Aucun genre épistolaire n’est moins difficile que la lettre d’amour :
il n’y est besoin que d’amour.
De Raymond Radiguet
En cette période troublée, dites à ceux que vous aimez que vous les aimez. Offrez-leur vos émotions et votre amour. C’est écologique, durable et gratuit!
C’est aux lettres qu’on reconnaît l’amour :
celui qui n’aime pas, n’écrit pas.
Paul Léautaud
Les esprits délicats comptent la lettre parmi les plus riches trésors de l’amour.
Honoré de Balzac
- À mon papa
- Bonne fête maman
- À Claude
- À mon futur petit-fils
- À mes petites-filles
- Maman soleil
- À ma maman
- À Ive F.
- À mes amis M.
- À Jean-Paul E.
- À mon frère d'Âme
- À Carmen E.
- À Cédric J.
- À David
- À Pierre Yves L.
- À Madame Eringuez
- À ma tendre mère
- À mon mari
- À Mathieu
- À mon neveu
- À ma fille
- À ma soeur
- À Loïc
- À mon fils
- À mon petit...
Chamblon le 14 mai 2020
Pierrot
Il était fort, il était tendre,
Il avait du ciel plein les yeux
Et du soleil au fond du cœur
Il parlait fort, il parlait bien,
Il avait des mots plein la tête
Et des sourires au coin des lèvres
Il avait tant de choses à dire
Il avait tant de choses à lire
Il était la petite musique
Qui faisait tourner tous nos cœurs…
Fête des Mères du 26 mai 1968 : remise de la Médaille d’Or de la Famille Française
Je ne sais pas trop pourquoi je me suis mise à t’écrire cette lettre. La situation due au Covid 19, probablement, qui me rappelle que la mort ne se tient jamais très loin et me met en lien avec tous ceux que j’ai aimés et perdus.
Aussi parce que je vieillis, je suppose, et qu’il faut savoir se souvenir d’où l’on vient pour avancer, même si avancer, en l’occurrence, c’est aller vers quelque chose d’inconnu…
l’amour est immortel.
Il est une lumière qui éclaire les ténèbres de l’oubli.
Mon cher papa,
Papa, un mot que je ne prononce plus depuis que tu nous as quittés. Quinze ans déjà. Et onze depuis que maman t’a rejoint. Maman, un autre mot que je ne prononce plus que dans le secret de mon cœur et qui me manque aussi. Ton souvenir, même s’il est empreint d’une mélancolie qui s’accentue avec le temps, est pourtant toujours vivace dans mon esprit.
Magie de la mémoire qui te fait instantanément apparaître lorsque je pense à toi. Je te vois, je te sens, égal à toi-même, allongé sur le canapé un livre à la main, le fourneau ronflant dans un coin, Blaky à tes pieds, le coucou égrenant ses heures calmes dans la salle à manger ; ou devant la maison, ta casquette de marin vissée sur la tête, un cigarillo aux lèvres. Et je t’entends. Comment ne pas t’entendre ! Tu avais tant de choses à dire, tant de curiosité et d’intérêt pour le monde qui t’entourait. Je me demande ce que tu penserais de ce Covid19 et du confinement qui va avec. Au fond, je sais que tu ne serais pas inquiet et que le confinement ne t’affecterait pas trop. Tu vivais déjà un peu hors du monde depuis ton accident et ta retraite. Un monde qui se limitait à la maison que tu avais construite de tes mains, au jardin, à la télé et à tes livres.
Tes plus beaux voyages, tu les as faits dans ta tête, au travers des livres, et si ton univers semblait limité, ton ouverture d’esprit était sans limites.
S’il y a bien une chose qui te définit, ce sont les livres. J’ai toujours admiré ton incroyable capacité de lecture, ton intérêt qui jamais ne décrut. Tu aimais lire, découvrir de nouvelles choses. Tu lisais de tout. Il y avait constamment un livre ouvert à côté de toi. Tu ne t’ennuyais jamais, préférant la lecture d’un bon bouquin à une sortie ou une invitation. Tes plus beaux voyages, tu les as faits dans ta tête, au travers des livres, et si ton univers semblait limité, ton ouverture d’esprit était sans limites.
Lecteur infatigable, passionné par les sciences, la politique, la géographie et l’histoire, tu étais sur tous les fronts et dans tous les esprits, ne cessant de partager le contenu de tes lectures avec nous, nous interpellant, nous abreuvant d’un savoir et de connaissances qui ne nous intéressaient que modérément et dont nous ne savions que faire. Mais tu ne nous en tenais pas grief. Tu reprenais ta lecture et la scène se répétait. Tu étais patient, calme et philosophe. Malgré notre agacement, tu poursuivais notre éducation, ou la tienne, parce qu’on ne va pas contre sa nature et que la tienne était d’une curiosité insatiable.
Je te ressemble, je crois. J’ai hérité de ton coup de crayon et de ta fibre poétique, de ton indépendance d’esprit également ainsi que de ton goût immodéré pour la lecture. Moi aussi, j’aime lire, voyager par l’esprit, discuter et échanger avec mes semblables, mais je suis plus attentive et probablement plus sensible que tu ne l’étais aux regards exaspérés et aux sourires crispés de ceux qui m’entourent. Faute d’intérêt, je suis souvent obligée de battre en retraite et de garder pour moi ce que j’apprécierais de partager, ce qui explique peut-être ma passion pour l’écriture. Écrire c’est dire : dire ce qu’on ne peut pas dire, ou dire ce qu’on ne nous laisse pas le temps de dire. C’est une longue conversation ininterrompue entre soi et la page qui représente et remplace, finalement, tous ceux qui ne nous accordent pas l’attention que l’on souhaiterait.
Peut-être nous retrouverons-nous un jour. Dans le monde des Quanta avec Mimi, Gogo et tous les autres. Parce qu’au fond nul ne sait ce qu’est le temps, ni de quoi est vraiment constituée la matière. La vraie exploration commence peut-être avec la mort. Et la fin de la vie n’est peut-être que le début d’un voyage.
Tu es parti avant que mon premier livre ne soit publié, mon trentième ouvrage paraîtra en juin. Je suis curieuse de savoir ce que tu aurais pensé de mon travail. Tu te disais agnostique mais pas athée. Ta soif de comprendre a toujours laissé une place au doute. Qui sait ? Peut-être nous retrouverons-nous un jour. Dans le monde des Quanta avec Mimi, Gogo et tous les autres. Parce qu’au fond nul ne sait ce qu’est le temps, ni de quoi est vraiment constituée la matière. La vraie exploration commence peut-être avec la mort. Et la fin de la vie n’est peut-être que le début d’un voyage. Tu vois, c’est typiquement le genre de discussion qui n’intéresse personne et que je ne peux confier qu’au papier. Au fond, lorsque je t’écris, à qui est-ce que j’écris ? À ton souvenir, à un fantôme, à ma mémoire, à moi-même ? Peut-être un peu à tout cela. Comme toi, j’ai parfois le sentiment de vivre dans un monde parallèle où les passerelles pour communiquer avec les autres sont rares et étroites. L’écrit est donc un bon médium pour exprimer sa pensée et surtout la clarifier.
Je regrette de n’avoir pas pu discuter plus souvent et plus longuement avec toi. La vie passe si vite. Lorsqu’on venait te rendre visite à la maison avec Claude et les enfants, on mangeait ensemble avec maman, on parlait de tout et de rien en buvant un verre, on partageait quelques anecdotes, quelques soucis. Ce n’étaient pas des moments propices aux confidences ou aux grandes conversations philosophiques. On voyait que chacun allait bien et c’était l’essentiel, finalement. Et puis on repartait vers notre vie, nos occupations, nos préoccupations, nos joies, nos attentes et nos déboires. Et vous repreniez le cours paisible de votre existence en attendant une prochaine visite. Et la vie s’écoulait, monotone pour vous, trépidante pour nous.
C’est l’entièreté de tous ces instants insignifiants ou importants passés ensemble qui sont à la base de l’attachement et permettent la résurgence de souvenirs qui nous aident à vivre l’absence.
On ne mesure pas sur le moment l’importance de ce vécu qui semble banal et parfois ennuyeux. C’est pourtant l’entièreté de tous ces instants insignifiants ou importants passés ensemble qui sont à la base de l’attachement et permettent la résurgence de souvenirs qui nous aident à vivre l’absence. Pareils à une flamme, les souvenirs dansent devant nos yeux et nous réchauffent l’âme quand nous sommes tristes. L’amour qu’ils contiennent est une force qui nous aide à aller de l’avant. Malraux disait que le vrai tombeau des morts est le cœur des vivants, je suis d’accord avec ça, car tant que je vivrai, tu vivras dans mon cœur, et lorsque je mourrai à mon tour, tu seras également avec moi dans le cœur de ceux qui m’aimaient. Alors, oui, en ce sens, l’amour est immortel. Il est une lumière qui éclaire les ténèbres de l’oubli.
Papa. Il me manque ce petit mot chéri que je n’ai plus prononcé depuis que tu es parti. Certes, tu n’étais pas parfait. Qui l’est ? Mais tu étais mon père et je t’aimais. Avec tes qualités et tes défauts, tes forces et tes faiblesses. Avec tes blessures aussi. Quand nous avons vidé la maison, après le décès de maman, j’ai retrouvé quelques lettres d’amour que tu lui avais écrites. J’ai découvert, non un père, mais un homme amoureux que je ne connaissais pas. Un homme jeune et passionné, empli d’une verve poétique qui m’a émue. Un jeune adulte plein de vitalité et de fougue qui descendait la côte de Saint Hippolyte debout sur sa moto en chantant à tue-tête ; un artisan confirmé qui a fait le poirier sur le faîte du toit de la maison après en avoir terminé la charpente. J’ai aussi découvert une lettre de ton père, de ta sœur et une de ta mère qui te recommandait d’être un bon fils à l’écoute des conseils maternels.
Le problème c’est que la vie se déroule uniquement dans le présent et qu’on ne voit pas le temps passer. Le quotidien se répète jour après jour et ne laisse place à rien d’autre.
Tout cela m’a touchée et fait comprendre à quel point on est aveugle sur ses propres parents. On les connaît sans les connaître. Comme nos propres enfants ne connaissent qu’un aspect de leurs géniteurs. Pour savoir qui sont nos parents, il faut remonter le temps et garder à l’esprit ceux qu’ils étaient avant de nous donner la vie. Chaque être humain à une trajectoire identique, il naît, grandit, devient adulte, vieillit et meurt. Le problème c’est que la vie se déroule uniquement dans le présent et qu’on ne voit pas le temps passer. Le quotidien se répète jour après jour et ne laisse place à rien d’autre. Comme une rivière qui coule sans jamais retourner à sa source et emporte tout dans son courant. Un jour les enfants quittent la maison, ils font des enfants à leur tour, les parents vieillissent et ils meurent. Et l’histoire se répète : inconnaissable ligne du temps sur laquelle chacun apparaît, disparaît et réapparaît peut-être, nul ne sait.
Soudain orphelin, on comprend alors que quelque chose d’irréversible s’est produit : nous ne sommes plus les enfants de nos parents mais les parents de nos enfants.
La roue tourne. Même si je suis mère et grand-mère, à présent, je reste ta fille, ton enfant. Tu étais comme un toit invisible sur ma tête, un toit protecteur et rassurant qui s’est envolé sans crier gare, une nuit d’été, alors que maman était elle-même à l’hôpital. Ce fut un choc immense.
C’est étrange, on vit à côté de ses parents comme s’ils étaient immortels. On se refuse à les voir vieillir et puis un beau jour ils meurent et c’est la stupéfaction. Soudain orphelin, on comprend alors que quelque chose d’irréversible s’est produit : nous ne sommes plus les enfants de nos parents mais les parents de nos enfants. Une prise de conscience douloureuse qui nous confronte à notre propre finitude et à la perte d’un amour inestimable. Celui de nos parents. Un amour unique et indéfectible que personne d’autre au monde ne saura désormais nous prodiguer.
Le temps perdu ne se rattrape plus, dit-on, mais si j’ai des regrets, je n’ai pas de remords. J’ai compris très tôt que le temps était un comptable intransigeant et que la vie passait vite. J’ai donc réalisé avec maman et toi tout ce qui me tenait à cœur. Je vous ai aimés vivants et les souvenirs de ces événements sont autant d’étoiles qui illuminent mon cœur aujourd’hui.
Tu étais notre capitaine et lors de ces voyages, tu troquais ta casquette bleue de marin contre une blanche. Ton navire avait la forme d’un bus WW et la mer était la Nationale 7 que nous descendions en deux jours avec une halte au Pont du Gard où nous dormions à la belle étoile.
Je me souviens avec bonheur de nos vacances annuelles dans le Midi. Nous partions plus d’un mois, c’était exceptionnel à l’époque. On plantait toujours nos tentes au camping du Front de mer à Frontignan Plage. Tu étais notre capitaine et lors de ces voyages, tu troquais ta casquette bleue de marin contre une blanche. Ton navire avait la forme d’un bus WW et la mer était la Nationale 7 que nous descendions en deux jours avec une halte au Pont du Gard où nous dormions à la belle étoile. De sacrées équipées à vrai dire dont je mesure aujourd’hui l’incroyable organisation qu’elles impliquaient. Quel courage, quelle force de caractère devaient être les vôtres, avec maman, à peine âgée de trente-quatre ans à l’époque, pour affronter un mois de camping et la compagnie bruyante de dix petits mousses récalcitrants dont l’âge variait de un à quatorze ans. Franchement, merci papa pour ces expéditions épiques et ensoleillées qui restent les plus beaux souvenirs de mon enfance. Et merci maman pour l’énergie épatante que tu as déployée pour tenir, nourrir, éduquer et surveiller toute cette smala ! Et même si tu n’adhérais pas à la politique nataliste qui sous-tendait cette action, tu as amplement mérité la reconnaissance de la Nation et la médaille d’Or de la Famille Française qui t’a été décernée à l’occasion de la fête des Mères du 26 mai 1968. Évènement immortalisé dans le journal et dont je me souviens encore.
Quel courage, quelle force de caractère devaient être les vôtres, avec maman, à peine âgée de trente-quatre ans à l’époque, pour affronter un mois de camping et la compagnie bruyante de dix petits mousses récalcitrants dont l’âge variait de un à quatorze ans.
Je le sais aussi, même si nous n’en avons jamais discuté ensemble, tu as, comme moi par la suite, traversé un épisode dépressif qui t’a marqué. Mais, tout comme moi également, tu as rebondi et fait preuve d’une résilience étonnante qui t’a redonné une formidable énergie de vivre. En ce qui me concerne, je ne retiens de cette épreuve sombre et difficile que la renaissance qui a suivi et m’a permis de voir le monde sous un jour nouveau. Oui, la vie était belle et valait la peine d’être vécue. Il y avait autour de moi beaucoup de gens qui m’aimaient et que j’aimais. J’en prenais conscience. Il fallait que je le leur dise, que je le manifeste. Je n’aurais peut-être pas de deuxième chance.
C’est de cette période que date la « Sarrophonie », ce recueil de chansons que j’ai écrites sur les membres de la famille. Ce condensé de nos histoires personnelles qui, en donnant une reconnaissance à chacune d’elles, a élargi notre conscience familiale et nous a fédérés en nous ramenant à l’essentiel : toi et maman ! Nos parents, nos piliers, nos racines ! Des chansons qui ont resserré les liens, fixé les souvenirs dans la mémoire des plus jeunes et apporté de fortes et belles émotions durant de nombreuses années. En particulier la chanson « Les Sarron » dont tu étais si fier et que nous avons chantée dans toutes les grandes réunions dédiées aux « Sarron », en particulier en 1996 à Maîche et en 2003 avec un émouvant pèlerinage « Sur la Roche », lieu où se situait la ferme de tes parents. Quelle émotion, j’en ai encore des frissons.
Cette chanson est devenue notre hymne familial, notre chant de ralliement, et comme les partisans nous le chantons systématiquement à chaque rencontre en souvenir de toi, de maman et de Gogo qui nous a aussi quittés en 2019.
Tu n’es plus, ni maman ni Gogo et tant d’autres également que j’aimais et je me dis que, bientôt, j’aurai plus de relations dans l’au-delà que dans l’ici. C’est une des raisons, je suppose, qui font que les anciens vivent davantage dans le passé que dans l’avenir. Un avenir qui, pour eux, se rétrécit comme une peau de chagrin. Un retrait progressif aggravé par une société qui ne les honore pas comme elle le devrait. Une société qui les culpabilise pour leur inutilité et les frais qu’ils génèrent, qui les infantilise et les parque sans états d’âme dans des mouroirs où, en ces temps de coronavirus et de confinement, ils meurent seuls et abandonnés de tous. Je plains ces pauvres personnes dont la solitude et la souffrance ont dû être extrêmes. Et je compatis à la douleur de leurs proches qui n’auront pas pu faire leur deuil et embrasser une dernière fois leur père ou leur mère ce qui, à mes yeux, est inhumain et indigne.
Tu as été un bon père, papa, soucieux de nous transmettre ce qui te tenait à cœur. Juste et conscient de ton rôle. Je me souviens que l’on se battait pour aller à la chasse avec toi. Non pas pour te voir tuer quelques petits volatiles, mais pour être avec toi, avoir ton attention, t’écouter nous énumérer le nom des oiseaux ou des champignons ; pour ramasser des pommes sauvages et partager, ensemble, assis au bord d’une clairière, un bon casse-croûte tiré de ta gibecière pleine de noisettes. J’ai encore dans les narines l’odeur de l’humus et des feuilles mortes qui craquaient sous nos pas. Et dans l’oreille le murmure de ta voix qui m’invitait à ne pas faire de bruit pour écouter le chant de tel ou tel oiseau que tu me nommais. Des moments précieux que je n’ai pas oubliés. Tout comme je n’ai pas oublié les haltes au café des Bréseux où tu nous commandais un sirop à la menthe ou à la grenadine et que nous rentrions triomphants à la maison en exhibant une moustache verte ou rose sur le dessus de nos lèvres.
Tu as été un bon père, papa, soucieux de nous transmettre ce qui te tenait à cœur. Juste et conscient de ton rôle. Je me souviens que l’on se battait pour aller à la chasse avec toi.
Je garde de belles images de toi. Ta présence chaleureuse au bout de la grande table en chêne faite sur mesure par tes soins. Ton sourire malicieux qui éclairait ton visage sous ta sempiternelle casquette de marin. Ta tendresse pour maman – ta petite Mimi –, ta voix qui s’élevait dans la grande salle à manger pour nous chanter la petite Française lors des nombreuses fêtes de famille, chanson nostalgique ramenée de tes 24 mois de service militaire accomplis à Aumale en Algérie en 1947. Ta faconde pour parler de tes livres, ton éloquence et ton érudition, ta grande passion pour la généalogie familiale.
Aujourd’hui, même s’ils restent des sésames incontournables pour trouver un emploi, je sais que les diplômes ne signifient pas grand-chose. La formation ne fait pas tout. L’intelligence, la vraie, se cultive toute la vie, elle est faite de curiosité et d’un désir constant d’apprendre et de comprendre. Tu étais un autodidacte et tu as créé ta propre société. Je le suis aussi en ce qui concerne mes ouvrages que j’autoédite seule et sans soutien. C’est une voie ardue mais c’est une voie de liberté dont tu m’as montré le chemin et que j’apprécie.
Je t’aimais, papa, pour toutes ces choses et pour tout ce que tu représentais pour moi. Je te revois encore danser la techno en dépit de tes deux prothèses de hanche ou danser avec ta petite-fille Émilie lors de la belle fête organisée pour ses vingt ans. Je me souviens aussi que ce jour-là, c’est moi qui suis venue t’inviter à danser la valse. Une valse que tu aimais danser à l’envers. La dernière que nous avons dansée ensemble parce que tu es décédé un mois plus tard.
Ces souvenirs sont comme de petites pépites, celles qui restent dans mon tamis d’orpailleuse après le passage du temps. De petits trésors qui enrichissent mon présent et l’illuminent de leur éclat.
Je ne sais pas trop pourquoi je me suis mise à t’écrire cette lettre. La situation due au Covid 19, probablement, qui me rappelle que la mort ne se tient jamais très loin et me met en lien avec tous ceux que j’ai aimés et perdus. Aussi parce que je vieillis, je suppose, et qu’il faut savoir se souvenir d’où l’on vient pour avancer, même si avancer, en l’occurrence, c’est aller vers quelque chose d’inconnu.
Une mélancolie passagère et nostalgique qui me remue mais me fait également du bien. Il est bon de penser à toi et de me remémorer ces agréables moments que nous avons passés tous ensemble. Ces souvenirs sont comme une chaude et douce couverture sur mon cœur qui frissonne un peu en ces temps troublés. Ils me rassurent et me réconfortent. Ils sont comme de petites pépites, celles qui restent dans mon tamis d’orpailleuse après le passage du temps. De petits trésors qui enrichissent mon présent et l’illuminent de leur éclat.
Merci pour ce rayonnement qui transcende la mort et pour tout ce que tu m’as apporté.
Au revoir mon petit papa que je n’oublie pas.
Cathy, ta fille qui t’aime par-delà le temps.
© Catherine Gaillard-Sarron 14.5.20
Capitaine
Ton navire restait à quai,
Vaste et couvert d’un toit
Dix petits mousses il abritait.
Coiffé d’une éternelle casquette
Blanche ou bleue selon l’occasion,
D’une main ferme tu barrais.
Avec toi nous avons voyagé
De Maîche à Frontignan,
De Frontignan à Maîche,
Découvrant de ton cœur
Les plus beaux paysages.
Mais les plus grands voyages
Tu les as faits sans nous,
Dans ta tête !
Voyageant par l’esprit.
Combien de livres et de romans ?
Combien d’histoires et de récits ?
Lus et racontés avec passion,
À nous autres,
Trop souvent indifférents !
Ô capitaine de nos cœurs
Qui jamais ne quitta le pont,
Tu vogues à présent libre sur les mers éternelles,
Découvrant pour de vrai les terres imaginées
Car pareil à l’oiseau qui vole dans le ciel
Ton esprit désormais s’est uni à l’espace.
Ô Prince des nuées aux ailes de géant,
Reviens, si tu nous entends,
Caresser de ton aile nos cœurs de naufragés
Et sécher par ton vol nos larmes de petits mousses.
© Catherine Gaillard-Sarron – L’envol 2005
Chamblon le 5 mai 2020
Dans quelques jours c’est la Fête des Mères, un jour où, je l’espère, les filles et les fils penseront à leur maman et auront à cœur de l’honorer en la remerciant pour tout ce qu’elle a fait ou fera encore pour eux à l’avenir. Une attention et une reconnaissance méritées pour toute mère qui accomplit journellement un travail domestique invisible et pour l’amour inconditionnel qu’elle prodigue à chacun de ses enfants tout au long de son existence.
Bonne Fête à toutes les Mamans!
Lettre publiée dans le 24 heures du 9 mai
Ma chère maman,
Moi aussi, je pense à toi, et je me souviens avec émotion de ces dimanches particuliers où chacun te fêtait avec amour. Les traditions se perdent, mais à l’époque c’était un jour important. Un jour où, même si c’était encore toi qui nous concoctais un festin de roi, tu étais la reine de nos cœurs et au centre des attentions. Un jour spécial où nous cherchions tous à te faire plaisir et à t’être agréables.
J’ai conservé quelques-unes de ces carafes où je décante mes souvenirs.
Nous avions peu d’argent pour t’acheter un présent, mais chacun rivalisait d’originalité pour te plaire et te prouver son affection. Longtemps, parce que je trouvais ça beau et parce que cela ne coûtait pas plus que les quelques sous dont je disposais, je t’ai offert des carafes. Des verres de toutes les couleurs, de toutes les formes, que tu as conservés et que j’ai retrouvés après ton décès lorsque nous avons vidé les armoires.
Ce jour-là, face à toute cette verroterie qui étincelait dans la lumière du matin et dont personne ne voulait, mes larmes se sont mises à couler. Je me suis revue au magasin, recomptant mes p’tits sous, hésitante devant ces carafes chatoyantes qui ravissaient mon regard d’enfant et me semblaient un cadeau digne de l’amour que je te portais.
En dépit des années, tu les avais toutes conservées, précieusement rangées au fond du buffet. J’en étais bouleversée. Évelyne avait ri devant mon émoi et m’avait rappelé mon obstination à t’offrir ces carafes inutiles ainsi que son étonnement devant le fait que tu ne les avais jamais jetées.
La maison a été vendue, le passé n’est plus. Mais j’ai conservé quelques-unes de ces carafes où je décante mes souvenirs. Et lorsque les rayons du soleil traversent ces verres colorés, irisant la pièce de reflets multicolores, je sais que ces carafes n’étaient pas d’inutiles cadeaux mais les symboles lumineux de mon amour pour toi, devenus à leur tour les symboles précieux de l’amour que tu avais pour moi. Des verres toujours intacts et transparents emplis d’une présence qui éclaire mon cœur et ma mémoire d’une lumière magique.
Bonne fête ma petite maman.
Cathy
© Catherine Gaillard-Sarron 5.5.20
Chamblon le 30 avril 2020
Mon plus beau joyau
Pas de plus noble paysage que ton visage,
D’océan plus profond que ton regard aimant ;
Pas de plus grand bonheur que ton sourire,
Que ta bouche, que tes mains, qui me touchent et me parlent ;
Pas de plus vaste territoire que ton corps,
De plus fol espoir que d’être à tes côtés,
De dormir, de m’éveiller, de vieillir avec toi !
Pas de trésor plus précieux que ton amour,
De joie plus intense que ta présence !
Tu es ma bonne fortune, ma plus grande richesse
Et le plus beau joyau, l’unique qui m’importe,
Est ce cœur amoureux qui pulse sous ta peau…
Bon anniversaire mon amour.
© Catherine Gaillard-Sarron 26.4.20
Chamblon le 11 avril 2020
Des mots et de l’amour, c’est tout ce que j’ai pour t’accueillir dans ce monde qui n’est pas très accueillant pour l’instant.
À mon petit-fils qui n’est pas encore
À toi que je ne connais pas encore et qui dois naître à la mi-juin. Toi que je me réjouis de rencontrer et que j’imagine déjà ressembler à ton papa, mon fils cadet.
Ton papa et ta maman forment un beau couple. On sent de la complicité et de la tendresse entre ces deux-là. C’est très important pour faire durer une relation. Tu sais, on dit que le plus beau cadeau que les parents puissent offrir à leur enfant, c’est d’être heureux et de s’aimer. Ainsi l’enfant n’aura jamais besoin de réparer la relation entre son père et sa mère et il pourra vivre sa vie d’enfant en toute quiétude. Et s’il se sent suffisamment aimé, il développera confiance et estime de soi et deviendra un adulte équilibré et libre. Mais l’inverse est vrai aussi et le plus beau cadeau que les enfants puissent offrir à leurs parents c’est d’être heureux.
Je voudrais que tu sois heureux ainsi que tes parents. Si j’étais une fée je te ferais don du courage et de la persévérance et je te donnerais la force de réaliser tes projets. J’ajouterais la bonté et la sagesse. Je t’offrirais aussi la capacité de t’émerveiller devant les choses simples de la vie et de la nature. Le discernement, également, la curiosité, la créativité et la passion pour tout ce que tu entreprendrais afin que tu ne t’ennuies jamais.
Et surtout, je te doterais du pouvoir d’aimer et d’être aimé en retour, la seule chose, à mon sens, qui soit vraiment essentielle et précieuse sur cette terre.
Mais je ne suis que ta grand-maman et je n’ai pas de baguette magique, tout au plus un clavier qui me permet d’écrire des histoires qui, je l’espère, donnent du courage et de l’espoir à ceux qui les lisent. Des mots, donc, mais avec l’amour, c’est tout ce que j’ai pour t’accueillir dans ce monde qui, à vrai dire, n’est pas très accueillant pour l’instant.
En effet, depuis le mois de janvier 2020 un virus, le covid-19, a fait son apparition et contaminé la planète entière en trois mois. Beaucoup de personnes sont atteintes et meurent, surtout les plus âgées et les plus fragilisées. À cause de ce virus, on ne peut plus se toucher, ni se faire de bisous ou de câlins. On doit respecter une distance d’au moins deux mètres avec les gens et les rencontres de plus de cinq personnes sont interdites. C’est si grave que la population a été confinée à domicile depuis le 13 mars et que le conseil fédéral a déclaré l’état d’urgence en Suisse. La dernière fois qu’une telle mesure a été prise, c’était pendant la guerre de 39/45 et je n’étais pas née, c’est dire. La protection civile a même battu le rappel de ses troupes et ton oncle a été mobilisé pour servir la communauté.
Cette pandémie me rappelle l’urgence de dire à ceux que j’aime combien ils comptent pour moi et qu’il faut s’aimer vivants.
Évidemment, tous ces événements me font réfléchir et me confrontent à ma propre finitude. Cette pandémie me rappelle l’urgence de dire à ceux que j’aime combien ils comptent pour moi et qu’il faut s’aimer vivants. Ils me mettent également en résonance avec mon passé, mes parents, mes propres grands-parents, bref, avec la filiation, me rappelant que je ne suis qu’un maillon dans une chaîne dont personne ne connaît la longueur. Il faut savoir d’où l’on vient pour avancer dans la vie. Et si je n’existe plus dans le monde où tu vivras, j’existerai un petit peu au travers de cette lettre. Une lettre qui me rapproche de toi qui n’existes pas encore et dans laquelle je te parle du monde tel qu’il est à la date du 11 avril 2020. Une discussion que nous n’aurons probablement jamais mais justement, l’écrit a cet avantage qu’il reste quand les paroles s’envolent et qu’il met les esprits et les cœurs en communion.
Pour revenir au covid-19, je m’inquiète un peu pour toi et pour tes parents. Il faut reconnaître que la situation est inhabituelle, historique même. De mémoire d’homme, on n’avait encore jamais vu ça : la planète entière paralysée par un organisme microscopique ; un coronavirus minuscule mais dangereux au point de confiner des milliards de personnes à la maison et de bloquer l’économie mondiale. Tu imagines, la civilisation, en fait l’humanité tout entière, confrontée à sa fragilité et sa vulnérabilité face à un petit machin de rien du tout ! On est peu de chose comme dit mon amie la rose. Comme quoi, l’argent, le progrès et la technologie ne font pas tout, personnellement je dirais même qu’ils défont tout ! Mais bon, ça c’est une autre fable que te racontera peut-être ton papa qui a tout très bien compris. Ou alors cette crise aura tout changé et ce sera de l’histoire ancienne.
Tout ça pour te dire que tes parents doivent affronter quelque chose de totalement nouveau. Ils ne le disent pas, mais je suis sûre qu’ils sont un peu inquiets et c’est bien compréhensible. Ils ont désormais charge d’âme comme on dit.
Dans l’immédiat, tu es bien au chaud dans ton petit monde à toi et je suis rassurée car ta maman fait tout ce qu’il faut pour te protéger et ton papa fait tout ce qu’il faut pour vous protéger tous les deux. Ils se sont bien trouvés avec ta maman. Tu verras, ton papa est vraiment drôle parfois. Enfin, peut-être que toi, vu que tu seras son fils, tu le trouveras moins amusant que moi. Le regard d’un fils n’est pas celui d’une mère. Mais je sais qu’il sera pour toi un père attentionné, comme il l’est avec ta maman et avec nous.
Pour le moment le monde ne rigole pas. Il va même assez mal. En France, le Président Macron a tonné plusieurs fois au début de la crise que La France était en guerre ! Alors oui, c’est grave, mais quand même pas comme au temps de la 2e guerre mondiale. Ma maman, donc ton arrière-grand-mère, a connu la guerre, elle. La nourriture était rationnée et il n’y avait pas toute cette technologie moderne pour communiquer et tuer le temps durant le couvre-feu. Ma mère a gardé des traces profondes de cette période. La peur de la faim et celle de manquer l’ont poussée à faire des réserves toute sa vie, au cas où la guerre reviendrait. Elle a en tellement parlé lorsque j’étais enfant que je souhaitais vivre en Suisse quand je serais adulte car le risque de conflit y semblait moins élevé. Du coup, j’y habite vraiment depuis mon mariage avec ton grand-papa et je fais aussi des réserves. Comme quoi la peur se transmet comme les virus. En attendant, quand la guerre est arrivée, comme dit le président Macron, et que les magasins d’alimentation ont été pris d’assaut, on avait de quoi voir venir quelques semaines avec ton grand-papa.
Tu vois, ce qui m’étonne quand je pense à tout ça, c’est que mes parents comme tous ceux de leur génération et ceux qui les ont précédés parlaient toujours du passé en disant le bon vieux temps quand ils évoquaient leurs souvenirs. Je me demande bien de quel temps ils parlaient vraiment. Probablement celui de leur jeunesse où tout est neuf et la vie pleine de vitalité et d’intensité. Ce temps où tout est à construire et à vivre, je suppose.
Et si c’est ainsi, alors il n’y a pas de bon ou de mauvais temps, juste le temps qui passe et dans lequel se déroulent des événements heureux ou tragiques qui nous marquent et nous rendent parfois nostalgiques. La nostalgie c’est la maladie des vieux.
Tu me diras que moi aussi je suis vieille, mais tout est relatif et tu verras que plus tu vieilliras moins tu te considéreras comme un vieux. Cependant, même si je vieillis et que l’avenir ne semble pas très rose, je préfère regarder vers l’avenir plutôt que vers le passé. Ton grand-papa dit parfois que je suis négative quand je parle du monde, moi je lui rétorque que je suis juste lucide.
On ne peut pas nier que le monde va mal actuellement, c’est un fait, mais le monde, tu le découvriras par toi-même, est magnifique et résilient comme la nature humaine en laquelle j’ai toute confiance. Je ne doute pas que des solutions émergeront de cette crise. Mais j’ai surtout confiance en ta génération qui saura, qui devra changer les choses pour vivre sur cette planète mise à mal par le progrès, la cupidité et la surpopulation.
Me voilà repartie dans mes grands discours. Je me demande si tu auras un peu de moi, si mon sang de Française bouillonnera aussi dans tes veines. Je trouverais ça très drôle.
En tout cas, durant cette crise « coronavirienne », je suis contente de te savoir à l’abri dans le ventre tout doux de ta maman. Et j’espère de tout mon cœur que cette pandémie sera derrière nous lorsque tu naîtras et que tu poseras pour la première fois ton regard curieux sur ce monde toujours plein de promesses.
À l’heure où je t’écris cette lettre, tu as sept mois. Il reste encore deux mois avant ta naissance. Deux mois où tout peut encore changer. Alors je prie le ciel pour qu’à la mi-juin, avec ta venue au monde, un monde nouveau s’éveille avec toi. Un monde sans virus, plein d’espérance et empli des câlins que toute la famille pourra te dispenser sans crainte de contamination.
Je me réjouis de ta venue et t’envoie, par l’esprit et avec le cœur, tout l’amour que j’ai déjà pour toi.
Grand-maman Cathy
© Catherine Gaillard-Sarron 11.4.20
Chamblon le 10 avril 2020
C’est lorsque les choses les plus élémentaires viennent à manquer ou font défaut que l’on comprend qu’elles étaient essentielles.
À mes petites-filles
À Robine et Alice, mes petites-filles, dont les jolies frimousses et les craquants sourires me manquent. Un mois déjà que le confinement a été décrété et que je ne vous vois plus que de loin ou par écrans interposés. Terminés les balades dans la campagne chamblonnoise, les haltes à la place de jeux, les fous rires sur la balance à bascule, le toboggan ou le tourniquet. Terminés vos regards émerveillés devant les bulles transparentes, la beauté fragile d’un coquelicot ou les petits agneaux nouvellement nés. Tout cela a pris fin avec l’arrivée du covid19, ce vilain virus qui m’oblige à garder mes distances et mes câlins pour moi. Fini les chansonnettes, les dînettes, les goûters dans la nature et les repas en famille. Fini les bisous, vos petites mains dans les miennes, la proximité et les gestes d’affection. Le covid19 a tout chamboulé, tout bouleversé, tout séparé.
Comment vous manifester mon affection à travers un écran de téléphone ? Comment attirer votre attention afin que vous ne m’oubliiez pas ! Vous êtes encore si petites…
Si le confinement perdure, vous souviendrez-vous de moi ? Et quelles traces cela laissera-t-il dans votre mémoire ? Ne serais-je plus pour vous qu’une image comme les autres, un être immatériel auquel il sera impossible de s’attacher ou se rattacher ? Un simple avatar de grand-maman, vidé de son essence et de son humanité ?
J’appréhende les séquelles de ce confinement, cette épreuve inattendue et brutale qui, d’un jour à l’autre, a séparé les générations. Chacun de son côté, chacun pour soi, une atomisation subite des familles et des individus. Des individus prisonniers de leurs cellules familiales, elles-mêmes prisonnières de sociétés emprisonnées dans des nations incarcérées sur la planète Terre, paralysée par un organisme microscopique. La catastrophe est à venir, et c’est dans ce bouleversement profond, dont on ne mesure pas encore les retombées, qu’elle réside.
C’est lorsque les choses les plus élémentaires viennent à manquer ou font défaut que l’on comprend qu’elles étaient essentielles. On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va, a dit Jacques Prévert. Ne plus pouvoir enlacer un homme ou une femme qu’on aime, ne plus pouvoir serrer un enfant dans ses bras, un fils, une fille, un frère, une sœur. Ne plus pouvoir consoler un proche, un ami, serrer une main. Ne plus oser baiser une joue fraîche, embrasser de douces lèvres, caresser des cheveux, un visage !
N’était-ce pas cela le bonheur ? un bonheur fait d’amour, d’amitié et de tendresse. Un bonheur fait de partage, d’émotion et de passion. Un bonheur simple, mais essentiel et vital pour les êtres humains qui tissent et nourrissent des relations, trame de toute société humaine, à la différence des machines qui n’éprouveront jamais rien et ne seront jamais douées d’empathie.
En ce temps de Pâques où l’espérance est plus forte que la mort, où la nature reverdit et la lumière triomphe des ténèbres, j’espère de tout mon cœur que cette épreuve ne durera pas et qu’elle permettra à chacun de se remettre en question. Qu’elle permettra une prise de conscience collective et fera évoluer la société vers un avenir meilleur et respectueux de l’homme, de la femme, de la nature et de la planète tout entière. Un éveil qui, peut-être, débouchera sur un renouveau si ce n’est une résurrection.
J’espère surtout que nous nous retrouverons bientôt, Robine et Alice, et que je pourrai vous transmettre tout ce que j’ai dans mon cœur et une partie de ce que j’ai dans mon esprit.
J’ai tant à vous raconter et vous avez tant à m’apprendre…
Je me réjouis tant de vous revoir. J’ai hâte de vous serrer dans mes bras, de vous couvrir de bisous et de célébrer la vie avec vous en prenant le temps d’en savourer chaque instant.
Votre grand-maman
© Catherine Gaillard-Sarron 10.4.20
Chamblon le 10 avril 2020
Lettre publiée le 16.4.20 sur la page Facebook de l’AVE
Maman soleil
Sur les chemins venteux où je vais solitaire, fuyant l’appartement et le covid19, mes souvenirs affluent et réchauffent mon cœur. Je pense à toi, maman, à ce lien invisible qui au-delà du temps nous relie l’une à l’autre en dépit de l’absence.
Je marche et je contemple, sur l’horizon rougi, le soleil embraser la chaîne du Jura, ce fascinant spectacle qui sans fin se répète et apaise mon âme quand la peur la tenaille. Je pense à toi, à ce temps élastique qui s’étire sans fin, ce temps où tu n’es plus mais où tu vis quand même. Je revois ton sourire au détour d’un chemin, ton regard amusé dans le creux d’un nuage. Un oiseau qui s’envole, une biche étonnée, tout me ramène à toi dans le soir qui descend, élargissant l’espace où baigne mon esprit.
Le temps n’existe pas et le néant non plus, ta présence demeure au cœur des souvenirs me reliant à toi qui me relies au Tout. Un Tout fait d’espérance, d’amour et de pensée qui console et rassure quand le soleil s’éteint.
Je contemple le ciel aux éclats rougeoyants et je souris sereine devant ce grand mystère, car pareil au soleil qui meurt à l’horizon, illuminant les cieux de ses derniers rayons, ton amour est lumière et éclaire mon cœur.
Le soleil ne disparaît pas, maman, il se lève simplement ailleurs et l’amour ne meurt pas, il rayonne simplement autrement. Pareil au soleil qui brille malgré les ténèbres, ton amour resplendit en moi malgré l’absence. L’amour ne peut mourir, il est immortel. Alors, je comprends, maman, que tu es toujours là, que tu ne disparaîtras jamais, que même si je ne te vois plus, même si je ne t’entends plus, comme le soleil, tu brilles simplement ailleurs et autrement, et que pareil au soleil qui meurt et puis renaît, l’amour est un phénix qui transcende la mort et emplit chaque jour mon cœur de ta lumière.
Sur les sentiers déserts où s’allongent les ombres, ton souvenir m’apaise et réchauffe mon cœur. Au-delà de l’absence et du covid19, tu es maman soleil mon guide dans la nuit, éclairant ce chemin ou je vais solitaire d’un amour rayonnant à jamais éternel.
Cathy, ta fille qui ne t’oublie pas
© Catherine Gaillard-Sarron 26.3.20
Chamblon le 4 avril 2020
Lettre publiée sur le site du magazine Générations le 15.4.20
Destinataire
Madame Mimi Sarron
Home Les milles étoiles
U+221E Infini
«Tu le sais comme moi, l’amour n’a pas de frontières »
Ma douce et chère maman,
J’espère que tu vas bien et que de ton home aux mille étoiles, tu suis avec attention et bienveillance nos pérégrinations corona-pathétiques. Aujourd’hui où par sécurité les êtres humains se doivent d’être à distance les uns des autres, je suis plus près de toi que jamais. Tu le sais comme moi, l’amour n’a pas de frontières, il transcende tout, même la matière. La présence de ceux qu’on aime n’est pas que physique, tant de vivants sont absents aux autres et à eux-mêmes.
Avec Claude nous vivons au ralenti mais cela ne nous affecte pas trop car nous savons nous occuper et apprécions une certaine solitude. Mais nos enfants et nos petites-filles nous manquent, même si nous nous téléphonons souvent et organisons régulièrement des rencontres vidéo par WhatsApp.
Je mesure en ces moments difficiles, la chance d’être deux et de s’aimer. Et à cette heure où le mot d’ordre est l’éloignement, de pouvoir se le manifester avec des gestes de tendresse, si précieux quand l’autre est désormais perçu comme une menace de contamination potentielle.
En ces temps troublés où le coronavirus paralyse le monde, isole les gens et sépare les parents de leurs enfants adultes et de leurs petits-enfants, tu me manques terriblement, maman, et c’est avec le cœur et l’esprit que je t’écris cette lettre que seul le facteur Amour est à même de distribuer.
Tu me manques, et même après des années, je garde le réflexe de me tourner vers toi quand je suis inquiète et que j’ai besoin de réconfort. Toi qui as connu la guerre et surmonté tant d’épreuves ; toi qui étais si forte et courageuse, qui as élevé dix enfants et nous a donné tant d’amour. Tu restes mon modèle de courage et de persévérance, maman. Je ne t’oublie pas. Tu es toujours là, avec moi, douce et souriante dans ton cadre sur mon bureau. Car j’en suis convaincue, si penser à toi te ramène à moi, alors il existe, au-delà de la raison, un langage indicible qui nous relie encore, un « translangage » qui nous console de la mort et nous relie à cette espérance que seul l’Amour est éternel.
C’est pourquoi je garde confiance en la vie, en l’amour, en la capacité humaine de faire front et de faire émerger un monde meilleur de cette épreuve planétaire.
Je t’aime maman et de ton home serti au cœur des étoiles, je sais que tu veilles sur moi, sur la famille, sur le monde…
Ta fille qui ne t’oublie pas…
© Catherine Gaillard-Sarron 4.4.20
Chamblon le 26.3.20
J’essaie d’être philosophe et d’aller au-delà du matériel, de voir avec le cœur et de toucher avec les yeux.
Mon cher Ive,
Une pensée de Chamblon où le printemps triomphe. La nature est résiliente. Elle s’adapte, évolue et se moque des virus et des humains. Comme le disait Victor Hugo « C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas ». Elle a pourtant tant à nous dire, tant à nous apprendre.
Le temps est venu de se mettre à son écoute et d’en prendre soin. Tout comme est venu le temps de prendre soin de ceux qui nous entourent et que nous aimons. Ceux qui nous soutiennent au quotidien et que nous ne voyons plus, trop occupés que nous sommes à nous divertir et à nous étourdir avec des gadgets ou par écrans interposés. Temps également de prendre soin des plus démunis, des plus pauvres et de tous ces anonymes qui œuvrent en silence au bien-être général. Le monde ne peut se reconstruire sans eux.
La situation actuelle nous pousse à l’introspection et je souhaite que toute cette réflexion permette l’émergence d’une société nouvelle, plus juste et plus respectueuse de l’environnement et des êtres humains.
Je vais bien, Claude et les enfants aussi et j’espère de même pour toi, Francine et tes proches. Le confinement ne m’atteint guère car ma vie se déroule habituellement dans mon bureau où j’écris et passe le plus clair de mon temps. Nous avons la chance d’habiter un bel endroit et les promenades quotidiennes rythment nos après-midi. La solitude ne me pèse pas, elle permet d’éclaircir les idées et de clarifier la pensée.
La seule ombre au tableau est l’absence physique de nos enfants et de nos deux petites-filles. Mais la technologie numérique a du bon. Nous organisons des rencontres virtuelles sur WhatsApp et nous nous téléphonons souvent. J’essaie d’être philosophe et d’aller au-delà du matériel, de voir avec le cœur et de toucher avec les yeux.
Mon cher ami de cœur, je te souhaite de conserver ton indéfectible bonne humeur et ce regard émerveillé sur le monde, surtout de rester en forme pour notre prochaine rencontre à Champoussin, où, face aux Dents du Midi, nous boirons ensemble à la santé de la nature, de l’amitié et d’une nouvelle société.
Je t’embrasse bien fort et Claude se joint à moi pour les bisous.
Embrasse aussi Francine pour nous.
Prends bien soin de toi.
Catherine
© Catherine Gaillard-Sarron 26.3.20
Chamblon 25 juin 2018
Et surtout félicitations pour vos noces d’Or, le plus grand, le plus long, le plus diversifié et probablement le plus beau de tous vos voyages.
Chers Nicole et Jean-Charles,
Merci pour votre belle et chaleureuse amitié, pour votre optimisme, votre dynamisme, votre humour, votre savoureuse cuisine, votre belle complicité, votre jeunesse d’esprit, vos talents divers (oui cela fait beaucoup de qualités mais, désolés, nous ne vous avons pas encore trouvé de défauts J !).
Donc, merci pour tous les bons moments passés à Aix ou à Champoussin en votre si agréable compagnie, pour les jeux, les fous rires, les chansons, les bons petits plats, les balades et tutti quanti ! (Photos à l’appui !)
Et surtout félicitations pour vos noces d’Or, le plus grand, le plus long, le plus diversifié et probablement le plus beau de tous vos voyages.
Nous vous souhaitons de garder bon pied bon œil et, longtemps encore, de croquer la vie à belles dents en contemplant, le cœur toujours rayonnant, celle du Chat à Aix-les-Bains et celles du Midi à Champoussin !
À bientôt à Champoussin pour fêter ces Noces d’Or entre amis.
Meilleurs vœux et gros becs à vous deux.
Belle journée à vous et à toute votre famille.
Catherine et Claude
© Catherine Gaillard-Sarron 25.06.18
Chamblon 20 mai 2015
Désormais, je les regarderai autrement, ces murs qui murmurent en silence à nos oreilles les secrets de la vie et du temps qui passe.
Cher Jean-Paul,
De retour dans notre beau canton de Vaud depuis dimanche, les sapins du Jura me manquaient déjà, je découvre vos 4 messages qui me ravissent. Je n’avais pas Internet à Lattes, je n’ai donc, malheureusement, pas pu consulter ma messagerie et vous répondre avant. J’espère que vous me pardonnerez ce silence involontaire. Mais sachez-le, je ne vous ai pas oublié. On n’oublie pas une personnalité comme vous.
En tout cas, j’ai été très heureuse de faire votre connaissance. Je vous ai trouvé extrêmement sympathique. Si plein de sérénité, de force tranquille et d’enthousiasme, autant de qualités que j’apprécie et qui apportent de la lumière au monde qui s’assombrit. Vous avez contribué au succès de cette soirée par votre bonne humeur, votre simplicité et votre charisme. J’en garde un excellent souvenir. Comme ces bonnes soirées que l’on passe avec des amis de longue date.
J’ai téléchargé vos belles photos. Me permettez-vous de les mettre sur mon site ?
Je suis allé voir le Patchwork de clichés d’édifices en pierres sèches et j’ai visionné la vidéo sur celles du Valais. J’ai beaucoup aimé la façon dont ces deux personnes parlent de ces pierres. Des philosophes, vrais et authentiques, qui expriment avec profondeur et sagesse la passion qui les animent.
J’aime bien tous ces noms qu’on vous donne : muretiers, muraillers mais je préfère bâtisseurs de murs. Un nom mérité pour tous ceux qui bâtissent ces petites cathédrales qui soulignent et illuminent les paysages en y traçant leurs lignes pures, blanches, jaunes ou grises. Ces édifices qu’ils construisent de leurs mains en y mettant leurs émotions, leur cœur, leur âme et parfois leurs tripes.
Et je suis allée également saluer Dame fourmi, si belle sur l’azur dans sa minéralité argentée.
Je n’ai pas encore d’idées précises pour un poème mais en écoutant l’émission Passe-moi les jumelles et en regardant toutes les œuvres réalisées par les bâtisseurs de murs, des émotions me viennent, une mémoire endormie remonte en moi et affleure à mon esprit qui s’éveille à des souvenirs oubliés. Ceux de nos ancêtres ?
Étonnamment, lorsque quelqu’un ne nous accord aucune attention, on dit qu’on a l’impression de parler à un mur, là, c’est le contraire, ce sont les murs qui nous parlent. Et ces murs de pierres ont un cœur, celui de ceux qui les construisent.
Désormais, je les regarderai autrement, ces murs qui murmurent en silence à nos oreilles les secrets de la vie et du temps qui passe.
Merci Jean-Paul de m’avoir fait partager votre passion et surtout de m’avoir fait découvrir ces artisans qui, tels des artistes, sculptent et œuvrent en silence à l’élaboration de murs qui ne séparent pas mais unissent les hommes entre eux et soutiennent la mémoire qui permet la conservation d’un savoir-faire et d’un art ancestral.
Moi aussi, à ma façon, je suis une artisane. J’empile des mots en silence qui deviennent des livres. Mes murs à moi pour souligner et parfois, peut-être, illuminer les paysages du cœur et de l’âme humaine.
Redites-moi le thème sur lequel vous souhaitez que je vous écrive un poème.
Dans cette attente, je vous envoie toute mon amitié ainsi qu’à Ginette, votre si sympathique épouse.
Catherine
© Catherine Gaillard-Sarron 20.05.2015
Chamblon 6 septembre 2012
Je t’aime mon frère même si je ne te vois jamais.
Catherine Gaillard-Sarron | 6 septembre 2012 à 11:06 | |
À : Sarron Christian | ||
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Chamblon le 28 mai 2012
Jouez de l’accordéon pour lui, les poèmes et la musique sont le langage des âmes.
Chère Carmen,
Votre téléphone d’hier m’a beaucoup touchée ainsi que l’immense souffrance que j’ai perçue dans votre voix. Nous sommes tellement impuissants à consoler face à de tels événements.
Devant votre détresse, je ne pouvais m’empêcher de revivre celle que j’ai traversée à la mort de mes parents et celle que ma propre maman a vécue lors du décès de mon père. Je revoyais celle de ma belle-mère, celle de nombreux amis, celle de tous les êtres qui se retrouvent seuls quand l’autre s’en va…
Je voulais juste, le temps d’une lettre, vous accompagner en silence sur ce chemin de deuil où, vous l’avez dit, vous avancez seule. Vous dire que même si vous avancez seule vous n’êtes pas seule car vous êtes en lien avec tous ceux qui souffrent et tous ceux qui aiment.
Quand la mort frappe, nous mesurons à quel point la douleur qu’elle provoque est universelle et touche chacun de nous. John Donne disait, ne demande pas pour qui sonne le glas, il sonne pour chacun de nous. À travers votre souffrance, je reconnais déjà la mienne et celle qui m’atteindra aussi… un jour. J’ai ressenti dans votre voix tout l’amour que vous éprouviez pour votre mari et celui qu’il avait pour vous. Son départ vous dévaste et votre douleur me touche au cœur car la relation que je vis avec mon propre mari est de même nature. C’est l’écho de ma propre douleur face à l’inacceptable que j’entends dans votre voix.
Votre chagrin est donc un peu le mien et en vous consolant, je me console et je console tous les êtres qui souffrent ou souffriront de la séparation infligée par la mort. Car nous ne sommes que des mortels et tous nous connaîtrons cette terrible épreuve.
Je vous souhaite beaucoup de courage et vous offre ces quelques poèmes qui vous aideront peut-être à continuer votre chemin malgré l’absence de celui que vous aimerez toujours. Ils sont nés des mêmes émotions que vous traversez aujourd’hui.
Jouez de l’accordéon pour lui, les poèmes et la musique sont le langage des âmes.
Bien à vous.
Catherine
© Catherine Gaillard-Sarron 28.05.12
Chamblon 29 février 2012
Écris, fais qq chose de ta souffrance et de ton mal-être. Transforme en énergie et en force ce qui te semble si noir. Fais du feu avec ce charbon !
Mets-y de la lumière. Ta lumière!
Le reste n’est pas aussi important que l’on croit..
Hello Cédric,
J’ai également eu beaucoup de plaisir à discuter avec toi et je suis très heureuse que cela t’ait fait du bien. De nos jours, en effet, il n’est pas facile de trouver de l’écoute et de l’attention.
Tu sembles un garçon posé et sensible. Ton questionnement sur le monde et ta façon d’y répondre sont pertinents et empreints d’une profondeur étonnante.
J’ai survolé un peu ton travail. Je me suis retrouvée un brin dans certains de tes poèmes.
Je m’indignais beaucoup aussi. Mais les tiens sont plus noirs, plus désespérés.
Tu ne peux peut-être pas changer le monde mais tu peux changer ton regard sur lui. Là est toute la différence.
Un jour on quitte cet état de révolte pour aller vers autre chose. On mûrit. On va vers plus de sérénité car on comprend que malgré tous nos efforts, on ne changera pas le monde. Et dès lors, on se sent plus léger.
Inutile de porter toute la souffrance du monde sur tes épaules. Nous ne sommes pas là pour ça. Aime, et cela, je crois que tu sais bien le faire.
Et écris, fais qq chose de ta souffrance et de ton mal-être. Transforme en énergie et en force ce qui te semble si noir. Fais du feu avec ce charbon !
Mets-y de la lumière. Ta lumière!
Le reste n’est pas aussi important que l’on croit.
Léonard Cohen a dit un jour que c’est à travers nos failles que peut passer la lumière. Accepte tes failles et laisse passer la lumière…
Tourne tes regards vers le beau, le vrai et le bon et tu te sentiras bien.
Et tes textes porteront alors tout naturellement le meilleur de ton être qui ne demande qu’à s’exprimer.
Ne le bride pas. Libère-le…
Comme je te l’ai dit, j’ai survolé ton travail : tes poèmes, le 1er et le dernier de tes textes. J’ai voulu directement voir ta progression.
Il y a de bonnes choses dans ton dernier texte. On en reparlera. Ce n’est pas une nouvelle, mais tu pourrais en faire une nouvelle.
Ton écriture est fluide. De belles descriptions. De belles images. On entre bien dans les pensées du personnage. Ces interrogations sont bien rendues. Cependant, le texte est trop long et redondant. Il faudrait couper, épurer un peu. Et peut-être supprimer certains passages un peu trop personnels (si tu veux en faire une nouvelle.)
Tu es encore trop dans ton vécu et pas assez dans la fiction. Tu dois visualiser tes personnages. Leur donner une vie propre, distincte de toi. Ça viendra.
Enfin, pour le moment voici en gros mes impressions. Je relirai ton travail et te donnerai un avis circonstancié plus tard.
Nous partons en vacances à la fin de la semaine pour 8 jours en Turquie et 15 jours début avril en Bretagne.
Ces qq infos te permettront de patienter un peu.
Et puis, si je te lis, fais, toi aussi, l’effort de lire mon travail ou d’écouter mes nouvelles. Comme dit l’alchimiste, comment veux-tu savoir à qui tu as affaire si tu ne connais rien de lui !
Si tu veux que je te conseille, tu dois au moins connaître ce que je pense et ce que j’écris… : -)
Bonne inspiration et bonne continuation.
Amicalement
Catherine
© Catherine Gaillard-Sarron 29.2.2012
Chamblon 20 février 2011
L’action précède l’estime de soi, dit-on. Alors n’aie pas peur et, après réflexion, agis, mais toujours au plus près de ton cœur et de ta conscience. C’est important.
Mon cher David,
Ce petit mot pour faire suite à notre conversation de samedi passé, dans le train, lors de ton retour d’Australie. Je voulais te dire que c’est normal de douter. Que TOUT le monde doute. Que seuls les orgueilleux ne doutent pas. Je me suis dit aussi que c’était bien que tu oses parler ouvertement de ces appréhensions relatives à ton job avec moi, et avec nous tous, le soir au restau.
Après réflexion, j’ai aussi pensé que si le silence est d’or, la parole est d’argent et que ce n’était pas si mal non plus. Ça va sans dire, dit-on, mais ça va mieux en le disant. C’est pourquoi j’ai eu envie de t’écrire ce qu’on ne dit pas forcément, même si c’est évident.
J’ai confiance en toi David, et je sais, tout comme tu le sais aussi, que tu es capable de faire ce qu’on attend de toi. Peut-être faut-il juste quelqu’un pour te le dire. Alors je te le dis, comme ça, quand tu douteras de tes capacités, tu pourras lire et relire ce petit mot et te convaincre que tu es capable des plus grandes choses. Le dire c’est bien mais pouvoir le lire c’est encore mieux.
Tu n’es pas arrivé par hasard à ce poste. Tu as postulé parce que tu avais les compétences requises et tu as été retenu parce que ton employeur a vu que tu les avais. Avoir les compétences ne signifie pas pour autant tout savoir du job. Comme tous ceux qui prennent des responsabilités tu vas devoir apprendre un tas de choses nouvelles, prendre des initiatives, des décisions, évaluer des situations, mais comme eux avant toi, tu développeras les compétences nécessaires à ton job au fur et à mesure et c’est ainsi que tu prendras confiance en toi. Même les gens qui ont l’air sûr d’eux ont dû apprendre un jour ce qu’ils savent.
L’action précède l’estime de soi dit-on. Alors n’aie pas peur et, après réflexion, agis, mais toujours au plus près de ton cœur et de ta conscience. C’est important.
Je voulais aussi te rappeler que lorsque tu étais petit, rien ne te faisait peur. Tu étais déjà audacieux, téméraire parfois. La témérité c’est bien, encore faut-il en mesurer les risques. Entreprenant tout en étant prudent, c’est mieux. Tu étais aussi indépendant et très débrouillard. Tu as parlé vite et bien, tu savais lire avant d’aller à l’école et tu n’hésitais pas à partir à la découverte du village (déjà un voyageur ;-). Tu aimais beaucoup aller à la rencontre des gens, te rendre utile, travailler avec les paysans. Et puis en grandissant tu t’es confronté aux autres à travers le sport et la gym. Tu as connu la compétition. Et ta persévérance et ton côté artiste se manifestent dans ta passion pour la batterie.
Tu as toujours appris facilement, et les problèmes que tu as pu rencontrer étaient en rapport avec l’autorité, tu as donc l’intelligence et le caractère pour faire face à un poste à responsabilités. Car il faut du caractère pour défendre ses opinions et imposer sa volonté. Encore faut-il ne pas être têtu ou obstiné ;-). Il faut juste apprendre à canaliser cette énergie pour l’utiliser au mieux.
Tout ce que tu étais EST toujours David. La confiance tu l’avais. Et tu avais la mienne quand je te laissais aller dans Pomy alors que tu avais tout juste trois ans. Pourquoi en as-tu moins aujourd’hui ? Ces qualités sont toujours en toi. Reprends confiance. Vois ce dont tu es capable : le poste obtenu, ton salaire, ta capacité à te remettre en question, les compliments que l’on te fait sur ton travail. L’estime de soi n’est pas de la vanité mais la conscience de sa valeur.
Allez David, prends conscience de ta valeur et doute juste ce qu’il faut pour progresser. Tu as tout ce qu’il faut pour réussir.
Juste un truc, refais du sport. C’est une bonne manière de chasser le stress et l’anxiété. Et arrête de fumer pendant que tu y es. Il y a déjà assez eu de cancers du côté de la famille Addor-Gaillard.
Tiens, mets-toi à la course avec Alex, papa ou Steph ou les trois ! 😉
Je t’aime.
Gros bisous. Maman
© Catherine Gaillard-Sarron 20.2.2011
Chamblon le 25 janvier 2011
Tu es une grosse légume Pierre Yves. Le roi des Légumes même! Et si on organisait ton sacre ?
Don Quichotte de Chateau-d’Oex
Mon cher Pierre Yves,
J’ai lu ton livre « La guerre des légumes ». Enfin, diras-tu ! C’est vrai que je l’ai laissé un bon un moment sur le feu, mais le chou, c’est si bon mijoté avec des carottes, des raves et des navets…
En fait ton livre est formidable. Ou plutôt, tu es formidable Pierre Yves, car ce qui me plaît dans un livre, c’est avant tout celui qui l’écrit, celui qui est derrière, celui qui pense comme ça, celui qui réfléchit à tout ça : celui qui est capable de traduire ce « tout ça » en un langage compréhensible (enfin pas tout quand même, j’ai dû sortir le dico). Et Dieu sait (je suis sûre qu’il le sait ;-)) en l’occurrence tout ce que ce « ça » englobe.
Roman écologique, botanique, politique, culinaire, gastronomique, philosophique, théologique, métaphysique, ontologique ? Indescriptible ! Inclassable ! Atypique comme toujours. Génial quoi ! Vraiment d’accord avec Chris pour le Goncourt.
Au bout du compte, je suis assez fière que tu condescendes (descendre au niveau des plus cons ?!!) à fréquenter une ignorante telle que moi (si si PY, mais bon, j’en sais assez pour me débrouiller dans la vie : heureux les simples d’esprit !). Tu es digne d’admiration et tu as la mienne. Et j’admire peu de gens. J’aimais bien Georges Haldas. Tu es un sage PY. Un érudit original et spirituel (dans tous les sens du terme). Un être d’ouverture qui transperce ou du moins lève les voiles qui obscurcissent la vue et étouffent les sens. Comme GH tu ouvres les esprits et les consciences à l’invisible et à l’Infini en partant du visible et du concret (en l’occurrence les légumes). Tu sais voir la totalité dans le détail et la destinée du monde dans les légumes… Et tu parviens à nous faire comprendre les grandes choses du monde au travers des petites… et l’importance des petites choses et des humbles (les pissenlits) dans l’équilibre du monde.
Tant de choses me viennent à l’esprit pour parler de ce livre qui te ressemble tellement. Quand je le lis, je te vois. Mais tu n’es pas toujours facile à suivre : jeux de mots, associations d’idées, de pensées, digressions constantes. Tu vas si vite, si haut. Tu es tellement loin devant…
Tu es une grosse légume Pierre Yves. Le roi des Légumes même. Et si on organisait ton sacre ?
Hormis ton horreur du pouvoir, de la manigance et de la compromission, tu as toutes les qualités pour faire un bon roi. Intelligent, humain, modeste, clairvoyant, franc et bienveillant, tes sens, affûtés sur les sommets acérés des montagnes ? sont plus finement aiguisés que ceux de la plupart des gens. Tu as la faculté de voir, de sentir, t’entendre, de toucher et de goûter le monde, ce qui t’en donne une compréhension extraordinaire, carrément visionnaire.
Tu sais observer et ta description des choses est fine, sensible, sensuelle, truculente, subtile, autant de termes que l’on peut associer à la nourriture et aux légumes que tu aimes tant et dont tu parles si bien. Ton écriture est tout bonnement savoureuse et piquante, et relevée. Mais ne la digère pas qui veut tant elle est riche et sophistiquée.
Ton analyse de la société et de ses dérives est terriblement juste. Le dernier chapitre « retour chez Eva et Adams » en est une synthèse magnifique.
J’admire ta grande lucidité et cet inaltérable humour jubilatoire que tu manifestes dans tes écrits malgré le constat désastreux que tu dresses de l’humanité. Ta dénonciation est forte et noble mais dans ce monde, bientôt transformé en désert, je te vois un peu comme un don Quichotte vêtu d’un capet et d’un bâton, parti seul à l’assaut des montagnes de bêtises humaines et accompagné, non de Rossinante, mais d’une de ses belles vaches que tu affectionnes tant (IO te conviendrait bien). Vaste programme comme disait le grand Charles.
Mais tu auras dit ce que tu avais à dire et comme le disait Jean Jaurès : l’essentiel n’est-il pas de rechercher la vérité et de la dire…
Je crois que ce j’aime bien en toi Pierre Yves, c’est cette part que je reconnais aussi en moi.
Après avoir lu le manifeste des pissenlits, que j’ai adoré, j’ai pensé t’écrire mes impressions au travers d’un poème. Mais tu es si fécond, si prolixe, si ruisselant, si cascadant, qu’il m’est apparu impossible d’endiguer le flot de ta pensée et de tes réflexions dans un seul poème. Un barrage n’y suffirait pas !
N’empêche qu’à l’instar du lumineux pissenlit, tu rayonnes sous tes capitules argentés et sèmes à tout vent tes akènes « ladoriens » dans les champs de l’esprit et de la conscience universelle.
Alors voilà « mon chou » (là on est carrément dans le Don quichochotte 😉 cette petite lettre qui, je l’espère, te trouvera en meilleure forme.
Avec toute mon amitié et mon affection.
Catherine
© Catherine Gaillard-Sarron 25.1.11
Chamblon le 2 décembre 2010
Quoi de plus beau pour un écrivain que de savoir que son histoire a tenu en haleine le lecteur.
Chère Madame Eringuez,
Avec plus de retard que je ne l’aurais souhaité, je viens, par cette lettre, vous dire tout le bien que j’ai pensé de votre roman « Le royaume interdit ».
C’est ma sœur Évelyne, amie de Mylène, qui m’a prêté vos 3 romans.
Occupée à la sortie de mon 2e recueil de nouvelles « Des taureaux et des femmes » je n’ai malheureusement pas eu le temps de lire les deux autres livres.
J’ai attendu, croyant pouvoir le faire et vous donner ainsi mon avis sur les trois en même temps, mais je n’y suis pas parvenue. Je préfère donc ne pas vous faire attendre plus longtemps et partager dès à présent mes impressions avec vous sur votre livre « Le royaume interdit ».
J’ai commencé votre roman dans la voiture lors de notre retour en Suisse depuis Mireval. Et je ne l’ai lâché qu’à l’arrivée à Chamblon où nous habitons. Mais je ne l’avais pas fini. C’est pourtant le soir même, après avoir rangé les affaires du voyage, que j’ai repris la lecture de votre livre et que je l’ai terminé. Mon impatience vous indique déjà à quel point je l’ai trouvé passionnant.
En dépit du voyage et de la fatigue, j’avais envie de connaître la fin.
Quoi de plus beau pour un écrivain que de savoir que son histoire a tenu en haleine le lecteur ?
J’ai aimé le personnage de Solenna que j’ai trouvé résolument moderne et même féministe avant l’heure dans ses désirs d’autonomie et d’indépendance. Bien aimé aussi Davy dont on perçoit bien la force et l’amour qu’il voue à Solenna. Ainsi que le notaire Yves, fin connaisseur de l’âme féminine et qui la tire de son long sommeil.
Tout est bien observé, les sentiments bien décrits. C’est une belle histoire d’amour, forte, intense, jamais mièvre, avec des personnages attachants et humains.
L’intrigue est intéressante et son développement bien amené. Il y a du suspense et des rebondissements. L’histoire n’est pas ennuyeuse. On la suit avec plaisir et au fil des pages on s’attache au personnage de Solenna et à ceux qu’elle côtoie.
La vie passe dans vos pages, l’émotion également. Votre pouvoir d’évocation est réel. Le caractère et la psychologie des protagonistes sont bien cernés, en adéquation avec les personnages et les situations. Le personnage principal est crédible, les autres aussi.
Votre style et plaisant, fluide et j’y ai relevé de belles descriptions poétiques, de belles réflexions sur la vie, pertinentes et justes. L’écriture est agréable, sensible. Vous avez un vrai talent pour raconter. J’ai pris un grand plaisir à la lecture de votre roman.
Cela dit, il est bien difficile de dire au fond ce qui nous touche ou pas dans une histoire. Tout à coup quelque chose résonne en nous et nous ouvre des espaces inconnus. C’est une alchimie qui se fait entre le romancier et le lecteur. Ils sont en phase ou ne le sont pas. Et quand la magie fonctionne, c’est un peu comme une grâce. Cela se ressent et c’est inexplicable.
Lire une belle histoire, comme lire un beau poème, c’est un peu toucher du doigt l’esprit d’un autre, entrer dans son sanctuaire privé, son intimité intérieure. C’est un dévoilement.
J’espère que mon avis vous convaincra que votre roman est un bon roman et que vous avez du talent.
Voyez, je n’ai même pas de critiques négatives à vous faire. Et j’en suis vraiment heureuse car, croyez-moi, je n’aime pas du tout la complaisance. Je me réjouis de lire les suivants. Et dès que je l’aurai fait je vous dirai, si vous le souhaitez, ce que j’ai ressenti.
Chère Madame Eringuez que je ne connais pas, mais que je découvre un peu à travers votre roman, je vous remercie de ce beau moment de lecture en compagnie de votre attachante et courageuse héroïne et je vous souhaite de conserver longtemps encore votre si belle imagination.
Et qui sait, peut-être aurons-nous un jour l’occasion de nous rencontrer…
Bien à vous chère consœur en écriture.
PS : J’espère que vous me pardonnerez de ne pas avoir écrit à la main, mais j’ai eu bien trop peur que vous ne puissiez me lire. On me reproche d’être illisible et je dois bien avouer que, parfois, je n’arrive même pas à me relire moi-même 🙂
Il faudrait essayer de faire publier votre roman. Et je suis sûre qu’il ferait un très bon film.
© Catherine Gaillard-Sarron 2.12.10
Chamblon le 12 mai 2010
Je t’écris tendre mère pour transcender la mort, pour qu’à jamais ton nom demeure en mes pensées. Et pour te remercier de ce legs d’amour qui éclaire à jamais mon âme et mon chemin…
À ma tendre mère,
Tu n’es plus tendre mère, me voilà orpheline, de ta présence et de ton cœur. Ton départ, si souvent redouté, est advenu. Désormais coupée de toi, de la terre qui m’a vue naître, je suis à la dérive et je navigue à vue.
Je t’aimais, comme on aime une mère, avec le cœur, avec le corps. Je t’aimais simplement, totalement, avec mes gestes et mes regards, mes petits mots et mes poèmes. Je t’aimais avec mes lettres et mes dessins, mes histoires et mes chansons. Je t’aimais comme tu m’aimais. Avec tendresse et discrétion, avec mes plats et mes gâteaux. Je t’aimais avec tout ce qui ne peut se dire, avec mes rires et mes sourires, mes peines et mes bonheurs. Je t’aimais avec mes prières, avec mes rêves et mes secrets. Je t’aimais…
Tu n’es plus petite mère. Toi qui m’as aimée la première. Toi qui m’as ouvert les bras. Toi, lien premier et fondamental qui m’as reliée au monde et aux autres. Toi qui m’as enseigné que l’amour est lumière et m’as appris à aimer.
Je ne verrai plus ton doux visage, ton sourire si tendre. Je n’entendrai plus ta voix, tes silences. Je ne t’embrasserai plus, ne te serrerai plus dans mes bras. Je ne pourrai plus t’aimer, plus te nommer : maman.
Je suis orpheline… Mais je t’aime encore, maman, et c’est dans cet amour que j’ai nourri pour toi que se trouve aujourd’hui la source de ma joie. T’aimer tendre mère m’a permis chaque jour de me laisser aimer et d’aimer en retour. Car l’amour est un don qui s’offre et se reçoit. Il passe à travers nous sans nous appartenir, mais il nous appartient de le faire circuler. Car ainsi qu’une roue génère une énergie, l’amour produit l’amour qui éclaire le monde.
L’amour est mouvement et l’amour est lumière et au travers de toi, qui m’as portée, aimante, l’amour a traversé, telle une étoile filante, laissant à tout jamais sa trace dans mon âme …
© Catherine Gaillard-Sarron 12.5.10
Chamblon le 30 avril 2010
Et quand viendra la mort m’obligeant à me taire, il restera ces mots, reliques de papier, pour dire ce grand amour que j’aurai eu pour toi.
Mon amour,
En poèmes et en mots, en gestes et en sourires, je l’ai déjà tant dit l’amour que j’ai pour toi. Mais il croît tous les jours, comment en faire le tour ?
Il est pareil à l’arbre qui forcit lentement, comparable à la source qui ne tarit jamais, et cet amour fontaine qui ruisselle en mon cœur provient de cet amour que sans fin tu me donnes. Comme un cercle amoureux, il tourne sur lui-même, alimentant l’amour par l’amour qu’il génère. Je l’ai déjà tant dit, mais j’en ai tant besoin. Comme si le répéter pouvait l’intensifier. Comme si en témoigner l’élargissait encore.
Je t’aime mon mari, bien au-delà des mots. Je t’aime avec mon cœur, je t’aime avec mon âme. Je t’aime avec en moi ce qu’il y a de plus pur. Avec cette partie qui peut toucher le ciel et que pour te garder si souvent j’ai prié. Car je l’ai tant prié cet Être de Lumière, espérant que l’amour qu’Il accorde à chacun, guérirait ton cancer épargnant notre amour.
Je t’aime simplement et plus qu’au premier jour. Tant de choses entre nous. Tant de complicité. Et puis nos trois enfants, nos familles respectives : cette énergie de vie qui nous pousse en avant. Il y eut des chagrins et beaucoup de tristesse, mais il y eut des joies et tant de souvenirs. Voilà plus de trente ans qu’ensemble nous allons, emplis de cet amour qui éclaire nos vies. Trente ans que côte à côte nous nous serrons les coudes, marchant main dans la main, les yeux sur l’horizon. Trente ans que cœur à cœur nous aimons et donnons à l’autre cet amour qui le maintient en vie.
Et je l’entends vibrer, la musique inaudible, oui je l’entends jouer tout au fond de mon âme, cette valse éternelle qui depuis trente années fait tourner notre histoire et nos deux cœurs avec.
Et quand je pense à nous et à notre existence, comme un accordéon qui déplie ses soufflets, se déploie dans ma tête le chemin parcouru, et ces milliers d’instants emplis de ta présence qui se fondent et s’intriquent au fond de ma mémoire, comme un accordéon qui replie ses soufflets, forment une unique image où tu es tout entier. Et je l’entends vibrer, la musique inaudible, oui je l’entends jouer tout au fond de mon âme, cette valse éternelle qui depuis trente années fait tourner notre histoire et nos deux cœurs avec.
Merci pour cet amour qui m’ouvre et m’embellit, cette indicible grâce, substance de ma vie, qui sans fin me nourrit et repousse la mort. Merci pour ta tendresse et ta sollicitude qui font de mes journées des îles de douceur. Merci pour cet amour, ce merveilleux amour : celui que je t’inspire, celui que tu m’inspires. Ce passionnant voyage qui plus loin chaque jour, m’amène à découvrir tes terres inconnues. Cette belle aventure dont je suis l’héroïne, où grâce à ton amour j’ai appris à m’aimer, redonnant en retour le meilleur de moi-même. Merci pour cet amour qui fait danser ma vie et t’entraîne avec moi dans sa ronde éternelle ; ce cercle vertueux qui engendre l’amour et rapproche les êtres de l’Amour Absolu : cette révélation qui éclairant mon âme la guide par l’amour vers la Lumière du monde.
Je t’aime mon mari. Je l’ai déjà tant dit. Mais tant que je vivrai, je le dirai encore. Et quand viendra la mort m’obligeant à me taire, il restera ces mots, reliques de papier, pour dire ce grand amour que j’aurai eu pour toi.
Joyeux anniversaire à toi qui m’es si cher et à l’amour solaire qui rayonne en nos cœurs…
© Catherine Gaillard-Sarron 30.4.10
Chamblon 10 février 2010
Ce que je veux dire, c’est qu’il est difficile et prétentieux de qualifier ou de donner un avis sur des poèmes. Le poème est un concentré d’émotions, l’écume de l’âme…
Cher Mathieu,
Merci pour ton message dans mon livre d’or. C’est vraiment un beau compliment. Ta sincérité me touche beaucoup.
La poésie est quelque chose de si personnel. Une vision particulière du monde à travers un regard particulier, unique, celui du poète. Un être capable de percevoir l’invisible, de le sentir et de le traduire avec des mots, images ou métaphores qui n’appartiennent qu’à lui. Un être capable de recevoir et de ressentir l’énergie et la beauté de la nature et de la faire résonner grâce à ses allitérations, rimes et autres consonances. Le poète est un intermédiaire entre le visible et l’invisible, un passeur entre la beauté et l’âme, un interprète de la nature.
On pourrait ainsi aligner sans fin les images car ces images, justement, sont la langue qu’utilise le poète pour exprimer son ressenti face à la beauté et la laideur du monde.
Ce que je veux dire, c’est qu’il est difficile et prétentieux de qualifier ou de donner un avis sur des poèmes. Le poème est un concentré d’émotions, l’écume de l’âme… Il nous est offert comme un cadeau. Et il est presque impossible d’expliquer à sa lecture ce qui nous touche ou pas. Tout à coup il résonne en nous et nous ouvre des espaces inconnus. C’est une alchimie qui se fait entre le poète et le lecteur. Ils sont en phase ou ne le sont pas. Et quand la magie fonctionne, c’est un peu comme une grâce. Cela se ressent et c’est inexplicable. Lire un poème c’est toucher du doigt l’esprit d’un autre, entrer dans son sanctuaire privé, son intimité intérieure. Un poème est un dévoilement.
J’ai lu tes poèmes et je les trouve beaux. Ce qu’ils disent me touche, me parle. Ils sont emplis de sensibilité, d’amour et émettent une musique à laquelle je vibre.
Étrangement, je crois que l’essentiel d’un poème est plus dans ce qui n’est pas dit que dans ce qui est dit. C’est là tout le mystère d’un poème : il contient l’essence même de l’être. Et cet être lui-même n’a pas toujours conscience de la part qu’il dévoile.
En ce sens, quel qu’il soit, le poème est beau, et pur, et authentique, car il est l’empreinte d’une âme en recherche d’elle-même. Le poète écrit pour se découvrir et découvrir le monde, visible et invisible.
Si tu le désires, je peux te donner des adresses pour des concours de poésie. Un de tes poèmes, justement, conviendrait pour un concours littéraire sur les sentiments. Le délai est fixé au 30 avril 2010. Si cela t’intéresse je peux t’envoyer le règlement.
Je suis heureuse que tu n’aies pas eu de séquelles à ton pied.
En dehors de la poésie, dans laquelle je t’encourage à persévérer, que fais-tu dans la vie ?
Tes cousins, Alexandre et Stéphanie ont eu 28 ans le 10.11. Alex est ingénieur diplômé logiciel et travaille en tant que programmeur dans une entreprise de Lausanne. Stef est ingénieure diplômée en gestion des médias interactifs mais travaille aussi en qualité de programmeur à Crissier. David, 25 ans cette année, est administrateur réseaux dans une société financière à Neuchâtel.
Tous les 3 ont un appart, sont encore célibataires et habitent à Yverdon. Nous nous voyons régulièrement et nous entendons très bien.
Pour mon projet d’écriture concernant ma maman, une histoire existe déjà. Elle s’intitule la Mimi héroïque. Cette grande nouvelle sortira cette année dans mon prochain recueil de nouvelles. Je ne sais pas encore si ce titre sera conservé.
Mais j’ai tant de choses à dire encore sur elle, que cela ne suffira pas à me satisfaire. Donc c’est avec joie que j’accepte ton aide pour recueillir des souvenirs auprès de ta maman et de ta mamie pour rédiger ce qui deviendra peut-être un livre. Quant à Victor Hugo, je l’apprécie beaucoup. « La fonction du poète » est un texte magnifique dans lequel je me reconnais totalement.
L’idéal serait que nous puissions nous voir, toi, Catherine et Jacqueline pour en parler. C’est avec plaisir que Claude et moi vous recevrons à Chamblon si vous le souhaitez. Et puis, trop de temps a déjà passé. Ne laissons pas se perdre les souvenirs et les occasions de les ranimer.
Dans l’attente de te lire, je te fais de grosses bises et te charge d’en faire autant à Catherine et Jacqueline.
PS : J’ai mis ce message en copie pour Catherine.
À bientôt.
Bonne nuit.
Cathy
© Catherine Gaillard-Sarron 10.02.2010
Chamblon 11 janvier 2009
Cela pour te dire que la vie est pareil au temps. Un jour il fait beau et un autre il y a du brouillard. Un affreux brouillard qui nous enveloppe de sa tristesse et de sa grisaille. Un brouillard dans lequel nous nous perdons et qui nous pousse à chercher la lumière. Celle qui est au fond de nous et qui nous éclaire en dépit des perturbations de la vie.
Cher J…..,
Depuis plus d’un mois Chamblon est dans le brouillard. Un affreux brouillard épais qui nous écrase de sa grisaille et de son poids. Le brouillard est ce que j’aime le moins. Il fait froid et on ne distingue rien à 2 mètres. Tout semble éteint, sans vie et triste. Mais il a fait beau le premier de l’an. Une éclaircie magnifique. La mamie était avec nous et on a déjeuné sur la véranda. De la neige et du ciel bleu. Tout était si clair et resplendissant. Un vrai miracle. On croyait que cela allait durer… tout comme on avait cru que le brouillard ne durerait pas.
Mais le soleil est parti et le brouillard est revenu. Alors nous sommes allés chercher le soleil tout en haut, là où il daignait briller : à Bullet.
Tout cela pour te dire que la vie est pareil au temps. Un jour il fait beau et un autre il y a du brouillard. Un affreux brouillard qui nous enveloppe de sa tristesse et de sa grisaille. Un brouillard dans lequel nous nous perdons et qui nous pousse à chercher la lumière. Celle qui est au fond de nous et qui nous éclaire en dépit des perturbations de la vie. Mais le soleil revient toujours, il n’est jamais très loin. Et plus le brouillard est épais plus le soleil est proche.
Claude et moi avons erré souvent dans le brouillard pendant sa maladie. Nous nous y sommes perdus et nous avons eu peur de ne jamais revoir le soleil. Mais nous aimons tellement le soleil que nous avons décidé de nous mettre à sa recherche et nous avons commencé notre ascension vers lui. Tout n’a pas été facile et nous avons connu des moments de découragement et des angoisses terribles mais nous l’avons retrouvé. Et même s’il ne brille pas autant que nous le souhaiterions parfois, nous apprécions sa chaleur et sa rayonnante lumière chaque jour que nous vivons.
Chaque jour est un jour nouveau et la vie, comme le temps, sont faits de perturbations, de dérèglements et de bouleversements, climatiques ou affectifs. Mais la vie, à l’instar du temps, est en mouvement permanent et comme revient toujours le soleil après la pluie, l’insouciance et la joie reviendront dans ta vie, l’éclairant même quand le soleil se couchera.
Garde courage J….., je sais que cela doit être très difficile d’accepter cette maladie, mais il te faut chasser, autant que tu peux, tes angoisses face à elle afin de te constituer des forces pour la combattre. Il faut essayer de mobiliser une énergie puisée dans ta capacité à créer, car créer c’est apporter de la lumière au monde, c’est l’essence même de la vie, et c’est avec la lumière qu’on lutte contre les ténèbres.
J’ai expérimenté, face à la maladie, le pouvoir de la création, quelle qu’elle soit. La maladie n’est-ce pas aussi le mal qu’on a à la dire ? Le mal à dire…
Pour évacuer les émotions ressenties face au cancer qui a atteint Claude, j’ai écrit un livre « Tremblement de cœur » qui dit, à travers une centaine de poèmes, les émotions nées de ce grand séisme. Ce travail nous a aidés tous les deux car ce qui arrivait à Claude m’atteignait de plein fouet. Claude n’est pas guéri de son cancer (Myélome multiple) car son cancer est incurable mais il vit avec et il vit bien. Il a toujours gardé l’espoir et c’est dans la passion de la course qu’il a trouvé les forces nécessaires pour lutter contre sa maladie. Il va même faire le marathon de Paris avec Stéphanie le 4 avril prochain. Il prend les médicaments prescrits et fait confiance aux médecins qui le soignent. Il ne se fait pas plus de souci que ça. Peut-être est-ce la bonne attitude. Relativiser et se dire que c’est une maladie comme les autres (2 voire 3 personnes sur 5 en sont actuellement atteintes) et que c’est une chance de vivre dans des pays où ces maladies peuvent être soignées et guéries.
Si tu parvenais à évacuer ce que tu ressens par l’écriture ou par la peinture par exemple, puisque c’est un de tes modes d’expression, je pense que cela serait aidant.
Je sais que tu ne tenais pas à ce que ta maladie soit connue de tous, je n’ai moi-même appris ce qui te touche que la semaine dernière et j’en ai été bouleversée, mais en parler c’est déjà faire un pas vers la guérison. Tu n’as pas choisi ce qui t’arrive et tu n’as pas à en avoir honte J…… Parler de ce qui t’arrive, de tes angoisses et de tes peurs est normal, libérateur et salvateur. Il faut évacuer tout cela pour pouvoir recharger tes batteries avec une énergie nourrie de ta force créatrice et de l’amour de ceux qui t’entourent et désirent te soutenir.
N’oublie pas, la pluie tombe, des orages éclatent et des nuages voilent les cieux, mais le vent chasse les nuages et le soleil revient toujours après la pluie, tout comme l’énergie de l’amour chasse le malheur et éclaire la vie de sa lumière.
Tu es un artiste J….., je le sens, un jour tu feras quelque chose de ce qui t’arrive aujourd’hui car la maladie fait grandir et mûrir.
J’espère que tu ne m’en voudras pas de te parler ainsi mais je sens que quelqu’un doit, non pas entrer, mais forcer cette porte que tu tiens fermée par la colère et les peurs. Tu ne dois pas porter seul le poids de ce qui t’arrive. C’est dans la force de la pensée partagée que s’adoucit toute douleur. Comprends l’amour et la peur de ceux qui t’entourent et utilise-les pour avancer.
Parler simple et vrai, J….., et oser nommer, avec des mots ou par n’importe quel acte créateur ce que l’on ressent et nous fait peur, est une arme pour faire face à l’inacceptable. Car comprendre et dire ce que l’on éprouve, c’est se libérer et aller vers la guérison de l’âme et du corps.
Si tu veux lire Tremblement de cœur, je te le prête volontiers. J’ai également des livres de science-fiction si tu veux fuir un peu cette réalité et voyager dans des mondes autres que celui-là.
Je suis à ta disposition si tu veux parler avec moi de ce qui t’arrive ou si tu veux correspondre par lettre. Peut-être est-ce plus facile pour toi de parler de toutes ces choses avec quelqu’un extérieur à ta propre famille.
Je pense beaucoup à toi et je t’aime très fort J……
Cathy
© Catherine Gaillard-Sarron 11.01.09
Chamblon 13 janvier 2007
Et n’oublie pas, tourne la clé quand tu seras triste, et tous ces beaux et forts moments te reviendront en mémoire et chasseront la peine.
Très chère Stéphanie,
Bravo pour ce beau diplôme que tu viens de décrocher, couronnement mérité après tant d’années passées à étudier avec courage et persévérance.
Nous sommes très fiers de toi qui a fait ce choix difficile et a su maintenir le cap en dépit de toutes les épreuves qui ont jalonné ta route.
Pour concrétiser ce beau jour, reçois ce petit cadeau qui, nous l’espérons, t’accompagnera tout au long de ton existence. Qu’il te rappelle, dans les moments d’abattement, tous les efforts que tu as faits pour atteindre ton objectif, et que sa petite musique t’aide, quand tu seras triste, à faire tourner ta vie.
Nous te souhaitons du bonheur à la pelle et le succès dans ta vie professionnelle et personnelle. Et n’oublie pas, tourne la clé quand tu seras triste, et tous ces beaux et forts moments reviendront à ta mémoire et chasseront ta peine.
Nous t’aimons très fort.
Gros bisous.
© Catherine Gaillard-Sarron 13.1.07
La chambre vide…
Dans cette chambre vide où résonnent mes pas,
Cet antre où désormais tu ne dormiras plus,
Les souvenirs m’assaillent et m’étreignent le cœur,
Une deuxième fois le cordon est coupé
Rompant le lien physique qui m’unissait à toi.
Tu as pris ton envol et je ne peux te suivre,
Dans cette chambre vide où tu ne seras plus,
Je mesure soudain tout ce que tu emportes.
Tu pars et c’est normal et pourtant je me trouble
Car plus que tes affaires, tu emmènes la vie,
Celle que je t’ai donnée, celle que tu apportais.
Tu pars et tu emportes tout cela avec toi,
Et dans ta chambre vide, moi qui me croyais forte,
Je me sens vide aussi et je pleure en silence.
Je n’imaginais pas une telle émotion,
Moi qui me réjouissais de retrouver du temps,
Mais devant cette chambre où tu ne vivras plus
Soudain je prends conscience qu’une page se tourne.
Oh ma petite fille comme tu as grandi,
Aujourd’hui tu t’en vas et je me sens exsangue,
Vidée d’une présence qui emplissait ma vie.
Il fallait ton départ pour que je le mesure,
Ce lien indéfectible qui me relie à toi,
Il fallait ton départ pour que je la ressente,
La cuisante blessure de la séparation.
Mais le temps est venu de faire ton nid ailleurs
Et malgré ma détresse devant ta chambre vide,
Va ma petite fille vers la vie qui t’attend,
Car au-delà des larmes qui bordent ton départ
Mon cœur est plein de joie devant ta réussite.
Merci ma fille aimée pour toutes ces années,
Pour les petites joies et pour les grands chagrins,
Pour l’amour partagé et la complicité,
Pour la belle confiance entre nous installée.
Devant ta chambre vide où je sèche mes larmes
Je retrouve le calme car je sais que tu m’aimes
En faisant tes bagages, tu as pris avec toi,
La part de cet amour que nul ne ravira.
© Catherine Gaillard-Sarron 17.07.07
Chamblon juin 2006
Peu de mots existent pour traduire le lien qui relie une sœur à une autre. C’est un sentiment si fort et si intense qu’il remonte probablement au ventre de la maman.
Ma très chère sœur,
Quarante ans, déjà, que j’ai l’immense privilège de t’avoir pour sœur. Quarante ans que j’ai la chance de partager tes pensées, ton affection et ton amour estimé.
Merci ma chère sœur de m’accompagner sur ce chemin où j’ai plaisir à te savoir à mes côtés. Merci de m’offrir ta présence et ton réconfort quand j’en ai besoin. C’est un cadeau si grand que de pouvoir revenir à la source de son enfance et de partager avec ses sœurs et ses frères les souvenirs communs afin de faire revivre les instants inoubliables de notre saga familiale. C’est ainsi que continuent à vivre dans notre esprit ceux qu’on aimait et qui nous ont quittés. Ces souvenirs, éternels, nous relient les uns aux autres et nous soudent aussi sûrement que du ciment. Grâce à toi, je peux, quand je le désire, faire revivre tout cela car tu me connais et tu connais tout ce dont je parle car tu l’as vécu avec moi. Ce passé nous enserre dans son intimité et rend notre relation encore plus importante surtout quand ceux que l’on aime s’en vont les uns après les autres. Ce passé devient alors une richesse inestimable qu’il nous faut préserver et cultiver pour ne pas oublier d’où nous venons et qui nous sommes.
Peu de mots existent pour traduire le lien qui relie une sœur à une autre. C’est un sentiment si fort et si intense qu’il remonte probablement au ventre de la maman. Attachées les unes aux autres pour l’éternité ! Une relation profonde, formidable, qui me nourrit et me comble. Nul besoin d’autres amies, tu es mon amie.
Je t’aime ma très chère sœur, Sylvie, Vévette… pour ta sensibilité à fleur de peau, ton courage, ton ambition, ta détermination, ton humour, et j’apprécie ta générosité de cœur, ton dévouement et ta précieuse amitié.
Peut-être s’ouvre-t-il devant nous, maintenant que nous atteignons des sommets plus élevés, des étendues de temps que nous pourrons contempler ensemble ces quarante prochaines années, car désormais affranchies de nombre d’exigences et de contraintes, nous pourrons, enfin libres, jouir de cet espace à notre guise et nous redonner le droit de découvrir et de cultiver cette relation si particulière qui nous unit.
Merci de cette merveilleuse attention de nous rapprocher dans cette intimité féminine et chaleureuse… à ton image !
Ta grande (pas si sûr) sœur !
Cathy
© Catherine Gaillard-Sarron 6.06
Chamblon 22 octobre 2004
La poésie est cette force rassurante qui te permet de rester toi-même au milieu d’un monde aléatoire et changeant : elle est ton ancre ! Cette encre où tu plonges également ta plume pour laisser couler tout ce qui te traverse et que tu ne peux retenir, tout ce que tu ne peux changer. Une ancre marine qui te relie aussi au monde du rêve et de l’esprit et te permet de ne pas dériver.
Bien cher Loïc,
Déjà un mois d’écoulé depuis l’envoi de ta lettre et de tes très touchants poèmes. Ce n’est pas faute de t’avoir oublié. Chaque jour j’ai pensé à toi mais certaines circonstances m’ont contrainte à des priorités que je ne pouvais négliger. J’aurais pu, vite fait, t’envoyer un mail. C’eût été faire peu de cas de la confiance que tu m’avais accordée : je sais que tu n’apprécies pas trop ce mode de communication. Reste que le Net n’est qu’un outil, rapide et pratique : à nous d’en faire un bon usage. Surtout, je ne voulais pas bâcler ma réponse, aussi ai-je préféré avoir un temps de qualité pour le faire. Et ce temps est venu aujourd’hui.
Tout d’abord, te dire merci pour la confiance que tu me témoignes, pour cette invitation à pénétrer un peu dans ton esprit. Privilège particulier et apprécié à sa juste valeur, qui me permet de découvrir, avec pudeur, l’univers sensible et intime d’un jeune homme poète.
Je suis vraiment touchée par tes poèmes et par la beauté de leurs images, en particulier Le septième Ange où l’on découvre que le 7e Ange se prénomme Céline et que l’amour est rédempteur, pacificateur et universel.
Pour moi la poésie est avant tout un ensemble de mots, de rythmes, de sons, d’images qui, associés par la grâce de la sensibilité du poète, permettent de faire percevoir aux autres le monde qu’ils ne prennent pas la peine de voir. Le poète fait entrevoir l’invisible, le monde de l’intuition – il est une passerelle entre le visible et l’invisible – il permet au lecteur non seulement d’accéder à ces dimensions sensibles mais d’accéder également à son propre monde intérieur. Le poète est un médium, un passeur, il ressent et transmet, à travers sa propre histoire, celle du monde.
J’aime tes paysages intérieurs, pleins de sagesse, de délicatesse et d’espérance, ne t’en déplaise.
Le septième Ange est empli de tout cela. Un poème réussi, pour moi, est un poème dont les mots résonnent au-delà de notre conscience et que, par la magie de tout ce qu’il contient, mots, images, émotions, etc., il poursuive son chemin dans notre inconscient pour y vivre un moment y laissant une trace que nous ne sommes pas toujours capables d’analyser ou de repérer. Pour moi, être touchée participe un peu de ce processus. C’est un peu comme une grâce : elle ne s’explique pas, elle se reçoit avec gratitude et simplicité.
J’ai reçu ton poème comme une grâce, plein d’un amour qui rejaillit un peu sur moi.
Concernant le poème de la plume, je suis comme toi, j’aurais de la peine à lui donner un nom qui le définisse parfaitement. J’éprouve à sa lecture des émotions diverses. J’en apprécie la douceur, la nostalgie, l’angoisse mais aussi l’espoir face à la vie et à l’avenir.
Inconsciemment, la plume représente peut-être la connaissance de ce dont tu as besoin : la poésie. Elle est cette force rassurante qui te permet de rester toi-même au milieu d’un monde aléatoire et changeant : elle est ton ancre ! Cette encre où tu plonges également ta plume pour laisser couler tout ce qui te traverse et que tu ne peux retenir, tout ce que tu ne peux changer. Une ancre marine qui te relie aussi au monde du rêve et de l’esprit et te permet de ne pas dériver.
Tu vois, là encore ton poème emporte bien au-delà du conscient. Il nous parle sans que l’on mesure encore vraiment tout ce qu’il implique, d’où peut-être, la difficulté à lui donner un nom.
J’aime aussi beaucoup ta façon d’amener l’espoir à travers le chemin que tu dessines à la fin du poème où les feuilles de tes vergers se posent sur l’océan de ton monde. C’est très beau, très imagé. Tu as la capacité d’entraîner le lecteur dans ton monde particulier. Je ne trouve pas que tes poèmes soient représentatifs d’un mal de vivre, en tout cas ce dernier est assumé car, à chaque fois, on y dénote une note d’espoir au final.
À lui… est peut-être celui que je trouverais le plus triste. L’espoir en est absent et la souffrance vive. Mais un départ n’est pas une fin… C’est un commencement vers autre chose… pour vous deux.
Cher Loïc, voilà ce que je tenais à te dire. Je ne suis pas critique de poésie, j’ai juste écouté mon cœur et laissé parler mon ressenti face à la musique de tes mots.
J’espère que tu vas continuer à écrire et que, de temps en temps, tu me feras encore partager ton travail.
Si tu le souhaites, je peux te faire parvenir des règlements de concours de poésie. Je suis sûre que tu as tes chances.
Je te laisse à ton inspiration et t’embrasse également très sincèrement.
Ta tante Cathy
PS : mes meilleurs messages à ta maman.
Pardonne-moi de t’écrire à l’ordi mais j’ai peur que tu ne perdes un temps fou à me lire. Là au moins c’est lisible ! Si cela te déplaît, pas de problèmes, nous travaillerons sans filet la prochaine fois.
Pour toi, une pensée en forme d’acrostiche :
Le vol d’un papillon ne le laisse pas indifférent
Ouvert aux frémissements du monde
I l en perçoit la poésie
Capturant dans ses mots, le parfum de la vie.
Cathy
© Catherine Gaillard-Sarron 22.10.2004
Chamblon juillet 2003
Rebondis sur mon histoire, ne l’oublie pas, ne l’occulte pas, pour ne pas avoir à la revivre.
Mon très cher David,
Je le sais, David, je le sens : tu fumes ! Non, ne t’insurge pas, je ne te juge pas…
Moi aussi, un jour, j’ai fumé, mais le combat pour en sortir, le combat pour y renoncer a été si long, si difficile que j’aimerais, par amour de toi, t’éviter ce chemin de souffrance.
Dix-neuf ans de fumée pour moi, vingt-sept pour ton papa, et tant et tant d’années pour tes oncles et tes tantes. Et tant et tant d’énergie perdue, d’abattement, de dégoût ressenti pour ces milliers et ces milliers de cigarettes qui emportaient la vie, intoxiquaient nos poumons, nos cellules, empoisonnaient notre air, votre air !
Tant d’acharnement à essayer de s’arrêter ! Tant de détresse à ne pas y arriver !
Et ce sentiment terrible d’impuissance, d’aliénation de soi-même, d’incapacité à se contrôler, prisonnier d’une substance qu’un jour, par défi, on a fait entrer dans sa vie, inconscient que dès lors, piégé par la dépendance, c’est elle qui mènerait la danse.
David, si les mots pouvaient être libérateurs, leur pouvoir te libérerait, mais ce ne sont que mes mots sur mon expérience à moi. Toi seul, véritablement, peux t’aider. Toi seul détiens la force et le pouvoir qui sauront te libérer.
Rebondis sur mon histoire, ne l’oublie pas, ne l’occulte pas, pour ne pas avoir à la revivre.
J’aurais voulu que mon amour, puisque mes mots y sont impuissants, te protège de tout, comme un bouclier anti-problèmes, mais tu ne m’appartiens pas. Ta vie est à toi, entre tes mains et même si cela était possible de te protéger de tout, ce ne serait ni utile, ni raisonnable, ni souhaitable. Je ne peux que t’aider à y réfléchir, à exercer ton sens critique et à en mesurer le prix. A toi d’y donner véritablement le prix qu’il te semble juste qu’elle ait. À toi d’aller vers ton avenir, avec notre soutien et notre amour, mais seul, libre et responsable de tes actes.
Tu vois, cet acte qui aujourd’hui te semble anodin, prestigieux, libérateur, « adulte » marquera de son poids qui deviendra toujours plus lourd, peut-être de nombreuses années de ta vie. En prendre pour vingt ou plus, cela en vaut-il la peine ?
Cherche ailleurs le plaisir de vivre ! Aies confiance en toi et ton estime de toi suivra, et alors, j’en suis sûre, tu seras libre ! Car la vraie liberté n’est pas d’entrer en concurrence, en rivalité ou dans une quelconque dépendance, mais c’est être assez fort et assez indépendant pour résister à toutes les dépendances, quelles qu’elles soient. C’est se confronter à la frustration, se confronter à ses angoisses, s’exposer aux difficultés sans les fuir, c‘est les vivre courageusement pour mieux les terrasser et les dépasser.
Parce que je t’aime de tout mon cœur de mère, je ne veux pas baisser les bras, mais t’entourer de leur force. Et je veux par cette lettre te prévenir, et peut-être te prémunir par mon amour, d’une habitude dont tu ne connais pas encore le prix.
Tu es fort David, je le sens, je le sais. Il n’est pas vraiment nécessaire de prouver par ces marques extérieures conformistes que tu existes pour avoir droit à une place dans ce monde.
Deviens ce que tu es David et ne te perds pas dans les désirs ou les exigences des autres. Les signes extérieurs de la plupart des gens, que l’on dit à tort d’indépendance, sont en réalité le signe évident de leur incapacité à aller vers la liberté intérieure.
Prouve mon fils que tu es libre et que nul ne peut te mettre sous dépendance, exception faite de l’amour de la femme que je te souhaite de rencontrer.
Ta maman qui t’aime si fort.
© Catherine Gaillard-Sarron 7/2003
Chamblon juillet 1999
Mon enfant, mon grand, mon petit,
Mon grand, mon enfant, mon petit,
Te voilà bientôt hors du nid,
Déjà tu agites tes ailes
Et aux autres souvent tu te mêles.
Submergé de sensations nouvelles,
Tu t’affirmes et tu cherches querelle,
Hésitant, indécis, désorienté,
À la recherche de ton identité.
Embarrassé par ce corps qui grandit
Tu t’inquiètes, parfois même tu te fuis
Et dans ton regard au fond si clair
De l’angoisse je peux saisir l’éclair.
Mon petit, mon enfant, mon grand,
À jamais, je reste ta maman,
À te veiller, te chérir, t’aimer,
À l’ombre de ton indépendance,
Attentive à toutes tes souffrances,
Présente et fidèle pour l’éternité.
Et quand résonnent tes éclats de rire,
Perles à la beauté incomparable,
Instantanément dans mes souvenirs,
Comme un trésor inaltérable,
Resurgissent tous ces instants
Où tu étais mon petit enfant !
© Catherine Gaillard-Sarron 7.1999