Paquet surprise.

AudiosBillet 26.12.14

Que diriez-vous d’un paquet qui vous offre vingt-quatre surprises,

toutes plus étonnantes les unes que les autres?

François Gachoud

Paquet surprise, 24 nouvelles contemporaines,Catherine Gaillard-Sarron 2014

Paquet surprise

Préface de François Gachoud

Billet Daniel Fattore

Il ne faut jamais dévoiler par avance les secrets promis par le paquet surprise. À chacune, à chacun de s’y plonger gaiement au gré des variations orchestrées par l’auteure. Le génie de son style, ses intuitions vives, cette capacité unique qui est la sienne de savoir communiquer à ses personnages autant d’étrangeté que d’épaisseur reconnaissable vous confirmeront que l’art de donner vie à toutes ces histoires n’est jamais que le fruit d’une vertu reine : l’imagination créatrice!

François Gachoud

Octobre 2014 – 278 pages/24 nouvelles
ISBN : 978-2-9700942-2-7
Prix 25 CHF   eBook 4.99

La liste - Extrait

par Catherine Gaillard-Sarron | Voix off Anne Davaud

Quatrième de couverture

Réveillon catastrophique, accouchement rédempteur, liste assassine, fantasmes, vache meurtrière, insupportables ronflements, agroglyphes et bucolique demande en mariage, règlements de comptes, despote amnésique, miracle de Noël… Autant de situations plus surprenantes les unes que les autres, mais…

Il ne faut jamais dévoiler par avance les secrets promis par le paquet surprise. À chacune, à chacun de s’y plonger gaiement au gré des variations orchestrées par l’auteure. Le génie de son style, ses intuitions vives, cette capacité unique qui est la sienne de savoir communiquer à ses personnages autant d’étrangeté que d’épaisseur reconnaissable vous confirmeront que l’art de donner vie à toutes ces histoires n’est jamais que le fruit d’une vertu reine : l’imagination créatrice!

François Gachoud

Vite ! Ouvrez ce truculent Paquet surprise de Catherine Gaillard-Sarron et laissez-vous séduire par ses personnages attachants, sa finesse d’observation, sa maîtrise du propos et de la chute.

Vingt-quatre nouvelles dont la justesse de ton, l’humour et la tendresse, vous feront passer du rire aux larmes et vous emmèneront de surprise en surprise…

Préface de Paquet surprise

Site François Gachoud

On le sait depuis longtemps : les paquets surprise font la joie des enfants. Pourquoi pas celle des adultes, surtout quand leur échoit la chance d’en trouver un qui tiendra ses promesses. Que diriez-vous d’un paquet qui vous offre vingt-quatre surprises, toutes plus étonnantes les unes que les autres ?

Les vingt-quatre nouvelles que voici n’attendent que l’éveil de votre curiosité. Et je tiens le pari que vous ne courez qu’un risque : celui de vous réjouir de cette découverte. La nouvelle est en général un art qui séduit. Sans doute parce que sa pratique postule de rares qualités : savoir créer un ton, camper des personnages à la fois singuliers et vivants, les dessiner en quelques traits saillants, les incarner au cœur d’une histoire, d’une situation simple, brève et rythmée. Savoir de surcroît aiguiser l’attention, ménager les effets, maîtriser le propos, inventer la chute. Nul doute que le recueil de Catherine Gaillard-Sarron illustre au plus près les vertus de cet art.

Il ne faut jamais dévoiler par avance les secrets promis par le paquet surprise. A chacune, à chacun de s’y plonger gaiement au gré des variations orchestrées par l’auteure. Le génie de son style, ses intuitions vives, cette capacité unique qui est la sienne de savoir communiquer à ses personnages autant d’étrangeté que d’épaisseur reconnaissable vous confirmeront que l’art de donner vie à toutes ces histoires n’est jamais que le fruit d’une vertu reine : l’imagination créatrice ! De l’imagination, Catherine Gaillard-Sarron n’en est pas seulement porteuse à l’envi. Elle lui inspire le pouvoir d’accoucher d’un monde où vous circulez librement, où vous pouvez rêver sans frontières, où vous trouverez aussi des pointes de sagesse, des enseignements discrets, des touches d’observation si justes, si révélatrices de nous-mêmes et des autres, au sein de cette vaste comédie humaine dont nous sommes, ne l’oublions pas, nous aussi les acteurs !

François Gachoud, écrivain

Catherine Gaillard-Sarron : Le parfait recueil pour Noël!

Billet de Daniel Fattore du 26.12.14

Des nouvelles, encore!

Vingt-quatre nouvelles! Celles-ci constituent un florilège qui sait surprendre par le choix de certains points de vue. Elles ont une teinte généralement optimiste ou malicieuse, même si certains personnages sont détestables – en particulier les hommes mufles ou machos mis en scène. L’écriture est fluide, classique, et se met au service de moments émerveillés, curieux, souriants, voire sensuels

Des nouvelles, encore! Poétesse et nouvelliste, l’écrivaine suisse Catherine Gaillard-Sarron propose, en cette fin d’année, tout un recueil plein de surprises. Certaines font du bien, certaines dérangent, d’autres interpellent. Au final, “Paquet surprise” est un recueil auto-édité à lire – à dévorer, même – en cette période de fêtes de fin d’année.

Les premiers textes de ce recueil sont des contes de Noël modernes. Le lecteur appréciera les bonnes vibrations qui en émanent, en particulier de la première, “Le Noël de Pietro et Rosa“. Cumulant les hasards heureux autour d’un couple modeste, sans histoires mais non sans rêves, elle illustre à merveille l’idée du miracle de Noël et promet que la fête est porteuse de bonheur. Rebelote avec “Au dragon pétaradant“, une nouvelle qui montre que certaines prédictions peuvent devenir réalité, pour le pire et pour le meilleur. L’auteure use d’un contraste maximal pour dépeindre deux hommes: l’un est un mufle odieux, l’autre une personnalité attentionnée et élégante. Le tout, dans un “restaurant chinois vaudois”: entre plats foirés et tomates farcies, la catastrophe est programmée. L’auteure n’épargne rien, pas même la “boule de glace à la fraise couverte d’une macédoine de fruits en boîte et d’un pschit de chantilly en bombe”. Rien à voir avec le “restaurant chinois” de Christophe Grau…

Le lecteur coutumier de Catherine Gaillard-Sarron sait que les personnages masculins de Catherine Gaillard-Sarron ne sont pas toujours des plus sympathiques: les travers tels que la muflerie et le machisme mal placés, parfois exacerbés par la dépendance à l’alcool, reviennent régulièrement dans ses textes. L’auteure réserve quelques personnages de ce tonneau dans “Paquet surprise”, peints à grands traits vigoureux, jusqu’à la caricature. L’issue de ces nouvelles est le plus souvent attendue: l’homme finit puni par là où il a péché. On aurait apprécié, parfois, un virage inattendu! Reste la manière d’y arriver, qui s’avère astucieuse, par exemple, dans “La Liste“: acrostiches, anagrammes, mots croisés et jeux de mots, le parcours est savoureux comme un bonbon de Noël.

Une brassée de lettres offre à l’auteur une nouvelle occasion de jouer avec les mots et de se glisser dans la peau de personnages incongrus: des wagons, la chèvre de Monsieur Seguin, etc. La signature fait ici figure de chute, donnant à ces lettres un vrai statut de nouvelle. Et l’on glisse, en fin de récit, vers des textes sensuels, voire érotiques – “La demande” rappelle que pour de grands moments, peu importe le décor… et “Aventure intra-sensorielle” permet à l’auteure de boucler son recueil sur un ultime orgasme. Quoi de mieux?

Préfacé par le philosophe François Gachoud, le recueil de nouvelles “Paquet surprise” porte bien son nom: il s’agit d’un florilège de textes divers, regroupés en fonction de thématiques qui rapprochent certains d’entre eux. Parfois prévisibles certes, ces nouvelles surprennent le plus souvent, font volontiers sourire, et savent émerveiller grâce à un optimisme certain. 

Catherine Gaillard-Sarron, Paquet surprise, Chamblon, Catherine Gaillard-Sarron, 2014. Préface de François Gachoud.

Billet de Daniel Fattore le 26 décembre 2014

 La liste

“GGRRrrrrrrr ! Il allait voir ce qu’il allait voir. Puisqu’elle était succube, elle l’attaquerait de nuit comme il se doit !”

Extrait 

Christiane consulta sa montre. Elle avait encore le temps de mettre une lessive avant le repas. Elle s’empara du panier à linge et se dirigea vers la buanderie. Au passage, elle attrapa la veste de survêtement de son mari qui pendait à la patère. À vue de nez, elle méritait bien un lavage. Biaggio, à l’instar de bien des hommes, ne voyait pas la saleté s’accumuler sur ses fringues, et encore moins la nécessité de les laver toutes les semaines. Il ne voyait pas non plus la poussière et la saleté envahir la maison, allant jusqu’à lui reprocher d’être une maniaque de la poutze quand elle faisait le ménage. Évidemment, il lui était plus facile de l’accuser d’en faire trop que de s’excuser de ne rien faire. Même si son emploi d’institutrice ne l’occupait qu’à mi-temps, Christiane supportait de moins en moins qu’il ne fît pas sa part des corvées domestiques. Biaggio relativisait les tâches ménagères, comme leurs problèmes conjugaux, son unique stratégie se résumant, dans les deux cas, à en faire le moins possible. Il se contentait généralement de faire disparaître la saleté sous le tapis et les conflits sous la trame des jours. Les à-fonds et les remises en question, merci bien ! ce n’était pas pour lui.

Christiane ne tolérait plus ce minimalisme crasse qui entachait son existence. S’il n’avait tenu qu’à lui, Biaggio aurait pu tout aussi bien porter sa veste toute l’année sans que cela le gênât le moins du monde. « Où il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir » fanfaronnait-il sans cesse devant ses amis. Biaggio faisait toujours ce qu’il voulait, quand il voulait. Pour lui, c’était le plus gêné qui s’en allait. Le niveau d’exigence de Christiane étant plus élevé que le sien, c’était donc elle qui cédait et s’effaçait régulièrement. Ce dont il profitait avec désinvolture, s’appuyant sur ses vertus mêmes pour la manipuler et la culpabiliser. Christiane avait conscience de tout cela, mais elle s’en accommodait, masquant son impuissance à changer les choses en astiquant et briquant la maison avec une énergie qui confinait parfois à la rage. Faire le ménage à fond lui procurait le sentiment de récurer le sien de fond en comble. Sorte de catharsis libératoire qui lui donnait l’illusion d’agir sur son propre couple en nettoyant symboliquement cette crasse que son époux ne voulait ni voir ni ôter avec elle.  

Elle laverait cette veste, et d’ici ce soir elle serait propre et sèche, mais, comme d’habitude Biaggio ne remarquerait probablement pas la différence.

Christiane soupira et fit le tri de son linge. Comme avant chaque lessive, elle vida soigneusement les poches des vêtements et les retourna à l’envers. Non seulement cette pratique systématique ménageait les couleurs, mais surtout elle évitait qu’un petit objet, oublié dans une poche, ne vînt boucher le tuyau de vidange de la machine à laver. Malgré sa vigilance cette aventure lui était déjà arrivée plusieurs fois et la réparation lui avait coûté un prix exorbitant. La prudence était donc de mise. Au bout du compte, c’était autant qu’elle ne pouvait dépenser pour son coiffeur ou ses sorties.

C’est en fouillant les poches du blouson de Biaggio qu’elle la découvrit. Tout d’abord, elle n’y prêta pas attention, pensant qu’il s’agissait d’une liste de commissions quelconque. Elle la tenait dans sa main avec d’autres menus objets quand un mot attira son attention : caractérielle.

Tiens ! on ne trouvait certes pas cet article-là au magasin. Plus intriguée que curieuse ou suspicieuse, Christiane posa les objets qu’elle tenait sur le bord du lavabo et déplia soigneusement le papier plié en quatre pour le lire. Hystérique, Rigide, Intransigeante, Stupide. Des mots, apparemment sans suite, s’alignaient les uns sous les autres sans qu’elle pût en saisir ni le sens ni la raison. Etait-ce une liste qui avait trait aux mots croisés dont raffolait son mari ? Une sorte de sudoku à résoudre avec des mots plutôt que des chiffres ?

Tous ces adjectifs l’interpellaient. Une telle concentration de qualificatifs, aussi négatifs que ceux qu’elle avait sous les yeux, lui apparaissait cependant bizarre, voire inquiétante. Étrangement, au fur et à mesure qu’elle déchiffrait les mots écrits au stylo bleu, un malaise indéfinissable s’emparait d’elle. Avant même d’arriver au bout, elle avait compris. Son regard avait résolu l’énigme avant même son esprit. C’était un acrostiche ! Elle le distinguait à présent, les initiales de son prénom se détachaient clairement en début de chaque ligne. Une sensation désagréable lui titilla l’estomac. Elle déglutit avec peine et une crispation involontaire lui tira la joue quand elle termina la lecture des épithètes inscrites sur la liste : Tyrannique, Immature, Anorgasmique, Narcissique, Egotique !

Ébranlée, Christiane tiqua sous l’avalanche de « iques » et se laissa choir comme une masse sur l’escabeau de la buanderie.

Qu’est-ce que tout cela signifiait ? Pourquoi Biaggio avait-il écrit ces mots sur ce bout de papier ? Etait-ce donc tout ce qu’elle lui inspirait ?

Elle se frotta les yeux dans un geste d’incompréhension. Non, elle ne rêvait pas. Pour tout hommage depuis qu’ils vivaient ensemble, son cher et tendre lui avait concocté le plus abominable des poèmes : le seul et unique qu’il lui eût jamais composé en dix ans de vie commune. Le regard et le cœur vides, Christiane contemplait sans comprendre l’odieux acrostiche qui la dépeignait comme un monstre de méchanceté. Une mégère ! Et frigide de surcroît ! Elle s’attarda sur le S de stupide, un peu trop appuyé à son goût. Il semblait avoir hésité pour le S, préférant finalement stupide à salope, ajoutant l’injure à l’insulte !

L’hypocrite ! pensa-t-elle avec aigreur, quand je pense à toutes ses simagrées de ce matin. Elle le revoyait encore après avoir obtenu par moult manœuvres ce qu’il voulait d’elle. Monsieur était du matin. Elle avait beau lui dire, elle, que le matin elle n’avait ni la tête ni le reste à la chose, il n’en n’avait cure. Lui n’en faisait toujours qu’a sa « petite tête », en l’occurrence.

Christiane hésitait entre les larmes et la colère, tripotant entre ses mains tremblantes le misérable bout de papier froissé qui, pareil à une bombe, menaçait de faire exploser leur union. C’est alors qu’elle le retourna. Son sang ne fit qu’un tour. Un autre acrostiche s’y étalait en toute indécence. Avec un intérêt confinant au masochisme, elle se mit à déchiffrer à haute voix les mots qui s’étranglaient dans sa gorge et éclataient comme des grenades dans son cœur : Connasse, Harpie, Râpe, Imbécile, Salope ! Elle en était sûre ! Cet acrostiche était sûrement le dernier, le premier n’était qu’un ballon d’essai.

Le salaud ! Le salaud ! éructa-t-elle entre deux mots.

Mais, comme envoutée par les mots qui dansaient en lettres de feu devant ses yeux embués, elle poursuivit son énumération : Terroriste, Inadaptée, Arriviste, Nombriliste, Emmerdeuse !

Cette fois, Biaggio avait porté son choix sur des noms plutôt que des adjectifs. Il ne la qualifiait plus – disqualifier aurait été plus juste – mais il la nommait. Il lui donnait une forme, une réalité. Il l’incarnait dans l’abjection.

Christiane ! Christiane ! Il lui avait fallu établir deux listes pour l’exorciser, pour l’extirper comme une épine empoisonnée de sa tête. Christiane ! Le diable en jupons ! La démone possessive et dévorante ! Le succube frigide qui hantait son esprit malade et jaloux et qu’il baisait tous les matins depuis dix ans !

GGRRrrrrrrr ! Il allait voir ce qu’il allait voir. Puisqu’elle était succube, elle l’attaquerait de nuit comme il se doit !

Lue à la RTS par Carine Delfini le 16.1.15. Pour écouter

Cher Charles

Texte intégral

Malgré toute l’attention que vous me prodiguez et la qualité de l’environnement que vous mettez à mon service ; malgré les multiples et généreux hommages dont vous me comblez sans cesse ; malgré l’admiration flatteuse dont vous m’entourez avec ferveur et qui fait de moi votre objet de culte, en dépit ou à cause de tout cela, Charles, je vous annonce que je pars.

Je n’en puis plus de votre adoration et de votre jalousie, de votre amour passionné, de votre haine, de votre ambivalence et de votre ambiguïté. Je ne supporte plus votre oppressante dévotion qui confine à la vénération et me réduit à une icône désincarnée. J’étouffe sous votre surveillance perpétuelle et vos regards suspicieux. Je m’asphyxie à tirer sur la corde dont vous m’entravez. Mes yeux larmoient et s’usent à contempler le ciel, de la fenêtre. Mes oreilles sont douloureuses à se tendre vers les bruits de la vie qui m’entourent et mon cœur saigne devant la conscience de cette réalité. Je rêve d’espace et de liberté quand vous ne me concédez pour vivre que cet endroit minuscule. En dépit de tout ce que vous appelez amour, je me meurs de solitude et de mélancolie.

Vous ne m’aimez pas, Charles ! Vous vous aimez à travers moi. Vous aimez l’idée que vous avez de l’amour. Vous aimez l’idée que je vous appartiens, que je suis votre chose, votre propriété… mais vous ne m’aimez pas. Aimer c’est laisser l’autre libre, c’est reconnaître et aimer en lui l’idée même de la liberté. L’amour est liberté. L’amour est un lien librement consenti.

Charles ! L’amour et la confiance sont les seuls liens qui permettent un attachement véritable quand vous, vous tentez, de manière dérisoire et pathétique, de m’attacher à vous par une corde.

Cela est insupportable et indigne. Votre attitude m’humilie et me blesse et je ne peux accepter plus longtemps d’être traitée comme une quelconque chèvre…

J’ai enfin trouvé le moyen de fuir votre adoration maladive, si révélatrice de votre incapacité à vous aimer vous-même. Grandissez, Charles, et n’ayez plus peur de perdre ceux que vous aimez, car c’est en les attachant que vous les perdez et c’est en les libérant que vous vous les attacherez. 

Je sais que le loup rôde dans la montagne, mais à tout prendre, je préfère encore être dévorée vive plutôt qu’emprisonnée à vie par votre amour dévorant.  

Rappelez-vous, Charles, l’amour est libérateur alors que la peur et la jalousie sont des chaînes… 

Blanquette à Charles Seguin

Lue à la RTS par Carine Delfini le 21.1.15. Lien émission

Commentaires

“Un paquet surprise” à ouvrir absolument!

Une très belle plume, de l’imagination, de l’humour et de l’amour, du cynisme, de l’érotisme et surtout beaucoup d’humanité desservent ses nouvelles. De très bons moments passés dans cette lecture. Des histoires intrigantes, passionnantes et touchantes. Catherine Gaillard-Saron nous transmet dans ce paquet plus que des surprises, elle nous propose des observations subtiles sur la vie des gens et transforme le quotidien en des aventures formidables. Je recommande vivement ce livre.

Romuald Reber 30.8.17

Bourdon

Découvrir toutes ces surprises m’a mobilisé toute une soirée. Tout y est concentré : l’humour, l’amour, l’action, le suspens et même une « Demande » très érotique ! Une très belle écriture au style parfait.

Que demander de plus ? J’ai adoré et j’en redemande…

22.9.16

Chers Wagons sur La Méduse.ch le 12.3.16

Une nouvelle de Catherine Gaillard-Sarron/Chers wagons le 12.3.16

Après quarante ans passés à votre service, à vous tirer, à vous traîner, par tous les temps, par monts et par vaux, je vous avoue que je n’en puis plus. Si vous saviez comme j’en ai assez de vous entendre geindre et cliqueter derrière moi pendant que je m’épuise à tirer la charrette! Comme j’en ai assez d’être accouplée à n’importe lequel d’entre vous par des crochets d’attelage qui m’enserrent comme un joug et me blessent. Comme j’en ai assez de faire tout le boulot pendant que vous ne pensez qu’à commérer, à critiquer et à vous laisser porter au son de mes plaintes lancinantes et continues, musique née de mes ventilateurs à la limite de la rupture, de mes moteurs de traction, de mes couronnes dentées et de mes bielles à vif. Non! Décidément je ne peux plus, je ne veux plus le supporter!

Ma santé se déglingue. En outre, des rumeurs, complaisamment rapportées par des wagons «malattachés», courraient quant à l’éventualité que les réparations nécessaires à mon bon fonctionnement ne seraient plus envisageables. Trop cher! paraît-il. Et pas assez rentable surtout!

Je coûte trop à la compagnie, qui le fait savoir tous azimuts, distillant jusqu’à la nausée sa propagande «Jeuniste et technologique.» On me dit trop vieille, trop lente – archaïque – pas assez moderne ni actuelle; encombrante en vérité. Les ferrailleurs sont déjà là et attendent patiemment leur heure pour me dépecer, me mettre en pièces !

Triste bilan, n’est-ce pas? Travailler et trépasser, voilà le train-train quotidien que l’on exige aujourd’hui de l’employé modèle et soumis! Et je m’en indigne, croyez-moi! Car s’il est vrai que je suis, dans le vrai sens du terme, un modèle du genre, je ne suis pas servile: je suis toujours une meneuse, une «Loco», et j’en suis fière. J’en ai encore de la chaudière et je peux vous montrer de quel charbon je me chauffe!

Vous me trouvez amère? Cynique? Revendicatrice? Je suis tout cela, il est vrai. Fidèle et stoïque, j’ai œuvré et enduré mille tourments pour satisfaire les exigences imposées. J’ai attendu, comme un chien, le regard ou la caresse d’un maître trop égoïste pour simplement me voir. J’ai cru à des valeurs comme le travail bien fait, le sens de l’effort, la solidarité, le respect… mais je me suis trompée. J’ai été manipulée, utilisée, et à présent que l’on me suspecte d’être moins performante, que l’on cherche honteusement à me mettre au rebut, je ne peux que mesurer, trop tard, que je me suis perdue… accrochée aux désirs des autres. Aujourd’hui, pourtant, grâce à votre mépris et à votre indifférence, j’ai pris conscience de mes désirs et de mes besoins et je n’attends plus aucune reconnaissance de personne: j’ai enfin compris qu’elle ne viendra pas… si ce n’est de moi-même.

Comme vous pouvez le constater, j’ai mûrement réfléchi à tous les aspects du problème et ma décision est prise. Avant de finir en pièces détachées dans un entrepôt quelconque, je décroche et je vous décroche, TOUS, sans exception! Terminus pour tout le monde!

Quant à moi, chers wagons, c’est avec une véritable jubilation que je mets délibérément fin à quarante ans d’esclavage consenti. Déliée de votre entrave, dégagée de votre poids, je pourrai, enfin libre et légère, aller bon train et avec panache sur les vrais rails de ma vie…

Micheline

© Catherine Gaillard-Sarron 2003
Nouvelle extraite du recueil Paquet surprise 2014

 

Kroniques.com 3.4.15

Kroniques.com 3.4.15

C’est incroyable ce qu’un livre, et d’autant plus un auto-édité qui nécessite autant d’investissements de la part de son auteur, peut révéler sur celui qui l’a mis au monde. Le Paquet surprise de Catherine Gaillard-Sarron n’a rien à envier à une édition classique, la couverture brillante est élégante, l’ensemble très professionnel. L’écrivain a visiblement effectué un travail de relecture, de correction, voire de pré-presse pour aboutir à ce résultat. Rien n’a été laissé au hasard, rien ne manque. De la quatrième à la préface, en passant par les crédits photos, l’ISBN, la biographie, tout est là. Voilà pour l’aspect livre-objet.

Dissimulé derrière la haie, Pietro observait les trois personnes qui s’activaient sur le trottoir d’en face. Quand la porte de l’immeuble se referma sur elles, il attendit encore cinq minutes que s’éteignit la minuterie, puis il sortit de l’ombre. Court, trapu, il s’approcha prestement des objets qui débordaient sur la chaussée. La nuit était glaciale. Un halo de vapeur flottait autour de son visage emmitouflé d’une écharpe. Dans le ciel clouté d’étoiles, la lune, ronde et lumineuse, éclairait d’un éclat métallique le tas hétéroclite qui s’entassait devant lui. Pietro inspecta les alentours. Sous ses habits de lumières, la rue était déserte. En cette veille de Noël, se dit Pietro en soufflant dans ses mains, les gens avaient mieux à faire qu’à traîner dans la rue. Une chance pour lui que le dépôt des objets encombrants ait quand même lieu ce mercredi 24 décembre 2003. Peut-être trouverait-il quelque chose d’intéressant cette fois.

L’écriture proprement dite a manifestement bénéficié du même investissement personnel. Le style est assez classique, pas de vocabulaire compliqué ni de tournures alambiquées. Les nouvelles sont particulièrement bien construites, selon un schéma narratif qui a fait ses preuves : situation initiale, élément déclencheur, péripéties, résolution et dénouement. Les thèmes abordés sont proches et toujours en lien avec le titre, ce qui donne au recueil une cohérence bienvenue.

Ils passèrent devant le restaurant et Roger se dirigea vers le parking pour garer la voiture. — Eh bien, dit-il, c’était pas la peine de se presser autant. Toi qui pensais qu’on trouverait pas de place ! On sera au moins cinq puisqu’il y a trois bagnoles ! Et il se mit à rire. — Il n’est pas encore 20 heures, dit Élisabeth contrariée, peut-être est-ce encore un peu tôt pour un soir de réveillon. — Ouais ! reprit Roger, mais c’était depuis 19 heures, et pour le moment on peut pas dire qu’il y ait foule. Je sais pas, mais j’le sens pas, moi, ce bistrot ! Si tu veux mon avis, j’suis pas sûr que t’aies fait le bon choix avec ce chinois. Élisabeth pensait exactement la même chose mais elle ne pipa mot. Voilà ce que c’est, songeait-elle agacée, les hommes ne veulent jamais rien organiser, ils s’en remettent complètement à leur femme parce que ça les arrange, et quand ça tourne mal ils leur mettent tout sur le dos. D’un geste sec, elle remonta le col de son manteau et marqua son irritation en sortant brusquement de la voiture. Roger en fit autant et claqua la portière de la Mercedes derrière lui. Mince, se dit Élisabeth, attristée par la tournure que prenaient les choses, même le soir du réveillon il faut qu’on s’engueule ! Ça commençait mal.

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