Écrire, c’est lire en soi pour écrire en l’autre.
Robert Sabatier
La poésie est le miroir brouillé de notre société.
Et chaque poète souffle sur ce miroir : son haleine différemment l’embue.
Louis Aragon
Slam, slam, slam !
Un rythme qui enflamme
Des poètes qui s’ex-slament
Qui clament ce qui va mal
Qui slament leur vague à l’âme,
Qui le vers musical
Dans les rues dans les trams
Leur poésie déclament
Sans souci du scandale !
Un recueil à paraître prochainement composé de poèmes à slamer.
Belle lecture
- Ex-Slamation
- Mots balises
- Semblable
- Mots fuyants
- Le prix du sang
- Le grand magasin
- La brute, l'ivrogne et sa femme
- Attente
- Casino
- La chambre vide
- À l'écoute du monde
- "Ac-corps" perdu
- Il n'y a que l'amour
Ex-Slamation
Slam, slam, slam !
Un rythme qui enflamme
Des poètes qui s’ex-slament
Qui clament ce qui va mal
Qui slament leur vague à l’âme,
Qui le vers musical
Dans les rues dans les trams
Leur poésie déclament
Sans souci du scandale !
Slam, slam, slam !
Et leurs mots qui cavalent
Qui claquent et qu’ils avalent
Qu’ils tirent en rafales
Qui déferlent par lames !
Leurs mots comme des balles
Qui sifflent dans les salles
Leurs mots contre les armes
Tranchants comme des lames!
Slam, slam, slam !
Des poètes qui s’ex-slament
Qui déclarent leur flamme
Qu’on aime ou qu’on diffame
Qui slament ce qui se trame !
Des aèdes hommes ou femmes
Qui s’indignent et s’exclament
Qui dérangent et nous charment
Qui sans fin nous désarment !
Slam, slam, slam !
Des êtres qui réclament
Déclenchent des alarmes
Des êtres qu’on remballe
Que rebelles on proclame !
Des gens tout feu tout flamme
Qui sur le macadam
En dépit du ramdam
Déploient leurs m-oriflammes !
Slam, slam, slam !
Des phrases qui enflamment
Les esprits et les âmes
Qui sans souci étalent
Magouilles et cabales !
Des mots comme des blâmes
Quand la colère entame
Des mots comme des rames
Pour échapper aux drames !
Slam, slam, slam !
Des rimes qui nous parlent
Qui les abus déballent
Des rimes qui font mal
Qui font monter les larmes !
Des refrains qui brimbalent
Qui la conscience installe
Qui stimulent ou qui calment
Notre cœur ou notre âme !
Slam, slam, slam !
Des poètes qui s’ex-slament
Des poètes qui s’enflamment
Qui manient le sarcasme
L’ironie, le fantasme
Des poètes hommes ou femmes
Qui dénoncent le mal
Qui clament leur vague à l’âme
Qui slament et qu’on acclame !
Slam, slam, slam !
Quelques vers de cristal
Dans un monde immoral
Pour que dans l’idéal
La justice prévale
Quelques vers en cavale
Pour dénoncer l’infâme
Et arrêter ce bal
Où racole le mal.
© Catherine Gaillard-Sarron 10.6.15
Mots balises
Des mots comme des outils,
des mots comme des ferments,
pour bien forger le monde
et faire lever l’esprit.
Des mots comme une matière,
autonome et vivante,
pour incarner l’idée
et créer la pensée.
Des mots à repenser
quand le sens est trahi.
Des mots à inventer
pour retrouver du sens.
Des mots comme des bagages,
des mots comme des balises,
pour ne pas oublier
et éclairer le monde.
Des mots comme un espoir,
des mots comme un salut,
pour pouvoir exprimer
et toujours exercer
l’immense liberté
que celle de penser !
Catherine Gaillard-Sarron 21.02.05
Semblable
Qui es-tu ?
Toi qui me regardes et me blâmes ?
Qui es-tu pour m’adresser des reproches sur ma couleur,
Mon sexe, ma culture ou ma religion ?
Qui es-tu pour m’évaluer ?
Pour m’imposer tes règles,
Me soumettre à tes lois,
Pour décider de mon sort et de ma vie ?
Qui es-tu pour me juger ?
Toi… qui me ressembles,
Toi… qui es semblable à moi,
Toi qui es le reflet de ce que je suis,
Et portes en toi ce que je porte !
Qui es-tu pour me condamner ?
Toi qui es fait de la même chair que moi !
Qui aimes et souffres comme moi !
Qui viens et retournes au monde de la même manière que moi !
Qui es-tu pour me rejeter et me chasser ?
Qui es-tu pour t’arroger le droit de me tuer ?
Toi…
Qui es mon semblable…
© Catherine Gaillard-Sarron 21.5.06
Mots fuyants
Aller chercher ce mot,
ce mot qui nous échappe,
Aller chercher ce mot,
ce mot qui nous agace,
Ce mot qui nous rend fou
et que l’on cherche en vain,
Au plus profond de nous,
le seul mot qui convient !
Aller chercher le mot,
le mot juste !
Loin, si loin en soi…
Le quêter, le pêcher, le traquer,
l’attendre, le prier, le supplier !
Forer son inconscient,
creuser sa mémoire
pour en trouver le sens,
pour en extraire l’essence ;
En percevoir la forme, la nature,
l’entrevoir, puis le voir, l’attraper,
l’extirper des ses méninges,
le saisir solidement, fermement,
Et le ramener, triomphant,
dans la lumière de son esprit,
pour pouvoir, enfin, l’écrire et l’offrir
à tous ceux qui voudront le lire !
Cath. Gaillard-Sarron 15.06.04
Le prix du sang
Souffrance et funérailles !
Vengeance et représailles !
Le sang qui inonde le monde
De sa « poisseur » immonde,
Qui trouble la raison
Et brouille l’émotion,
Reflétant en chacun
Le crime et l’assassin,
De tous est le miroir
Car de tous l’histoire !
La vie a bien un prix !
Un prix pour l’ennemi,
Un prix pour les pays
Qui l’échangent avec mépris,
La monnaient ou la sacrifient
Par vengeance ou par profit.
L’homme est dev’nu enjeu
Marchandise d’état ;
Dans ce macabre jeu
Soudain cible des rois,
Il devient le moyen
Qui justifie la fin,
Et résonnent à présent
Sur tous les continents
Les cris des innocents
Sacrifiés dans le sang !
Une vie pour une autre
Une vie contre une autre !
Un civil pour un civil
Dans une ville ou une autre !
Otages impuissants
Immolés au pouvoir,
Projectiles vivants
Que l’on tire au hasard,
Pareillement anonymes,
Pareillement victimes !
La vie des populations
Dans nos civilisations
Selon les ambitions
N’est plus que munitions,
Jouée par les plus grands
Sur un tapis sanglant.
Et sur cet échiquier,
Livrés à une poignée,
Des hommes comme des pions
Des hommes par millions,
Prisonniers effarés
D’un monde sans pitié,
Découvrent avec horreur
Du fond de leur torpeur,
Qu’ici bas sur la terre
La vie ne vaut pas cher,
Qu’on la monnaie sans honte
Pour régler tous les comptes
Et que la vérité
Qui nous est révélée
Est la liquidité
Qui fait couler l’argent,
Est la liquidité
Qui fait couler le sang.
© Catherine Gaillard-Sarron 2001
Le grand magasin
Par la porte à tambour
Tourniquant tout le jour
Chacun vient tour à tour
Y faire son petit tour
Car le grand magasin
Éclatant mais si vain
Attire dès le matin
Badauds et citadins
Lieu de consommation
Parvis des tentations
Le magasin attise
Toutes les convoitises
Seul ou accompagné
Nonchalant ou pressé
Chacun vient-y chercher
Un peu d’humanité
Et poussant des caddies
Grands comme leurs envies
Tous flânent indécis
Au milieu des produits
Remplissant à gogo
Leurs immenses chariots
Ils comblent à l’infini
Le vide de leur vie
Dans le grand magasin
Achalandé de biens
Faute d’humanité
Chacun vient consommer.
© Catherine Gaillard-Sarron 2000
La brute, l’ivrogne et sa femme
Pauvre fille, fille de pute,
Tu n’es rien, rien qu’une pute !
Tu vaux pas plus qu’un chien
Et ta vie m’appartient.
J’ai des droits sur ton corps
Car je suis le plus fort,
J’ai des droits sur ton âme
Car tu n’es qu’une femme.
Relève-toi quand j’te parle !
Te traîne pas sur les dalles !
Pauvre conne qu’est en cloque,
Quand j’te vois j’ai un choc :
T’es minable et t’es laide,
Tu mérites pas mon aide.
Regarde-moi quand j’te parle !
Cesse de dire que t’as mal !
Je supporte plus tes râles,
Tes yeux vides, tes joues pâles.
T’es vraiment plus qu’une loque,
J’suis sûr que d’moi on s’moque.
Cesse de dire que t’as mal !
Qu’tout ça n’est pas normal !
Si j’ te frappe c’est ta faute !
Tu fais rien comme il faut,
Et si j’bois, c’est ta faute aussi :
Une femme comme toi, c’est pas permis !
T’es minable et t’es laide,
Tu mérites pas mon aide.
Lève-les yeux quand j’te parle !
Cesse de dire que t’as mal !
Regarde-toi, j’suis pas fier,
T’es plus qu’une serpillière,
Une informe feignasse
Qui rampe à mes godasses.
Allez ! Tire-toi de là !
Y faut qu’ j’aille boire un coup.
Et m’regarde pas comme ça
Ou je te r’flanque un coup !
© Catherine Gaillard-Sarron 2002 3e prix ex aequo Concours FEGPA 30.02.10 Concours d’écriture sur le thème « L’alcool au masculin » organisé par la Fegpa, Apta, la Croix-Bleue genevoise, le Centre Envol, la Maison de l’Ancre, les Pèlerins de l’Eau-Vive et la Police genevoise suite à la Journée nationale sur les problèmes liés à l’alcool du 19 nov. 09.
Attente
Lui, c’est un accident,
Elle, une maladie,
Pour cet adolescent,
C’est depuis la naissance…
Face à ces défaillances
Qui minutent leur vie
Pas d’autre solution
Que la transplantation;
Tous les trois ils attendent
En espérant un cœur,
Tous les trois ils espèrent
En attendant un foie…
Ils souffrent et désespèrent
En attendant cette heure,
Ce bip-bip capital
Qui sauvera leur vie !
Tous les trois ils attendent
Cet instant sans temps mort
Où pour une fois la mort
Sera source de vie,
Ces minutes cruciales
Où transcendant le mal
Leur vie se poursuivra
Grâce à un don d’organe…
© Catherine Gaillard-Sarron 4.10
Casino
Dans cette société aux places limitées
Les données ont changé, le jeu s’est modifié,
Sur le grand tapis vert d’un monde qui se perd
Sa vie on doit jouer, les dés il faut jeter !
Entrez, entrez M’sieurs Dames,
Entrez dans le grand casino,
Casino du boulot, casino du magot,
Entrez, entrez lancer les dés et prendre votre dû,
Casino des élus, casino des exclus.
T’as joué, t’as perdu, à présent t’es foutu
Un autre a pris ta place, tu le vois dans la glace,
Pressé et oppressé par d’ignobles croupiers
On te montre la porte, en toi naît la révolte !
Entrez, entrez M’sieurs Dames,
Entrez dans le grand casino,
Casino des ragots, casino des complots,
Entrez, entrez lancer les dés qui vont vous condamner,
Casino des pistonnés, casino des rejetés.
La blanche défaillance d’un système en partance
La noire indifférence de nos grandes instances
Bouleversent les valeurs, suscitant les rancœurs
Au casino du profit plus personne n’a d’amis !
Entrez, entrez M’sieurs Dames,
Entrez dans le grand casino,
Casino des gogos, casino des escrocs,
Entrez, entrez lancer les dés qui vont déterminer
Si dans la société vous pourrez exister !
© Catherine Gaillard-Sarron 2001
La chambre vide
Dans cette chambre vide où résonnent mes pas,
Cet antre où désormais tu ne dormiras plus,
Les souvenirs m’assaillent et m’étreignent le cœur,
Une deuxième fois le cordon est coupé
Rompant le lien physique qui m’unissait à toi.
Tu as pris ton envol et je ne peux te suivre,
Dans cette chambre vide où tu ne seras plus,
Je mesure soudain tout ce que tu emportes.
Tu pars et c’est normal et pourtant je me trouble
Car plus que tes affaires, tu emmènes la vie,
Celle que t’ai donnée, celle que tu apportais,
Tu pars et tu emportes tout cela avec toi,
Et dans ta chambre vide, moi qui me croyais forte,
Je me sens vide aussi et je pleure en silence.
Je n’imaginais pas une telle émotion,
Moi qui me réjouissais de retrouver du temps,
Mais devant cette chambre où tu ne vivras plus
Soudain je prends conscience qu’une page se tourne.
Oh ma petite fille comme tu as grandi,
Aujourd’hui tu t’en vas et je me sens exsangue,
Vidée d’une présence qui emplissait ma vie.
Il fallait ton départ pour que je le mesure,
Ce lien indéfectible qui me relie à toi,
Il fallait ton départ pour que je la ressente,
La cuisante blessure de la séparation.
Mais le temps est venu de faire ton nid ailleurs
Et malgré ma détresse devant ta chambre vide,
Va ma petite fille vers la vie qui t’attend,
Car au-delà des larmes qui bordent ton départ
Mon cœur est plein de joie devant ta réussite.
Merci ma fille aimée pour toutes ces années,
Pour les petites joies et pour les grands chagrins,
Pour l’amour partagé et la complicité,
Pour la belle confiance entre nous installée.
Devant ta chambre vide où je sèche mes larmes
Je retrouve le calme car je sais que tu m’aimes
En faisant tes bagages, tu as pris avec toi,
La part de cet amour que nul ne ravira.
© Catherine Gaillard-Sarron 2008
À l’écoute du monde
Regarde autour de toi !
Partout les hommes se font la guerre
Qui draine la misère,
Partout ils briguent le pouvoir
Qui augmente l’avoir !
On ne voit que violence
Et désir de puissance,
Arrogance sauvage,
Injustices et outrages,
Qu’une laide vérité pétrie de vanités
Et c’est comme un soleil sur le monde ébloui
Que rayonne l’orgueil désormais aujourd’hui.
Écoute autour de toi !
Partout les hommes se crient leur haine
Qui pourtant les enchaîne !
Partout les hommes intriguent et mentent,
Soucieux surtout de belles rentes,
On n’entend que mensonges
Hypocrisies qui rongent,
On ne voit que chantage
Pour avoir davantage,
Bavardages hideux
Pour intérêts juteux,
Et comme de nouveaux dieux
Sur un monde sans cieux
Ils se veulent parole
Juste pour le pactole.
© Catherine Gaillard-Sarron 2001
« Ac-corps » perdus
Pour qui ce corps ferme, mince et musclé ?
Ce corps entrainé, dur à l’effort, à l’épreuve,
Ce corps en souffrance,
Ce corps en errance.
Pour qui ce corps soigné, épilé, oint, parfumé ?
Ce corps parfait, sain,
Fait pour la caresse,
Prêt pour la tendresse ;
Ce corps jeune et vigoureux,
Ce corps instrument,
Ce corps qui transcende le tourment dans la douleur,
Qui expie par l’effort
La culpabilité de n’être pas aimé…
Pour qui ce corps en pénitence ?
Ce corps qui se prépare,
Se pare et se tend
Vers un autre
Qui ne le voit pas…
Ce corps invisible qui se punit
De ne pas exister,
De n’être pas choisi,
D’être seul !
Pour qui ce corps en latence ?
Ce corps en suspens ?
Ce corps qui se tord
Dans les affres du sport,
Ce corps qui fond
De sueur et de larmes,
Dans l’attente d’un autre
D’un authentique ac-corps à corps…
© Catherine Gaillard-Sarron 23.4.10
Il n’y a que l’amour
Il n’y a que l’Amour qui nous maintient vivants
Et qui nous rend conscients du prix d’un grand amour
Il n’y a que l’Amour qui d’un souffle nous porte
Car rien d’autre n’importe dans la fuite des jours
Il n’y a que l’Amour qui toujours nous soutient
L’amour qui nous revient, inattendu secours
Il n’y a que l’Amour pour éclairer les cœurs
Pour tarir la noirceur qui dans les âmes sourd
Il n’y a que l’Amour
Qui inspire et rayonne
Qui sans cesse pardonne
Rancœurs et mauvais tours
Il n’y a que l’Amour pour nous tenir debout
Quand l’homme devient fou sans espoir de retour
Il n’y a que l’Amour pour sortir de l’enfer
L’amour contre la guerre qui le Vivant laboure
Il n’y a que l’Amour
Pour rédimer le monde
Pour combattre l’immonde
Et prouver sa bravoure
Il n’y a que l’Amour du début à la fin
Dans nos cœurs et nos mains, l’amour depuis toujours
Il n’y a que l’Amour qui nous fait exister
Il n’y a que l’amour dont il faut témoigner
L’Amour qui tout anime
L’Amour qui illumine
L’Amour qui grâce à nous
Triomphera de tout.
© Catherine Gaillard-Sarron 16.06.14