« Écrire c’est toujours se déshabiller. »
« Il ne suffit pas d’enlever ses vêtements pour déclencher la confusion érotique,
il faut une grâce, un art qui n’est pas donné à tous. »
J.-M Leclercq
Mon parcours et mes motivations
Passionnée depuis toujours par les livres, j’aime aussi raconter des histoires et j’écris depuis de nombreuses années. Infatigable exploratrice littéraire, ma curiosité me pousse à diversifier les genres : poésie, nouvelle, roman, et les registres : réaliste, satirique, fantastique, noir, philosophique et depuis peu érotique, autant d’outils entre mes mains pour tenter de comprendre l’humain, ausculter son âme et sculpter, à travers la fiction, une réalité qu’il me plairait de voir advenir. Indépendante et plutôt secrète, j’aime agir et écrire à ma guise et ne pas être enfermée dans la représentation que d’autres ont pour moi ce qui, à mon sens, bloque le processus créatif.
Solstice, ma première nouvelle érotique, date de 2012. Je l’ai écrite par jeu, par curiosité et aussi parce que je n’adhérais pas aux stéréotypes de genre qui abondent dans ce style de littérature. Je n’imaginais pas la voir publiée un jour. J’ai pris plaisir à l’écriture de cette nouvelle : expérience sensitive excitante et révélatrice du pouvoir infini des mots sur le corps et l’esprit.
Quelques réponses sur le sujet
Le rôle de l’écrivain
L’écriture est une clé qui remonte le temps
et fait jouer la petite musique que nous avons dans la tête.
Écrire c’est avant tout transmettre des émotions. L’écrivain, comme un acteur, doit pouvoir jouer tous les rôles. Il doit être capable de faire rire, de faire pleurer, de faire trembler et donc aussi de faire jouir. Toutes ces émotions sont celles de la vie. Elles nous traversent tous et sont à l’œuvre en chacun de nous.
L’écriture est surtout une clé qui permet d’accéder à des mondes virtuels faits d’émotions, de perceptions et de réminiscences. Une clé qui permet de faire resurgir les souvenirs et de les revivre intensément dans son cœur et dans sa chair.
En plus de remonter le temps et de réveiller ce qui était endormi, l’écriture le transcende par l’imagination et fait surgir des univers singuliers qui bousculent la réalité. C’est une clé qui réveille ce qui est, et active ce qui n’est pas encore. Elle est la clé qui fait jouer la petite musique que l’auteur a dans la tête le corps et le cœur.
L’écrivain est un médium, un passeur d’émotions et de sensations.
Je suis une diseuse de vie
J’écris sur les émotions qui me traversent, qui me transcendent. Un jour sur la joie et la volupté, un autre sur la tristesse, le deuil ou la souffrance. J’écris sur la beauté et la laideur, sur l’amour et la haine, sur la joie, la nature, la spiritualité, la sensualité, sur la bêtise aussi. J’écris la vie. Je suis une diseuse de vie.
1re nouvelle érotique
J’écris depuis de nombreuses années et j’aime diversifier les genres mais ma première nouvelle érotique date de 2012. À l’origine, un texte un peu grivois qui relatait une demande en mariage. Le texte ne devait pas être érotique et je me suis censurée. Cela m’a frustrée et j’ai eu envie d’en écrire plus. De poursuivre l’expérience. J’étais curieuse de savoir si j’en étais capable. Si je pouvais dépasser mes inhibitions en la matière.
Le cerveau est le premier organe sexuel
« La zone la plus érotique est l’imagination. » Vivienne Westwood
J’ai donc pris la plume et écrit la nouvelle que j’aurais aimé lire. J’y ai mis la sensualité, la sensibilité, le respect et la poésie que je recherchais. J’ai pris plaisir à l’écriture de cette nouvelle qui m’a révélé le pouvoir des mots sur le corps et l’esprit ; le pouvoir formidable de l’imagination, capable de susciter des émotions et des sensations plus fortes et intenses que dans la réalité.
On dit que le cerveau est le premier organe sexuel. J’en suis convaincue. C’est lui qu’il faut stimuler en priorité pour favoriser des échanges sensuels et épanouissants. Pour moi, l’image tue l’imaginaire et nuit à la construction de notre image intérieure. Par son omniprésence, elle monopolise l’esprit et entrave la capacité d’imaginer et de ressentir.
La sexualité n’est pas qu’une affaire de pulsions et de sexes qui s’interpénètrent, c’est aussi une histoire de désir, de plaisir, de rencontre, de communion même, où les corps, les cœurs et les esprits se doivent d’être libres et égaux pour atteindre cet épanouissement auquel tous aspirent.
« En matière de sexe, les 15 cm les plus importants sont ceux qui se trouvent entre les oreilles ! » Ruth Westheimer
L’imaginaire plus que l’image
Nous sommes des êtres de chair et de sang, pensants, conscients, sensitifs et réceptifs, et c’est ce que je m’attache à décrire dans mes histoires érotiques. Découvrir ou redécouvrir la sensualité, l’érotisme et le plaisir des sens par l’imagination : nos yeux intérieurs, plutôt qu’avec nos yeux véritables qui ne voient qu’une réalité biaisée par nos propres émotions, projections ou complexes. L’imaginaire plus que l’image Une alternative, peut-être, à l’omniprésence des images dans notre société.
Des mots, donc, plutôt que des films pornos. Une exploration intime, poétique et troublante qui démontre que la sexualité est avant tout une question de partage et d’écoute. De quoi redonner du sens à nos relations amoureuses et aiguiser les nôtres… De sens. Un vrai défi à notre époque où l’image est reine.
Difficulté de l’écriture érotique
« Il ne suffit pas d’enlever ses vêtements pour déclencher la confusion érotique, il faut une grâce, un art qui n’est pas donné à tous. L’hommage que Marie Loverraz rend à l’érotisme est une manière de l’ennoblir ! »
Jean-Marie Leclercq.
Écrire, c’est toujours se déshabiller et l’exercice est encore plus périlleux dans l’écriture érotique.
Il n’est pas facile d’écrire sur ce sujet intime, de décrire sans vulgarité quelque chose que tout le monde fait. De susciter le désir et de créer une excitation chez le lecteur. Cela nécessite de se relier à ses pulsions et d’explorer sans faux-semblant ses zones d’ombre. Il faut être humble et sincère. Ne pas mentir.
C’est une expérience sensorielle troublante. Une mise à nu. Un effeuillage intérieur. Mais c’est aussi apprendre à se connaître et à faire naître le désir, chez soi et chez l’autre.
Pour le plus grand bonheur de mon mari, j’ai donc repris mon texte et j’ai matérialisé mes fantasmes ; aventure intime et excitante révélatrice du pouvoir infini des mots sur le corps et l’esprit.
B. Sensory
En 2015 j’ai participé à un concours de nouvelles érotiques avec ma première nouvelle intitulée « Solstice » et mon texte a été retenu et publié par B.Sensory. J’ai écrit pour B. Sensory de 2016 à 2018 sous le pseudo de Marie Loverraz. Les nouvelles étaient uniquement disponibles en numérique.
Puis la maison a fait faillite. J’ai alors décidé d’éditer mes propres livres érotiques en autoédition. Un cadeau pour mes 60 ans puisque j’accédais non pas au statut de sexagénaire mais de sexygénaire !
Le porno n’est pas une norme
« L’harmonie est la conciliation des contraires et non l’écrasement des différences. » Jean Cocteau
Le porno n’est pas une norme. Il ne correspond pas à la réalité. Chacun doit inventer sa propre sexualité. Mais il faut le vouloir et lâcher prise de ses émotions, de ses croyances limitantes et de ses blocages. Il faut apprendre à vaincre ses inhibitions. Devenir l’artisan de son propre couple et le réinventer sans cesse. Il faut également faire la distinction entre aimer et désirer et l’un n’exclut pas l’autre. Nous sommes en grande partie responsable de notre épanouissement, il nous revient donc d’être créatifs et de nourrir le désir pour lutter contre la routine. Reste qu’il faut surtout de l’amour, de la bienveillance et de la curiosité pour la découverte du corps et des sens.
Il faut apprendre à connaître son corps. Et c’est à chacun de découvrir ce qui lui fait du bien en s’explorant. Quand on comprend sa nature et qu’on a conscience de son corps et de celui de l’autre, il est plus facile d’atteindre le plaisir et une harmonie sexuelle dans le couple.
Des mots plutôt que des films pornos.
« Une femme libre est exactement le contraire d’une femme légère. »
Simone de Beauvoir
Je pense que mes fictions érotiques peuvent aider à lutter contre les stéréotypes de genre et déconstruire les schémas de domination et de soumission qui abondent dans la pornographie.
Dans mes histoires, je suis attentive à tracer un chemin vers une société plus égalitaire. Je mets en scène des personnages masculins et féminins, libres, autonomes et respectueux l’un de l’autre. Les relations entre les protagonistes sont consenties et basées sur la confiance. Il n’y a pas de violence, de sadisme ou de vulgarité, seulement la recherche de la volupté, de la sensualité et la reconnaissance d’un plaisir partagé.
J’essaie également de démontrer que l’équité amoureuse est possible lorsque chaque partenaire revendique et assume son plaisir pour parvenir à une extase partagée. Je suis pour une réconciliation du masculin et du féminin, pour un équilibre harmonieux entre les sexes. Certes, je parle de sexe dans mes fictions, mais je préfère le terme érotique car l’amour est présent dans toutes mes histoires. C’est pour moi la différence entre l’érotisme et la pornographie.
Découvrir la sexualité par les mots et non par le porno, voilà mon credo pour stimuler la libido à chaque instant.
On peut être une femme sensuelle et libre tout en étant féministe.
« L’histoire de la résistance des hommes à l’émancipation des femmes
est encore plus instructive que l’histoire de l’émancipation des femmes. »
Virginia Woolf 1912-1941
Être féministe n’est ni un thème ni une option, c’est un état d’esprit, une façon d’être ou d’agir et ce quelle que soit la situation. Vouloir défendre son intégrité et ses droits pour gagner son indépendance et sa liberté sont des aspirations humaines on ne peut plus légitimes. Je suis une femme comme il y en a des millions, confrontée journellement au sexisme ordinaire et aux inégalités, à cette asymétrie de genre qui fausse les relations homme-femme et empoisonne le vivre-ensemble. Je ne fais partie d’aucun mouvement. Je suis simplement en sororité avec les femmes et milite au quotidien et par l’écriture pour faire changer les mentalités et faire reconnaître qu’une femme a la même valeur qu’un homme.
Et cela passe par l’éducation, les lois, la culture, la littérature, paradoxalement par les mêmes instruments qui ont permis l’asservissement des femmes : une inversion symbolique qui, je l’espère, débouchera sur leur affranchissement.
« La subordination d’un sexe à l’autre est mauvaise et représente un des
principaux obstacles au progrès de l’humanité. »
John Stuart Mill 1806-1873.
L’érotisme s’inscrit dans une continuité,
C’est une façon de vivre. Il participe d’une bonne relation de couple qui englobe de multiples plaisirs : manger, boire un verre, plaire, séduire, désirer. L’érotisme, c’est surtout être attentif à l’autre, à son désir et au sien propre. C’est une recherche épicurienne d’harmonie et une fête des sens.
Découvrir la terre de l’aimé
Je vis avec mon mari depuis 43 ans et je ne le connais pas encore entièrement. L’autre est comme une terre qu’il faut découvrir chaque jour : un voyage qui dure toute une vie.
Mon mari me soutient au quotidien dans mes projets d’écriture. Il est attentionné, patient, aimant, compréhensif. Il cuisine pour moi, fait les courses, m’offre régulièrement des fleurs. Pour le remercier, je lui écris des poèmes et lui témoigne ma gratitude et ma reconnaissance pour ce qu’il fait.
C’est un cercle amoureux et vertueux que nous avons tous les deux à cœur de faire tourner.
Le désir est le moteur du couple
Le désir est le moteur du couple. C’est le ciment qui relie les corps ensemble quand la tendresse relie les cœurs. Il faut les deux pour maintenir un couple soudé et le faire durer.
La littérature érotique fait naître le désir et la conscience de son corps. Et maîtriser son corps, c’est aller vers plus de liberté et accepter de jouir de la vie.
Nous sommes toujours amoureux
« La durée porte des valeurs que l’éphémère ignorera toujours. »
Françoise Verni
Nous sommes toujours amoureux et notre amour grandit avec le temps. La relation est une entité à part entière dans le couple.
Il faut en prendre soin comme un enfant qu’on élève et qu’on chérit. Il faut préserver ce lien qui est précieux. Ce cordon relationnel, émotionnel, aussi vital que celui qui relie un enfant à sa mère.
Le temps fortifie et enrichit notre relation. Il ne l’abîme pas, ne l’amoindrit pas, bien au contraire. En dépit des épreuves que nous avons traversées, nous sommes restés soudés, fidèles, complices et solidaires.
J’avoue que j’aime davantage mon mari aujourd’hui qu’au début de notre mariage. Chaque jour qui passe, j’ai conscience de cette chance d’aimer et d’être aimée en retour. L’amour est une lumière qui éclaire ma vie, mon cœur et mon âme. C’est un don précieux, vital et c’est au travers de la poésie que j’arrive le mieux à traduire ce sentiment et cet état amoureux.
S’aimer, se faire confiance, communiquer, se respecter, prendre soin du lien, de son corps et être créatifs pour continuer à séduire l’autre : c’est pour moi le secret d’un couple qui dure.
Je préfère vivre mille aventures avec un seul partenaire,
qu’une seule aventure avec mille partenaires. 😉
Lien vers le Magazine Générations d’avril 2020
La critique de Daniel Fattore du 13.1.20 sur « L’amour est aveugle »
La critique de Daniel Fattore du 12.2.19 sur « Le baiser du bourdon »
Commentaire de F.G. sur L'amour est aveugle
« Alors l’acte sexuel peut advenir comme un couronnement permettant une communion rare où le cœur, l’âme et la chair ne font qu’un. » F. G
L’amour est aveugle
Chère Catherine,
Je te donne un retour sur ma lecture de « L’amour est aveugle » : D’abord, sache que je n’ai été choqué en rien par ce roman érotique. Sans être un connaisseur du genre, je te connais assez bien pour savoir ta finesse et d’esprit et de cœur. L’idée de cette rencontre entre l’aveugle et Augustine est d’emblée délicate. Ce qui m’a plu avant tout, du point de vue de la disposition du texte, c’est que tu ménages une progression psychologique où tu décris parfaitement toutes les nuances d’une approche féminine et masculine. J’ai même appris des choses sur la manière d’entrer dans le jeu subtil de la séduction réciproque : la femme ne s’abandonne que lorsqu’elle a intériorisé les avances progressives d’André, alors même qu’elle s’attend très bien à ce qui va finir par arriver : la relation complète âme et corps dont le lieu est bien l’acte sexuel consenti et follement désiré grâce à la montée remarquablement décrite du désir.
C’est de ce point de vue une réussite littéraire et forte de la compréhension de fonctionner de la femme et de l’homme.
Ce n’est donc pas un roman porno proche du vulgaire directement concentré sur les descriptions qui visent l’excitation du lecteur, c’est une initiation à l’œuvre de l’amour dont l’incarnation est magnifique quand elle ménage pareilles nuances dans l’approche des corps. Alors l’acte sexuel peut advenir comme un couronnement permettant une communion rare où le cœur, l’âme et la chair ne font qu’un.
F.G. le 24.3.20
Commentaire de J.-M Leclercq sur Le Baiser du bourdon
« Je crois qu’à travers les métamorphoses de l’érotisme et de la résistance du sentiment à tous les embrigadements, Marie Loverraz a su trouver les mots pour dénoncer les paradoxes.
Il est une pudeur naturelle qui se cache des regards, une autre qui éclot au sein de la fureur érotique quand nous échouons à saisir celui ou celle qui s’abandonne. Mais le corps de l’aimé demeure un continent obscur : la manière dont il s’offre à nous en dit long sur ce qu’il dissimule.
Dans ce recueil, l’obscène n’est pas ce qui est montré, c’est ce qu’on ne pourra jamais voir ni posséder, pas d”alliance de l’indécence et de l’absence.
Il ne suffit pas d’enlever ses vêtements pour déclencher la confusion érotique, il faut une grâce, un art qui n’est pas donné à tous. L’hommage que Marie Loverraz rend à l’érotisme est une manière de l’ennoblir ! »