle d’une voix un peu rauque qui s’accordait bien avec le fougueux « patin » qu’elle venait de lui rouler. Mais tu peux continuer à m’appeler Andromaque si tu veux.

— Moi, c’est Giovanni, mais Hector me va aussi, répondit-il, du tac au tac.

Les présentations faites, elle lui dit sans gêne aucune, que, comme lui, elle appréciait beaucoup le sexe et particulièrement la position d’Andromaque qui lui permettait d’assouvir son fantasme de domination sur les hommes. Giovanni se réjouit intérieurement de cette belle complémentarité et son sexe durcit encore, déformant son pantalon. Cela n’échappa pas à Hélène qui eut un petit sourire salace. Il n’eut pas le loisir de se justifier car elle enchaîna aussitôt :

— Bon ! Avant de passer aux choses sérieuses, je voudrais que tu me remettes ton téléphone. Histoire de m’assurer que tu ne l’utilises pas pour faire des photos ou quoi que soit du genre pendant qu’on baisera. À l’ère du revenge porn, des « sextorsions », du racket numérique et autres chantages à la webcam qui défraient régulièrement la chronique sur le Net, tu comprendras que je prenne mes précautions. Après tout, on ne se connaît pas. J’ai un poste à hautes responsabilités, une réputation à préserver, et ces craintes, somme toute, sont on ne peut plus légitimes. Comme on dit, mieux vaut prévenir que guérir !

Et là-dessus, elle manipula « La bataille des Amazones » de Tischbein qui laissa apparaître un coffre-fort derrière le tableau.

— Si je comprends bien, tu me désarmes ! dit Giovanni, abasourdi, en lui remettant son smartphone.

— En quelque sorte, oui ! admit-elle. Au temps du Far-West, on retirait leurs revolvers et leurs colts aux cow-boys pour éviter les tueries dans les saloons, c’est pareil, aujourd’hui, car avec un smartphone on peut tuer une personne dans un salon, un bureau… ou une chambre à coucher !

Giovanni songea à la montre caméra à son bras et se dit qu’il avait été bien inspiré. Il savait qu’elle avait raison mais il se sentait un peu coupable et rétorqua :

— Il ne faut quand même pas exagérer et devenir parano ! À t’entendre, on pourrait croire que le téléphone est devenu une arme de chantage sexuel et de destruction massive !

— Mais c’est le cas, figure-toi ! affirma-t-elle, sans rire. Ouvre le journal et lis ! Aujourd’hui le sexe est devenu un moyen de vengeance et de chantage, en particulier contre les femmes, et son instrument de prédilection est le smartphone, justement. Dans notre société on ne lapide pas les femmes, on a Internet pour ça !

Elle lui prit le téléphone des mains et le rangea dans le coffre.

— Pas d’autre arme ? interrogea-t-elle en plongeant son regard perçant dans le sien.

— Qu’est-ce que tu crois ? Tu me prends pour James Bond !

— Pour ta gouverne, à quarante ans passés, je préfère James Band ! balança-t-elle tout à trac. Cela dit, comme le serine à tout bout de champ le Docteur House : tout le monde ment ! Alors !

Son excitation était retombée et son érection aussi. Giovanni était à deux doigts de lui redemander son téléphone et de se tirer lorsque, après avoir refermé le coffre, Hélène se tourna vers lui. Alors, de façon aussi inattendue que pour le patin, précédemment, elle posa une main conquérante sur son entrejambe et lui malaxa sensuellement le sexe. Ce geste le prit de court et il banda aussitôt. Décidément, il avait vraiment affaire à une « chaudasse » ! La soirée promettait d’être torride. Cette réjouissance valait bien un smartphone ! D’autant qu’il avait un joker, non pas dans sa main, mais à son bras !

Hélène proposa de passer directement dans la chambre à coucher où une bouteille de chablis grand cru « Vaudésir » – sont des ordres, pensa-t-il aussitôt – attendait dans un seau à glace. Elle versa le liquide doré aux reflets émeraude dans deux verres et ils trinquèrent au sexe et au plaisir en faisant tinter le cristal. Ils se déshabillèrent prestement et sans manières. Tous deux avaient l’habitude de ces rendez-vous galants et ne ressentaient aucun complexe à se montrer nus. De plus, célibataires, bien nantis et sans charge de famille, ils avaient du temps pour prendre soin de leurs corps qui étaient fermes, bronzés et musclés. Il apprécia le physique élancé de sa partenaire et le lui dit. Cette belle Hélène étant célibataire, il était au moins sûr que celle-là ne déclencherait pas une autre guerre de Troie !

Une fois nu, il s’approcha d’elle, posa ses mains sur ses fesses aux courbes harmonieuses et l’attira vers lui pour l’embrasser. Mais elle le repoussa doucement et l’entraîna vers une porte dissimulée dans le miroir

— Attends, dit-elle, j’ai une surprise pour toi.

Elle fit coulisser la porte et tous deux se retrouvèrent dans une magnifique salle de bain tapissée de miroirs. Là, elle l’embrassa et se frotta lascivement contre son bassin. Giovanni était aux anges. La vision de leurs deux corps nus enlacés se reflétant à l’infini dans les glaces l’excita terriblement et sa verge gonfla de plaisir. Il devint plus entreprenant mais elle l’interrompit en lui montrant la douche.

— J’aime prendre une douche avec mes partenaires avant de baiser, lui dit-elle en entrant dans la cabine ultramoderne aux dimensions impressionnantes.

 

« Une femme libre est exactement le contraire d’une femme légère » Simone de Beauvoir

Extrait

— Eh, détends-toi ma chérie, dit soudain Maxence en la voyant froncer les sourcils, signe, chez elle, d’une intense réflexion. Allez, c’est le week-end ! Oublie ton travail et tous ces machos qui ne comprennent rien à rien.

Margot ouvre les yeux et lui sourit.

— Si seulement je pouvais te cloner, dit-elle en soupirant.

— On est déjà deux, dit Mickaël en s’esclaffant.

— Oui et je vous adore tous les deux. Des hommes comme vous sont l’avenir de la femme, vous savez ?

— Je croyais que c’était la femme l’avenir de l’homme ? se moque Mickaël.

— C’est l’homme ET la femme, riposte Margot, piquée au vif. C’est ensemble qu’ils doivent avancer. La femme a beau donner la vie aux hommes et assurer la pérennité de l’espèce, c’est toujours l’homme qui détient la majorité des pouvoirs, c’est donc à lui d’aider la femme à s’affranchir. Il ne le sait peut-être pas mais avec la destruction des préjugés, c’est là l’unique façon d’aller vers un monde meilleur.

— Toujours aussi magnifiquement féministe à ce que je vois !

— Au cas où tu l’aurais oublié, je te rappelle quand même que c’est la misogynie qui a suscité le féminisme et non l’inverse. Quand le dernier misogyne aura disparu de la surface de la terre et que l’humanisme suffira à défendre tout le monde alors ce mot, je l’espère, n’aura plus sa raison d’être. Et je m’en réjouirai, conclut Margot.

— Amen ! dit Mickaël, en posant sa bière vide sur la table.

À ce mot, tous les trois éclatent de rire et cela détend un peu l’atmosphère.

— Tu en veux une autre ? propose Maxence.

— Je ne voudrais pas m’imposer, dit Mickaël en regardant en direction de Margot.

Elle lui décoche son plus beau sourire et lâche :

— Mais non, tu ne nous déranges pas. Au contraire. Tu peux même rester manger avec nous si tu veux.

Tout content de la tournure que prend la soirée, Maxence demande :

— Alors, j’ouvre une bouteille de vin blanc ? Margot n’aime pas la bière.

Mickaël hoche la tête en guise d’assentiment.

— Puisque c’est proposé si gentiment, je reste avec plaisir. D’autant que je repars dans deux jours pour New York. La boîte a créé un nouveau logiciel et c’est moi qui suis chargé d’en faire la présentation.

Maxence se lève pour aller chercher une bouteille et Mickaël se rapproche de Margot.

— Tu veux que je prenne la relève ? dit-il en désignant ses pieds abandonnés sur les coussins.

— Avec joie, j’adore ça.

Margot s’étend de tout son long sur la banquette et pose ses mollets galbés sur les cuisses de Mickaël.

Il prend sa cheville dans sa paume et commence à lui masser la plante du pied.

— Hummm, c’est bon. Continue.

Yeux fermés, Margot laisse le plaisir et la détente l’envahir progressivement. Mickaël masse bien. Ni trop vite, ni trop lentement. Sa pression est ferme, son toucher léger et relaxant. Sous ces caresses agréables, une pensée saugrenue lui vient et l’image de Maxence et de Mickaël lui caressant tous les deux les pieds s’impose à son esprit. Elle ouvre un œil. Mickaël tient toujours son pied dans sa paume tandis que son autre main remonte sur son mollet en exerçant de petits mouvements circulaires. Soudain, elle sent ses lèvres se poser doucement sur sa peau et un frisson lui parcourt tout le corps.

— Eh, tu masses drôlement bien, dit-elle pour cacher son trouble.

Sans se l’avouer, Margot a toujours été fascinée par la ressemblance qu’il y a entre les deux frères. Dans ses fantasmes les plus fous, elle imagine parfois qu’elle fait l’amour avec les deux.

À cet instant, sans savoir pourquoi, elle a une envie irrépressible de sentir la bouche de Mickaël se refermer sur son orteil et de le sucer avidement.

Mickaël la fixe d’un air étrange, comme s’il lisait dans ses pensées. Sans la quitter du regard, il attrape son pied et fait exactement ce qu’elle attend sans oser le demander.

Margot sent son sexe se contracter sous sa succion. Sa bouche humide sur sa peau l’excite follement. Elle hésite à retirer son pied, les sensations sont si agréables. Elle l’observe à la dérobée. Mickaël a fermé les yeux et ses lèvres accueillantes enserrent son pouce avec volupté.

Elle referme les yeux à son tour. Des papillons lui chatouillent le ventre, volettent le long de son épine dorsale. Un soupir s’échappe de ses lèvres.

 

 

Commentaire sur le Baiser du bourdon

« Je crois qu’à travers les métamorphoses de l’érotisme et de la résistance du sentiment à tous les embrigadements, Marie Loverraz a su trouver les mots pour dénoncer les paradoxes.

Il est une pudeur naturelle qui se cache des regards, une autre qui éclot au sein de la fureur érotique quand nous échouons à saisir celui ou celle qui s’abandonne. Mais le corps de l’aimé demeure un continent obscur : la manière dont il s’offre à nous en dit long sur ce qu’il dissimule.

Dans ce recueil, l’obscène n’est pas ce qui est montré, c’est ce qu’on ne pourra jamais voir ni posséder,  pas d”alliance de l’indécence et de l’absence.

Il ne suffit pas d’enlever ses vêtements pour déclencher la confusion érotique, il faut une grâce, un art qui n’est pas donné à tous. L’hommage que Marie Loverraz rend à l’érotisme est une manière de l’ennoblir ! »

Jean-Marie Leclercq

Poète et écrivain, 17.1.19

Commentaires Le baiser du bourdon

Coralie Frei – le 25 avril 2019

J’ai beaucoup apprécié ton livre. Chapeau ! Ce n’est pas mon genre de lecture, mais l’écriture, fluide, franche, claire et sans complexe aucune m’a profondément touchée. Honnêtement je t’avoue ne pas me sentir apte à produire une telle littérature.

Je te souhaite beaucoup de succès pour tes livres.

Suzy – le 27.02.20

Bonjour Catherine,

Je lis « le baiser du bourdon ». C’est merveilleusement bien écrit. J’adore? En particulier, Obscurs désirs. La chute est parfaite. 

Bonne fin de semaine. Très cordialement

Daniel Fattore – le 12 février 2019

Le baiser du bourdon

Il y a beaucoup d’adresse et d’intelligence dans la première nouvelle, celle qui donne son titre au recueil. “Le Baiser du bourdon” relate un moment de partage entre deux amoureux d’un certain âge déjà, beaux et vigoureux encore: on est loin de tout jeunisme ici. Mais là n’est pas l’essentiel! Ce que l’on apprécie ici, c’est que l’écrivaine réussit à faire entrer en résonance l’acte sexuel et la nature – parce que l’acte sexuel est naturel, bien sûr, mais pas seulement. Cette résonance passe aussi par le choix du vocabulaire, et notamment par un jeu autour du motif du bourdon, dans une ambiance printanière et ensoleillée: la sève monte…

Quelques constantes, un fil rouge? Le plaisir féminin est présent dans toutes ces nouvelles, premier, éclatant, effrayant peut-être, extasié toujours, offert par de bons amants – qu’on rattrape au besoin, et qu’on pourrait même faire chanter. En voyant défiler et agir tous ces personnages, il est permis, par moments, de penser qu’aux yeux de l’auteure, l’érotisme est le lieu de pouvoir de la femme. Autre constante? Un style soigné et moderne à la fois, explicite comme c’est souvent l’usage aujourd’hui, qui n’hésite cependant pas à recourir aux images poétiques, classiques ou inventives, que la langue française permet pour dire les choses de l’amour et du sexe.

Extrait billet Daniel Fattore 12.2.19

Françoise L. 3.2.19

Chère Marie,

J’ai bien apprécié la lecture de ton recueil de nouvelles. Celle que j’ai préférée, c’est Obscurs désirs, suivie de Un grand crack, Plaisirs gemellaires, et les deux premières. Elles sont toutes fort bien écrites; j’admire ta maîtrise de ce vocabulaire particulier, tu as su décrire subtilement des scènes explicites, sans aucune vulgarité. Et puis, chaque histoire a sa couleur particulière, sa touche d’humour, c’est vraiment réussi!

Jean-Marie Leclercq 17.1.19

« Je crois qu’à travers les métamorphoses de l’érotisme et de la résistance du sentiment à tous les embrigadements, Marie Loverraz a su trouver les mots pour dénoncer les paradoxes.

Il est une pudeur naturelle qui se cache des regards, une autre qui éclot au sein de la fureur érotique quand nous échouons à saisir celui ou celle qui s’abandonne. Mais le corps de l’aimé demeure un continent obscur : la manière dont il s’offre à nous en dit long sur ce qu’il dissimule.

Dans ce recueil, l’obscène n’est pas ce qui est montré, c’est ce qu’on ne pourra jamais voir ni posséder,  pas d”alliance de l’indécence et de l’absence.

Il ne suffit pas d’enlever ses vêtements pour déclencher la confusion érotique, il faut une grâce, un art qui n’est pas donné à tous. L’hommage que Marie Loverraz rend à l’érotisme est une manière de l’ennoblir ! »